the black addiction a écrit:
Absolument d'accord avec toi, j'ai pas compris, je m'attendais vraiment à plus ambitieux que ça.
Pourtant, le film m'a en partie séduit pour son côté modeste. C'est parce que sa noirceur dénote tellement avec le cinéma "inoffensif" de nos jours qu'on y voit de l'ambition, alors que Lumet se fait surtout plaisir à brasser ses thèmes fétiches : sens de la justice, cupidité, trahison, etc... Il adopte un style très sec, très épuré, que je trouve parfois fascinant : le récit semble se dérouler tranquillement, mais il renferme une nervosité à l'intérieur qui semble vouloir exploser. Le film, qui n'a pourtant pas un montage à la MTV, semble constamment hanté par le sentiment de panique.... Chaque fois qu'on change de point de vue, cela est accentué par un zoom incongru et de brefs ellipses "alternatifs". Ces retours en arrière donnent paradoxalement l'impression d'un dénouement inévitable, façon tragédie shakespearienne.
Et puis ce que j'adore aussi chez Lumet, c'est qu'il n'utilise JAMAIS la lumière artificielle...
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Jericho, tu parles de noirceur, je peux pas nier mais cela ne construit pas la qualité d'un film à mon sens, ce serait trop simple... prenons deux acteurs jouant parfaitement (et encore pour Hawke c'est limite) les hommes affectés et le tour est joué. Non moi ça passe pas.
Peut-être, mais pour moi, Lumet reste l'un des plus grands directeurs d'acteurs... Il n'y a qu'à voir la liste impressionnante de tous les grands acteurs a qui il a su donner des rôles mémorables. Même Vin Diesel était fabuleux dans "Find Me Guilty". Donc, je ne pense pas que tu peux dire qu'il a juste eu la chance de bien s'entourer et de laisser tourner sa caméra... Lumet vaut mille fois mieux que ça, et TU LE SAIS.
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En ce qui me concerne Lumet ne me raconte rien qui dépasse la surface de l'image, il souhaite certainement actualiser cette dernière, se mettre à la page comme on dit, et c'est l'élément qui m'a tenu le plus à distance).
Le film est très simple dans sa mise en scène, alors que les liens entre les personnages sont assez complexes... Il n'y a rien à analyser "derrière la surface de l'image"... Je crois que c'est l'éternel débat cinéphile sur la frontière entre le classicisme et l'académisme, non?
J'ai ressenti le film de façon très directe, j'y ai retrouvé une certaine vitalité, retrouvant les émotions que m'avaient procuré les premiers mélodrames tragiques que je découvrais, car les thèmes sont suffisamment forts, ce sont vraiment des thèmes qu'on adore retrouver dans des films noirs... Lumet ne réinvente rien, mais il assure comme un vieux maître.
Le film m'a parfois rappelé "Match Point" de Woody Allen. Deux vieux cinéastes qui semblent avoir déjà tout donné, mais qui retrouvent toujours une vitalité, une colère, une ironie tranchante....
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Ce déroulement discontinu de la narration (très à la mode) n'est vecteur d'aucune force, qu'elle soit signifiante ou purement esthétique (le regroupement des deux, ce serait trop demander au cinéaste).
Pour moi, cette narration jouait avec l'intelligence du spectateur : on sait que le casse va forcément foirer... L'intérêt de cette narration, c'est de nous montrer les personnages petit à petit, de les apercevoir un peu plus différemment alors qu'on croyait les avoir perçus dans une scène antérieure, ce qui nous fait réviser notre jugement. Plus le film avance, plus les personnages m'ont surpris... La scène de la gifle m'a retourné...
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Par exemple, lorsque Hoffman va pour la première fois chez son dealer (une pathétique caricature), un long plan séquence le suit dans l'appartement... je me suis dit "pourquoi?", "il veux juste nous montrer qu'il sait faire un plan séquence?". Ensuite j'ai compris qu'il présentait une opposition d'espaces, le présent au sein de ce dernier venait contrecarer les mouvements agressifs et perpétuels de l'extérieur... le lieu du recul et de l'échappatoire. Bien, pourquoi pas? Toutefois cette réfléxion ne fût que que réflexion durant la projection, sans jamais passer par l'étape du ressenti.
C'est dommage que tu ne l'aies pas ressenti ainsi, car c'est une belle scène, étrangement calme alors que le contexte était propice à une tension trop signifiante. Hoffman parcourt la pièce, on sait qu'il vient d'être pris dans un engrenage infernal, il semble là, à attendre
que la diable n'apprenne sa mort. Cette scène semble un peu irréelle, c'est un échappatoire comme tu dis... Hoffman s'y drogue et plane...
Et puis la scène de la rupture est également magnifique...
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Attention, je trouve le film également très léger conceptuellement mais c'est le peu qu'il lui reste. En fait je trouve que le terme anecdotique lui va comme un gant. Le film est à mon sens pas assez radical pour passer le statut de l'anecdote... l'esthétique de la noirceur ne se résume pas un acteur (fût il très grand) en train de crier et de pleurer dans une voiture
.
On reproche souvent à Lumet de ne pas avoir d'esthétique prononcée au niveau de l'image... Je crois que c'est ce qui déplaît à Karloff car son trip, c'est justement l'esthétique... Je ne peux pas non plus te contredire quand tu dis que le film n'est pas très conceptuel.
Et pourtant, ici comme dans la plupart de ses autres films, je trouve que Sidney Lumet a un style identifiable et indiscutablement très personnel...
J'ai l'impression que vous vouliez y rechercher des choses qui n'y étaient pas forcément... Mais c'est certainement une question de goûts et de couleurs, en fait.
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Lorsqu'un cinéaste me dit <<regarde, ils pleurent, ils souffrent, emprunte le même chemin>> ça ne fonctionne pas. Trop d'emphase sur ce à quoi le cinéaste se rattache pour ne pas cacher sa perte. Par ce désir de trop grosse affliction tout se perd.
Tu trouves le film trop démonstratif, en fait? Pourtant, j'ai trouvé que rien n'y était lourdement appuyé... Il y a énormément de non-dits pendant tout le film (d'ailleurs, c'est bien une histoire de non-dits entre les frères et leur père), et quand ça menace d'exploser grave, comme quand Hoffman braque soudainement son flingue sur Hawke en lui disant qu'il sait, c'est pfffiou : j'adore cette tension-là à l'écran.
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En bref je ne pense pas que le film est un véritable sujet, juste un scénario archétype, et encore moins un sujet qui soit vecteur d'une avancée formelles. La déception, le film vide et plat par excellence, symptomatique d'un trop gros désir de remplissage.
"Avancée formelle?" Je demande pas à Lumet de réinventer le thriller. D'ailleurs, y a-t-il vraiment quelque chose à réinventer ?
Voilà, j'espère que mes réponses te conviennent.... En tout cas, je tenais à dire que je comprends très bien ton point de vue, même si je ne le partage pas ! Au moins, tu ne dis pas de conneries.