lewis_orne a écrit:
Le Pingouin a écrit:
Personne n'a parlé de Blast ici...
Pas lu? Pas aimé?
Perso, je suis assez bluffé. Je trouve que Larcenet amène un peu de frais dans sa tanière, après des ultimes tomes que j'aimais bien mais qui manquait de ce truc en plus. Ici le perso est fort et le début de l'intrigue est direct et ne cherche pas à caresser.
Chaque planche est belle, touchante, cruelle. Curieux de voir la direction que ça va prendre.
Eu l'occasion de causer avec lui lors du vernissage de l'expo Blast (qui reprend des planches de l'artiste). Très sympa, le bonhomme, même si j'ai pas pu discourir plus de deux minutes vu qu'il était très entouré.
Je l'ai acheté... et aussitôt offert à un pôte... mais ce que j'ai feuilleté amène effectivement un peu d'air dans l'œuvre de Larcenet... Je le rachete dès que possible
Ceux qui me connaissent un peu savent que je suis un vendu à Larcenet, et que Blast, je considérais que c'était dans la poche dès les premiers croquis sur le blog, qui annonçaient une maturité du trait, une recherche, une envie d'en découdre à nouveau avec le dessin après les jolis petits automatismes disons "Trondheimiens" chopés sur Le Retour à la terre. J'imaginais quelque chose du calibre des Eaux lourdes, très beau livre un peu méconnu fait avec son frère Patrice.
Et en effet, Larcenet a bossé. Il a bossé dur, il s'est dit qu'il fallait en mettre plein la vue, qu'il fallait trouver des solutions graphiques qui taperaient fort, qu'il fallait inventer une façon de faire des herbes blanches grattées au premier plan sur des aplats noirs et gris, que ça avait une gueule d'enfer, et qu'il fallait balancer des clairs-obscurs, des angles étonnant, être dans l'éclaboussure, dans le truc qui te racole l'oeil, et qu'on se dise ouah, quel tour de force.
sauf qu'on ne voit que ça, je trouve, ce muscle bandé en permanence, et qu'à force d'accumulation, ça vire à l'esbrouffe, au regardez ce que je peux faire, regardez l'artiste de la famille, vous avez vu comme elle est lointaine désormais mon époque Fluide? Où Larcenet voudrait qu'on dise qu'il a pondu ses "Idées noires".
oui mais voilà, comme je disais, c'est des "solutions graphiques", mais je ne vois pas qui posait le problème au départ, ce que ces solutions résolvent exactement. C'est de la technique, hyper-aboutie on est d'accord, il y a maîtrise, et exposition permanente de cette maîtrise. Pourtant, ce qui se voudrait ultra-moderne vire rapidement à l'académisme de la nouvelle bande dessinée, Larcenet n'a jamais autant voulu être Blutch ou Guibert ou je ne sais qui. Il veut marquer, compter, alors il se lance dans une entreprise super-balourde de réflexion sur le monde, les apparences, la pauvreté, la mort, etc, sans la belle simplicité qu'il y avait dans les premiers tomes de La Vie ordinaire. Là, il fronce les sourcils, on est plus près du dernier que du premier tome de La Vie ordinaire justement, tome qui me gênait par sa pesanteur, son application scolaire, son envie de faire œuvre. Résultat, le bouquin avance à deux à l'heure, passe son temps à se regarder dessiner en pleine page, se gargarise par trop de ses belles idées (la première apparition du père en oiseau, c'est sublime, mais c'est ensuite tellement insistant que ça se dégonfle aussi vite), joue au solennel en intercalant métronomiquement des cases sans texte dans ses dialogues surécrits (alors même qu'ils ne vivent pas beaucoup ces dialogues, qu'on a l'impression d'avoir entendu ça mille fois, académisme encore)...
Bizarrement, c'est au moment où Larcenet veut donner de l'ampleur à son trait, l'affirmer, qu'il le rend convenu ; c'est au moment où il veut livrer son grand oeuvre qu'il tombe dans le naturalisme le plus ressassé ; c'est au moment où il veut donner des envolées lyriques sur la simple beauté du monde qu'il devient pesant et in fine prétentieux.
Là, le mot est lâché, bouquin péteux, qui se la pète, ouais, en le refermant je me disais dès la police de caractère du titre ça se la joue, et pourtant ça a pas de quoi, la lecture est interminable, on s'ennuie, à la fin de ce premier tome rien n'est arrivé, on ne sait pas où est l'urgence de ce livre, quel en est l'objet, la vague intrigue de départ n'a pas avancé d'un iota, on se demande même comment les flics peuvent supporter d'entendre le gus baragouiner alors qu'on est tellement loin de ce pour quoi ils l'interrogent. De fait, pas pressé de lire le deuxième tome, je ne suis pas mis en haleine, j'ai l'impression d'avoir perdu mon temps, d'avoir vu une démonstration de force qui ne m'a pas vraiment épaté. Je veux dire, c'est impressionnant de plier des barres de fer, mais c'est plus joli si c'est pour sculpter quelque chose, un corps émouvant, quelque chose, je ne sais pas ; pas pour laisser le tas de ferraille par terre, comme ça.