Cosmo a écrit:
22/11/63 (Stephen King)
Longtemps, King a été reconnu pour ancrer le fantastique, qui n'était qu'un point de départ, qu'un détail, dans le réèl. Carrie, Shining, Simetierre, Sac d'os, Bazaar... Autant de livres dans lesquels le fantastique se révèle moins important que les relations entre les personnages, qu'il contribue à révéler et à exacerber. Or, depuis une dizaine d'années environ, King a opéré un virage post "Tour sombre", plongeant ses histoires dans un fantastique limite gonflant, à base d'objets magiques, de dimensions parallèles, de rêves interminables, de monstres lovecraftiens... Pour peu que l'on soit réfractaire au genre, impossible de terminer Duma Key, Histoire de Lisey, ou Roadmaster, par exemple (d'autant que pour ce dernier, la qualité n'est pas vraiment au rendez-vous). Heureusement, King s'est repris en main, a balayé tout ce qui faisait la lourdeur de ses derniers romans, et revient aujourd'hui avec un pavé épuré, tendu, émouvant... Un postulat fantastique (un homme découvre une porte le menant en 1958), et la découverte d'une époque, de ses codes, de ses standards, de ses mauvais côtés aussi (les chiottes pour noirs). 800 pages de bonheur et de retrouvailles avec Stephen, dans lesquelles certains personnages sorties de Ca ou de Christine, viennent faire un coucou. Forcément, tout ce qui tourne autour de Kennedy ne vaut pas un Ellroy, mais c'est suffisant détaillé et relié à l'histoire du personnage principal pour que l'on s'y laisse prendre. Si l'on retrouve quelques tournures un peu lourdingues, le livre évite à peu près tous les pièges auxquels on aurait pu s'attendre de la part de son auteur. Et si la fin, soufflée par son fils lui-même écrivain, n'est pas le meilleur du livre, elle nous emballe quand même avec une petite larme d'émotion. Un vrai plaisir, le King en a encore dans le ventre.
(Je n'ai pas lu Dôme, mais j'en ai entendu aussi le plus grand bien)
Je l'ai lu jusqu'au bout de ses 936 pages, c'est efficace, mais quand même assez décevant car on voit un peu trop les coutures de King pour gonfler son pavé. D'une part, si Freak le lit, je pense qu'il fera la même constatation que le sujet annoncé par le pitch n'est traité que sur les 200 dernières pages, ce qui apparaît du coup assez bâclé. Et de l'autre, on remarque que l'auteur n'arrête pas de peupler son récit de "et si j'avais fait ça, il se serait passé ci" de manière totalement artificielle vu qu'on se doute que toutes ces hésitations sont rajoutées car elles ne risquent pas de s'intégrer à la narration, défaut que j'avais déjà repéré dans son précédent bouquin, mais qui lui était un recueil de nouvelles.
Donc avant le sauvetage de JFK, on doit se cogner l'explication détaillée du processus de voyage dans le temps, le sauvetage de la famille d'un élève du héros (qui est prof anglais) traumatisé dans sa jeunesse, une histoire d'amour... Qui n'ont juste pour but de retarder ce fameux moment du 22/11/63 et à se demander s'il arrivera bien à temps pour contrer Oswald. Et tout le reste, la théorie du complot griffonnée en trois lignes de dialogue, ou les conséquences d'une altération de l'Histoire dans le futur, on a un peu l'impression que c'est taillé à la serpe à la va-vite. Encore cette impression de storyteller efficace mais pas révolutionnaire non plus qui aurait tout de même un peu besoin de dégraisser son bouquin.