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MessagePosté: 04 Fév 2016, 00:44 
A une époque indéterminée du siècle passé, Heidi, une femme âgée, vit dans un appartement décrépi, encombré, mais spacieux. A la fois d'une grande finesse psychologique qu'elle sait exprimer avec précision, et vulnérable, c'est une personne qui n'est pas sans évoquer une sorte de pendant féminin et vieillissant de l'Idiot. Elle vit avec son fils, impulsif et violent, et sa bonne, Anna, qui lui prépare des piqures de morphine et semble d'une sollicitude trop intéressée. L'amant d'Anna, personnage opaque, s'est installé dans l'appartement, en même temps qu'une des professeurs de son fils, homme quelque peu alcoolique, avachi et prompt à l'auto-apitoiement. Tous convoitent la richesse supposée d'Heidi et ont une stratégie pour s'incruster dans l'appartement, tous vont essayer de la séduire, d'en devenir le confident. Dans ce milieu où les alliances entre les personnage se défont et se recomposent en permanence, difficile de distinger ce qui relève de la sollicitude envers autrui de la cupidité ou d'un tentative de le dominer.


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Lors de premières minutes du film, je pensais être face à une oeuvre-métaphore de l'état de la Hongrie derrière l'ex-rideau de fer : c'est en effet un microcosme où des purges permanentes maintiennent intactes les intentions intiales de chacun, où l'idéalisme est à la fois une exigence, ne faiblesse et un moyen de se dissimuler pour devenir l'occasion rapport d'intimidation envers autrui (l'idéalisme n'existe que s'il est confessé à un tiers, qui soit le croit et suppose la faiblesse de l'autre, soit n'y croit pas mais peut s'en servir comme l'expression d'une fausse promesse ). Le film est entièrement en huis-clos, hormis une courte séquence où intervient une police en imperméable, les seuls personnages, dans ce lieu de recoisn et d'alcôves, montrés en train de franchir une porte. Il pâtit un peu d'un systématisme esthétique trop appuyé: les pesonnages parlent toujours deux à deux, toutes les combinaisons de couples possibles entre les 5 personnages sont progressivement épuisées, ils sont rarement en groupe sauf dans le final et l'écran est divisé en uen partie bleue et une partie rouge, toujours occupée par quelqu'un, la couleur caractérise le personnage complètement. Les angles sont compliqués à souhait (la caméra est souvent posée derrière un meuble un moroir, ou même sous un fuax plancher). C'est à la fis agaçant et fascinant.
Mais la violence du film a finalement débordé et brouillé cette métaphore, pour rendre les personnages à leur autonomie, la peinture de l'arbitraire politique est finalement diluée dans celle d'une violence morale qui n'est pas idélogique, qui absorbe le domaine social. La violence ne va pas jusqu'à la mort, on n'est pas dans un film coréen récent, quoique la situation n'est pas sans analogie avec "la Servante" de Kim ki-young, le film peut surtout faire penser aux huis-clos de Bergman -déjà par le titre- ou de Fassbinder voire pour prendre un contemprtain de Tarr à certains von Trier, du fait de la mise en scène directe du nihilisme du réalisateur ainsi que de sa méfiance envers ses propres personnages, qui n'ont que leur préciosité et leur ironie pour s'autonomiser.

Le film est centré sur les notions morales de bien et de mal, mais elles sont filmées comme les contraires d'un symbole cachés dans un théâtre d'ombre qu'il faudrait exposer et révélé. C'est l'inverse, elles fonctionnent comme un éclairage, quelque chose qui n'a pas à être lui-même défini, mais qui révèle les psychologies, c'est la faute qui fait l'analyse de la tiédeur du monde et non l'inverse, et le scandale est joué et répété avant le châtiment. La séparation entre la vérité morale et le discours social entraîne la répétition incessante du jugement, qui est identque à lui-même, qui n'évolue pas et qu'il s'agît finalement de surmonter. A la fin du film il y a une danse carnavalesque sur une chanson légère (la danse triste revient souvent chez Tarr), sur l'initiation sentimentale d'une femme: la culture est un discours terminal, interprétatif, une production et non pas environnement de départ, le kitsch est l'effet direct de la trop grande précision avec laquelle ces sentiments sont cernés. Le scandale est neutralisé en même temps que le spectacle, le manichéisme du discours est expérimenté et planifié par les personnages eux-mêmes, qui sont chacuns les spectateurs des autres, à l'intérieur du film.

