Westward the Women en VO
En 1850, dans l'ouest américain, le grand propriétaire terrien Roy Whitman recherche des femmes pour travailler dans son exploitation agricole, essentiellement composée d'hommes. Les 150 candidates retenues entament alors la traversée périlleuse des Etats-Unis.Je n'allais pas rester sur ma relative déception de
The Ox-Bow Incident (L’Étrange incident en français, titre ridicule), j'ai donc enchaîné avec un autre des westerns les plus célèbres de Wellman, et cette fois c'est une excellente pioche. Déjà par rapport à The Ox-Bow Incident une partie très importante du film est tourné en extérieur, alors que le premier était confiné dans son décors de studio avec un rondin au sol et un arbre à pendu. Je n'ose d'ailleurs même pas imaginer l'ingénierie qui a dû être déployée pour le tournage, avec de multiples lieux différents, une vingtaine de chariots, 150 femmes, des chevaux et des mules, de multiples points de vus en hauteur, l'équipe technique a dû vraiment morfler. Mais le rendu final en valait vraiment la peine. Et si j'avais trouvé lourde la charge sur les bas-instincts de la foule du précédent, celui-ci est un chef d’œuvre d'écriture, toujours mesuré dans ses effets, toujours juste également.
Chose rare pour le western, Convoi de femmes est avant tout un grand film féministe. L'Homme s'incline face à leur résolution, tous les hommes. De ceux qui ont été recrutés pour les accompagner et vont rapidement les abandonner à leur sort (l'impossibilité des coucheries qu'ils s'imaginaient rendant le périple beaucoup moins intéressant), à ceux qui les attendent en Californie (ils peuvent se rincer l’œil lorsqu'elles arrivent, mais en aucun cas choisir celles qu'ils pourront épouser, ce choix restant entre les mains des femmes), en passant évidemment par le chef du convoi (Taylor), le plus récalcitrant d'entre tous. Ils s'inclinent tous parce que ces femmes n'auront de cesse de repousser les événements contraires, les offres de rebrousser chemin, tenues par leur engagement d'arriver en Californie et d'y fonder chacune une famille. Et autre chose rare, il n'y a pas un seul moment où la gente féminine n'est raillé ou rabaissé, le film est très souvent drôle (le personnage de Patience, un ogre de près de 2 mètres qui a choisit son mari pour sa tête de maquereau) mais toujours de manière bienveillante. Pas traces de blagues graveleuses, et la seule femme qui aura à subir les assauts d'un homme sera vengée sur le champs.
Ce qui m'est apparu également comme une évidence, et qui éclaire rétrospectivement The Ox-Bow Incident (où je n'avais pas saisi le relative effacement de Fonda), c'est la négation du statut de héros chez Wellman. Bien que réputé républicain, c'est avant tout le groupe qu'il souhaite mettre en avant, sans qu'une personnalité n'en ressorte véritablement. Celui qui aurait pu (dû chez d'autres réalisateurs) endosser ce rôle est Robert Taylor. Mais il va progressivement s'effacer dans le film, imposant d'abord ses règles et le rythme de la marche, laissant progressivement les rênes à ce groupe de femmes, acceptant de bivouaquer lorsqu'ellent le décident, leur proposant (2 deux reprises) de rebrousser chemin mais acceptant de poursuivre le périple lorsqu'elles refusent catégoriquement cette éventualité. Wellman use même d'un parti pris extrêmement frustrant pour le spectateur, c'est de le priver de la scène de bravoure tant attendue, de manière à mieux éluder le risque de voir ressortir un personnage en particulier (en l’occurrence ici celui ou celle qui aurait pu être le plus brave lors de l'attaque des indiens), pour mieux se concentrer sur les conséquences pour le groupe (la mort de certains d'entre eux).
Dernier détail que j'ai trouvé assez étonnant, c'est le curieux personnage du petit japonais Ito, dont on moque la taille dans sa première scène, qui est clairement l'un des moteurs comiques (avec Patience) du film, mais qui impose lui aussi rapidement le respect. Pas plus que les femmes ne sont dévalorisés, il n'aura jamais droit à quelconque quolibet raciste, ce qui peut surprendre pour un Western (où les mexicains/indiens sont souvent traités comme des moins que rien) tourné juste après la 2nde guerre mondiale (avec le traitement de faveur que les japonais implantés aux US ont eu à y subir).
Grand film humaniste.
5/6