l'article posté par Qui-Gon Jinn a écrit:
L’écologie est aussi une question politique, et que dire de la politique d’Avatar ? L’ambition du premier film a comme disparu, plus aucun cas n’est fait de la lointaine Terre où l’humanité se meurt, et le manichéisme du film disqualifie toute tentative de négociation ou de consensus, et ne peut se régler que par un bon vieux duel viril au corps à corps entre deux militaires américains – le gentil et le méchant –, écartant peuples opprimés, Terriens mourants et toute dimension collective pour en revenir à une bagarre puérile digne de Steven Seagal.
Mais c'est ça qu'on veut, ai-je envie de dire.
C’est un peu le verre à moitié vide et le verre à moitié plein, ce film. Je trouve que l’entrée dans l’univers du point de vue des méchants est plus comestible que celle du premier épisode. Cameron est un malinou et a bien pris en compte qu’une frange de son public adhérait moyen à son délire babloche bleuté et new age, et invoque les spectres de ses space marines d’Aliens avec le commando d’anti-Navi. Las, là où je pensais qu’on allait à fond plonger dans l’imagerie des Cavaliers de l’Apocalypse (après l’embuscade dans les bois, ils ne sont plus que quatre), on se retrouve avec un Quarritch en mode Biff Tannen entouré de sbires quasi-interchangeables (« j’aime bien celui qui mâche un chewing-gum » dira-t-on à la sortie de la salle).
En revanche, comparé au premier, j’ai plus trouvé mon compte dans les questionnement entre le réel et l’illusion, le Vrai et le Faux, la technique et ce qu’il en fait. Cameron offre ainsi à ceux qui sont généralement les victimes dans le ciné d’action traditionnel la position de prédateurs et ce, après nous avoir placé dans la peau de ces victimes (renversement de l’imagerie similaire au « Public Enemy » John Connor dans
T2). On voit ainsi l’attaque d’un train par « les Indiens » du film du point de vue de cette tribu : on convie l’imaginaire du western ou du film de guerre pour donner la position de héros à l’Autre. Idem pour le passage saisissant où on voit la « chasse aux baleines » du point de vue des grosses bêtes. Le film est assez brutal par moments, notamment dans les exactions des humains, et ce qu’on perd en caractérisation des forces en présence, on le gagne en efficacité du propos. On a vraiment envie que la grosse bête (le meilleur protagoniste du film) lamine les chasseurs à ses trousses.
Mais Cameron ménage quand même des plages de trouble en nous mettant dans la position de l’agresseur avec cette scène de la deuxième naissance de Quarritch où l’on est souvent en point de vue subjectif (Super, d’ailleurs, le plan où son reflet se superpose sur la planète). Et c’est encore une fois dommage qu’on passe si peu de temps avec lui : généralement pour une scène-miroir avec celle de Jake Sully, qu’elle soit tirée du premier film (le domptage de dragon) ou de celui-ci (Sully et sa gamine / Quarritch et Spider). Je crois qu’au niveau du montage il y a également des enchaînements qui proposent des cadrages symétriques entre les deux adversaires.
C’est dans cette présence du double maléfique que le film est le plus réussi parce qu’il imprègne également le regard porté par Cameron sur son univers très bisounours des bois. Je projette peut-être mais il m’a semblé qu’à de nombreuses reprises, il est tiraillé entre le fait de défendre à tout prix sa création et celui d’en montrer ses limites et de se questionner, surtout sur le racisme inhérent des Navi et leurs attachements à des traditions passéistes menant à l’exclusion.
Du coup, Sully, qui dans le premier faisait figure de brave type qui vient de gagner à la loterie (de nouvelles jambes, une tribu à ses ordres et le cul de la crémière par-dessus le marché, « je te débarrasse de ton connard de patron avant de jouer à tire-moi-la-natte, mon chou ? ») est plus à la peine dans celui-ci, et là, comme le dit Eric Vonk, "je retrouve mon Cameron" qui aime en faire un peu chier ses héros. Car chez lui, l’adversaire n’est qu’un prétexte, des fois magnifique (l’Alien, le Terminator) et des fois ridicules (les terroristes de
True Lies, Billy Zane dans
Titanic) mais qui ne sont rien face à la volonté de s’extirper de ses propres doutes et peurs dans un mouvement très übermensch/Triomphe de la volonté.
