Quelques nouvelles de comics indépendants américains :
EIGHTBALL de Daniel Clowes, chez Cornélius.
Recueil d'histoires courtes parues dans le comics de Clowes, Eightball, dans lequel étaient parus en épisodes les futurs livres David Boring ou Ghost World.
Là, c'est toutes les petites blagues et les récits courts laissés sur le bord de la route qui font l'objet d'un livre. Si c'est intéressant d'avoir accès par exemple au Clowes des (relatifs) débuts, ça m'a quand même déçu. Il faut dire que je suis pas fan de la veine "caricature cynique" de Clowes (Pussey ! par exemple ne m'avait pas plu), et c'est principalement cet esprit là qui est ici présent.
Bon je suis pas à fond mais ça reste très vivant comme livre, beaux dessins, humour absurde et cinglant, un peu jeune peut être. Mineur, mais de qualité. Belle édition aussi.
NEW TALES OF PALOMAR de Gilbert Hernandez, chez Vertige Graphique-Coconino Press
Gilbert Hernandez continue ses récits de la petite population du village de Palomar dans de courts fascicules de 30 pages. 3 tomes sont déjà parus (dont 1 en français pour le moment).
La brièveté des histoires est un élément nouveau en France pour cet auteur puisque jusqu'ici on a surtout eu droit à d'énormes bouquins compilant plusieurs années de publications dans son comics Love and Roquets. La saga sur plusieurs génération laisse place ici à des micro évènements qui ont peu de place pour prendre de l'ampleur. A la fin du premier volume, ont est donc frustré de voir l'histoire se finir si tôt et raconter peu de chose. Les trois volumes lus à la suite corrigent ce défaut, le récit s'étoffe un peu plus et le talent narratif de l'auteur peu s'exprimer pleinement.
J'ai déjà parlé de Gilbert Hernandez. Ce type est un génie, ses histoires sont fascinantes, ses personnages magnifiques. On peut redire que son dessin n'est pas extraordinaire, mais on n'aura pas dit combien ses livres sont grands et sa poésie subtile.
Dans ces "nouvelles histoires", il approfondi le soupçon de fantastique qu'on a pu déceler dans ses autres livres, ça tire même franchement vers la science fiction parfois. Étonnamment, rien de choquant là dedans, l'univers de son oeuvre garde sa cohérence et sa beauté profonde.
LOCAS, ELLES NE PENSENT QU'A ÇA, de Jaime Hernandez, chez Delcourt.
Horrible titre, bien racoleur (le titre original du livre c'est "Dicks and Deedees", autrement plus ironique), hypocritement justifié en 4ème de couverture par un "A quoi pensent Maggie et Hoppey, les deux héroïnes bisexuelles de Locas ? A l'amour, évidemment".
Jaime, frère de Gilbert, co-créateur du comics Love and Roquets, raconte lui aussi les aventures d'un petit groupe de personnages au fil des années. Des histoires du quotidien, les amours déçues et les errances de la vie, avec un élément un peu fantastique là aussi (dans ce cas c'est plutôt teinté de super-héros), mais c'est surtout un récit très sensible sur des personnages là aussi solides et attachants.
Jaime sait raconter des histoires, et s'il est moins impressionnant de ce point de vue que son frère, ses dessins sont eux par contre de toute beauté, classicisme élégant et nerveux. On voit bien aussi que c'est de lui que tient Clowes, dans ses changement et empreints de styles notamment.
ACME NOVELTY LIBRARY N° 18 de Chris Ware, auto-édité.
Toujours aussi brillant, toujours aussi morose, toujours aussi impressionnant. C'est peut être le numéro qui signe le début de l'importance et de la prédominance des personnages et des émotions sur le système narratif. Si la structure est toujours aussi complexe, elle se fait vraiment au service de l'histoire et des affects du personnage principal, une jeune femme seule et unijambiste. Moins d'apitoiement, ou de pathos, plus de vie et de mouvement (même intérieur). Et finalement, ce qui ressort le plus du style de Ware dans ce numéro, c'est la grande qualité de ses textes, extrêmement sensibles et bien écrits.
Le sexe est souvent un sujet important des comics indépendants américains, dans les relations entre les personnages ou dans la description de la société. Petit florilège qui pourrait vous pousser à l'achat (rappelez vous qu'"elles ne pensent qu'à ça". Quel talent ces éditeurs/publicitaires ! Si après ça vous ouvrez pas votre bourse...) :