"Almanach d'Automne" reproduit la situation d'un des premiers Bela Tarr: celle d'un vieillard éjecté d'une pension de famille au motif qu'il y aurait commis un vol, et qui se défend en avouant sa faute. Double humiliation de l'humble, dès lors qu'il énonce lui-même l'absurdité de ses actes, à la fois puni pour sa faute et de sa franchise, à laquelle Tarr oppose sans doute l'idée qu'il faut forcément donner sa compassion à celui qui la réclame, que ce soit à raison ou à tort, que l'on se sacrifie toujours pour un fautif. Qu'il n'y ait pas d'innocence implique que le monde dans sa nudité et sa violence soit malgré tout désiré, et les valeurs achevées avant cet investissement par le désir. La scission apparence/motif existe déjà dans le monde spontané avant de l'être dans la morale, et la morale est alors la répétition d'une inadéquation ontologique, elle nomme les relations entre les choses sans les reconfigurer. Au contraire, la police réunit ces deux déterminations: nommer et imposer un destin en même temps, et prétendre qu'il n'y a pas d'absurdité et de faiblesse avant que la conscience morale se manifeste. Tarr dit que l'ontologie ou la psychologie des profondeurs sont déjà vécus comme des fautes (mais ce n'est pas une situation kafkaïenne, il n'y pas d'étrangeté et de perte de la -reconnaissance de soi-même, au contraire tout le monde est trop vite et trop tôt familier de lui-même et des autres, tout le monde parle trop bien de sa faiblesse et de sa lâcheté pour que cette parole soit une question et donc devienne efficace , chez Kafka la morale et la ressemblance entre soi et l'autres sont a contraire comme des énigmes).
Il y a dans le film quelque chose de glaçant , sa dramaturgie très symbolique et la situation artificielle dostoïveskienne, peut-être même sa lourdeur, rendent sensible ce que qu'était le monde stalinien de l'Europe centrale d'alors: une situation où l'arbitraire policier est aussi monstrueux que superflu car il prolonge ce qui était déjà joué auparavant la tragédie intime des personnages: leurs rapports amoureux étaient déjà marqué par une logique de contrôle et d'exclusion du plus faible. La police est horrible car elle surgit quand-même à partir d'une culpabilité antérieure, les gens l'appelent non pour réparer ou cnstater une faute, mais pour "marquer" l'autre. Il n'y a pas de pouvoir hors de la police quand elle répète une faute qui la précède. Le droit suppose une atténuation et une non-compensation entre la la faute et le jugement:le film le montre comme ce que chaque personnage fantasme seul: la mère et le fils se rève comme le législateur de l'appartement, et finissent dominé par ceux du groupe qui n'ont jamais rien fantasmé.


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MessagePosté: 04 Fév 2016, 06:21 
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Inscription: 18 Nov 2015, 05:09
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Celui-là, c'est mon préféré de Béla Tarr. Celui où il est plus aisé de connecter avec les personnages. Ce film est quand même très loin des expérimentations qui vont suivre. Ça m'avait fait penser au Tarkovski de Sacrifice

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MessagePosté: 04 Fév 2016, 13:30 
Oui cela fait penser un peu au "Sacrifice" (mais en encore plus formaliste, dans le Sacrifice il y a moins de dispositif que dans le Tarr, il y a malgré tout des plans du dehors), aussi à certains Bergman, dont "Sonates d'Automne". C'était pour ma part inattendu de voir dans un cinéma "de l'est" une esthétique, à la fois précieuse et violente, et où le caractère à la fois littéraire et "naturaliste" de la langue fonctionne comme un code, finalement assez similaire à celle qui au même moment prévalait chez Carax ou Beneix.
Il y a quelque chose de "visuel" dans la manière de déplier une seule situation jusqu'au bout du film, une conscience de filmer à une époque où un rapport plus confiant envers le capacité de narration du cinéma; son imaginaire et son audience n'est plus possible. La situation du film est "sans image" car elle dépeint un monde renfermé, sans témoin, où tout le monde est acteur et n'interragit qu'avec soit des psychologies soit les situations conventionnelles du mélodrame, sans relation avec un environnement "physique".

Je ne connais pas Béla Tarr très bien, ayant juste vu "Damnation", celui-ci, et ai commencé "Rapport Préfabriqué" que je dois reprendre (non pas que cala soit mauvais, au contraire la forme m'a intéressé, cela me semble mieux que le cinéma d'un Ken Loach à la même époque et pas si loin de Pialat, mais les rapports de couple et l'enfermement social montrés dans le film sont durs et en rendent la vision assez éprouvante). Je me souviens que sur les Spectres quelqu'un avait ironisé à juste titre sur le syndrôme "du bruit de vent tournoyant permanent" signifiant l'aliénation défintive de tous, que l'on retrouve déjà dans la bande-son de Damnation, et c'est intéressant de voir que Tarr n'a pas toujours eu cette esthétique, qu'il a répété de manière de plus en plus formaliste des situations qu'il a déjà mises en scènes de façon plus réaliste.


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MessagePosté: 04 Fév 2016, 23:44 
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Inscription: 18 Nov 2015, 05:09
Messages: 898
En te lisant, je me rends compte que j'ai quasiment tout oublié. Tout ce que je me souviens, c'est cette espèce de relation incestueuse entre les habitants de cette maison. Je me souviens aussi du travail sur les couleurs. Le côté très multicolore de la lumière. Beaucoup d'emphase sur les bleus, les rouges.

Pour le reste, je dois revoir.

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MessagePosté: 19 Juil 2023, 09:41 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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Film de "jeunesse" de Béla Tarr, avant qu'il ne croise la route de l'écrivain László Krasznahorkai, sous la haute influence de Fassbinder. On retrouve donc une "famille" recomposée qui vit sous le même toit et qui va se déchirer pour profiter de la richesse présumée de la matriarche. Déjà on retrouve le talent du cinéaste pour la composition des plans, l'utilisation décalée de la musique et son regard extrêmement pessimiste sur l'âme humaine. Il m'a fallu un peu de temps pour entrer dedans mais c'est déjà d'une grande maîtrise et ça reste bien en tête, comme les comptine déviante de Mihály Víg.

4/6

Et beau texte Gontrand, pour moi,
il était évident que le film tient de la métaphore de l'enfermement propre aux pays de l'Est de l'époque, qui vont finir par exclure le professeur pauvre, victime facile. Mais le film est plus retors et complexe que ça.


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