Et en parlant de surhommes, on a droit à une surfemme avec Kiri, qui rejoint, après Rey dans
Star Wars et la gamine des
Jurassic World, la lignée des petites Jésus qui remplacent les Elus de la décennie précédente (Peter Quill des
Gardiens de la Galaxie, en est le dernier représentant). Toujours un problème pour ma part avec ce délire mystico-débilos des Ricains, mais… il y a comme le reste un « mais ». Pour des raisons personnelles, je suis très sensible à la représentation de l’adoption et j’ai un peu serré les miches tout du long (3 heures quand même) pour comprendre où Cameron voulait en venir avec ces recherches en paternité. Et j’étais quand même agréablement surpris de me rendre compte qu’il prenait le parti des liens créés par l’éducation plutôt que par le sang avec Kiri, donc, mais également Spider, qu’il réunit à égalité avec l’autre fils de Sully dans un même plan. De même, il prend le parti de dépasser le communautarisme malgré les exactions commises, et c'est fort même s'il marche sur des œufs.
Et même si je peux tiquer sur le fait qu’après avoir hurlé avec les loups que « y avait trop de super-héros sur les écrans, ma bonne dame » Big Jim nous refile l’exemple-type de la sauveuse à super-pouvoirs (trop mimi, en plus de se faire des ailes de fée : ma gosse adorerait), ça reste cohérent avec le reste du récit : puisque les jeunes font communion avec la Planète mais la modifient également pour passer au prochain stade. L’un dans l’autre, les gamins sont bien brossés et l’heure passée dans le village m’a pas parue déconnante puisqu’elle sert à amener la cohésion du groupe, un véritable commando, lors du triple climax.
Et là encore, mon cœur balance. Il y a un peu de tristesse à voir Cameron pondre un mégamix de ses scènes d’action les plus célèbres (vas-y y a même la chute de Newt dans la flotte mec…) mais… ça arrache quand même. Je ne peux pas mentir en disant que j’ai pas eu la nostalgie sur 11. Et surtout, c’est ici que se trouve mon passage préféré. Quand Neytiri tient Spider en otage, et qu’elle rejoue un tradition tribale (celle de la répudiation en plus, si je dis pas de conneries) : ce que Quarritch lui prend pour une menace réelle. Et où nous sommes incapables de savoir si la menace est vraie ou fausse, vu les préjugés de Neytiri et le drame qui précèdent. Et là, Jimmy fait ce qu'il sait faire de mieux avec toutes les couches de sens qui se superposent, tandis que le moment renvoie également à l’autre scène qui tabasse : l’embuscade dans les bois et où la 3D sert admirablement le propos puisqu’on évalue bien la distance et la vision problématiques entre la cible et Neytiri.
Donc j’en sais rien, l’univers proposé est toujours un plafond de verre à l’accueil favorable.
( Car rappelons les mots du poète :
Mickey Willis a écrit:
Faudra le dire combien de fois qu'Avatar c'est de la merde ?
)
Et Cameron fait tout son possible pour maquiller sous des flots de saccharose son kif du « qui veut la paix, prépare la guerre » et sa vision de la technologie frankensteinienne. Mais du diable si je n’ai pas passé un bon moment et si des fissures ne sont pas apparues dans ce plafond.
Si vous ne lisez rien d’autre, lisez au moins ceci : c’est moi où avec la façon dont le cœur sous-marin de Pandora ressemble au vaisseau alien d’
Abyss, il ne serait pas en train d’en faire la préquelle rétroactive à
Avatar ?
Bref 3 ou 4 suivant qu’on est un petit ou grand buveur.