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MessagePosté: 03 Aoû 2014, 14:17 
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Antichrist
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Déjà, pour une fois, on a vu le même film - hormis ton histoire de suspense sur son homosexualité, je ne vois pas trop de quoi tu parles.


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MessagePosté: 03 Aoû 2014, 14:21 
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Antichrist
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Pour moi, le projet du film tient dans cette chanson des Innocents:

Sans connaître les raisons
qui ont
poussé cet homme à vivre
dans une autre ville
on l'estime
comme quelqu'un de toujours poli
qu'il soit heureux
ou qu'il soit triste

sans donner d'importance
à la chance
de voir cet homme, ce soir
qui rentre un peu moins tard
ses enfants
aiment leur père avec une impatience
qui le laissera vieillir
juste après leur enfance

il tourne sur le monde solitaire
il court, il approche un autre siècle

on se souviendra
de ceux qui commettent un crime
un jour
de tous ces chasseurs de primes
et puis
d'oublier la vie
d'un homme extraordinaire

sans l'espoir d'apprendre
à leur apprendre
à ne pas compter les heures
qui s'enroulent et qui meurent
que leur dire ?
qu'ils viennent sur terre juste pour y répandre
un peu d'amour
et quelques cendres

on se souviendra
de ceux qui commettent un crime
un jour
de tous ces chasseurs de primes
et puis
d'oublier la vie
d'un homme extraordinaire

sans connaître les raisons
qui ont
poussé cette femme à fuir
encore une autre ville
on la voit
comme quelqu'un qui a bien réagi
face à la mort
et à l'oubli

elle tourne sur le monde solitaire
elle court, elle approche un autre siècle

on se souviendra
de ceux qui commettent un crime
un jour
de tous ces chasseurs de primes
oh non, non pas de sa vie
tombée dans l'oubli
des villes sans mémoire
qui se souviendra ?
de ceux qui ont une histoire
d'un jour
d'un homme qui commence à boire
la vie d'un homme sans nom
un homme extraordinaire


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MessagePosté: 03 Aoû 2014, 14:23 
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Brrrr, ouais c'est comme le truc country dans le film, quoi : maintenant je sais faire tourner la machine à laver, tu peux rentrer à la maison.

Je préfère Peggy Lee.

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MessagePosté: 03 Aoû 2014, 16:08 
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Texte passionnant, mais qui me gêne, même si je vais pas être capable d'avoir un raisonnement assez précis pour expliquer pourquoi...

Que le film refuse la passion, cela me semble assez évident, c'est son parti-pris de base. Qu'il ait une vision sundance un peu raplapla de ce qu'est une vie réussie, aussi. Mais comme toujours je trouve que tu tires d'éléments intéressants une dimension propagandiste qui n'a pas lieu d'être.

Tu parles d'anticorps pour la scène de la mère : c'est être de mauvaise foi. La scène est là, elle a été gardée au montage, elle n'a rien d'innocent, elle te raconte quelque chose. Le môme en prenant les photos accepte de rentrer dans le rang sans protester ? Mais ça le fait chier, le film fait une scène spécialement là-dessus, qui le montre honorer la commande mais sans y trouver quelque autre satisfaction qu'un pragmatisme qui, si tu peux le rejeter, n'est pas vide de sens.

Bref, ce que je veux dire par là, c'est que le film ne célèbre jamais cela, ne fait pas l'éloge de la résignation, ce n'est pas une "hymne" comme tu le dis. Le film n'est pas libérateur mais doux-amer, voire circonspect, un peu distant et muet, observateur, comme l'est ce personnage mutique et impassible en entrant dans l'adolescence. L'expérience du temps laisse en effet flâner l'idée que ce flux aura eu plus d'importance, en tant qu'expérience de vie, que les drames et pics qui ont pu l'émailler, mais j'y vois le sujet du film, quelque chose que le réalisateur interroge et dont même à l'occasion il s'inquiète, pas une pub pour un "système".

Après ton texte est super intéressant, je suis content de l'avoir lu, mais des trucs comme "la petite manipulation fictionnelle qui marche toute seule", c'est super désagréable. J'ai toujours l'impression en te lisant que toute mise en scène digne de ce nom se doit être une forme ostensible, que toute convention respectée est une manipulation, que tout film qui peindrait la possibilité du compromis serait réactionnaire... Je trouve ça dommage, car à partir d'observations formidablement précises, tu kidnappes souvent le film pour en faire un tract, ou une pièce à conviction sociologique, quand il a le droit de n'être qu'une interrogation idéologique ouverte : tu l'aplatis à deux dimensions en lui refusant toutes les nuances et ambiguïtés qui font aussi sa richesse.

Sinon, comme Karloff, j'ai pas vu de suspense du tout sur la question homo ou pas...


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MessagePosté: 03 Aoû 2014, 18:44 
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Tom a écrit:
L'expérience du temps laisse en effet flâner l'idée que ce flux aura eu plus d'importance, en tant qu'expérience de vie, que les drames et pics qui ont pu l'émailler, mais j'y vois le sujet du film, quelque chose que le réalisateur interroge et dont même à l'occasion il s'inquiète, pas une pub pour un "système".



Et ça fait presque trente ans qu'il fait ça en même temps, interrogation sur ce "flux" et plus précisément au milieu le libre arbitre... Et on ne peut pas dire pour autant que la fin de "Before Midnight" soit à interpréter comme une pure pub pour le couple bourgeois.
Mais il est vrai que sur le plan politique et idéaliste, radical et poétique, ça peut-être un cinéma désespérant dans sa manière d'observer "ce qui coule de source": il n'y a pas de révolte possible chez Linklater, et la violence même quand elle s'exprime est tout aussi douce que ce qui séduit (voir dans Scanner Darkly").
On pourrait mettre à part peut-être le rêve lucide exploré dans "Waking Life", et encore, il est aussi assez frustrant passé son exposition et sa technique de représentation, son raccord à K.Dick (film vraiment stimulant intellectuellement dans sa confrontation d'un tas de théories philosophiques...). Et en même temps, jusqu'ici, malgré cela, je dirais qu'on sent qu'il y aura paradoxalement toujours eu une "passion tranquille" qui anime bien ce cinéma, qui aura été très éclectique dans ses projets, ses systèmes de production.

Je crois que Linklater est attentif à ce qui se crée au milieu d'un dispositif, mais je l'ai rarement vu faire du discours, à part peut-être le montage final de "Fast Food Nation" (un de ses seuls ratages que j'ai vu), c'est le seul film où j'ai eu le sentiment d'un truc assez calé, de part l'adaptation du livre investigation aussi... mais on sentait que plus qu'une morale sur incapacité de resister ou de changer un système dominant, il y avait clairement l'intention de faire ressortir une broyeuse invisible... C'est son seul film qui a quelque chose d'un peu tragique.

Bon le "naturaliste" balancé dans plusieurs critiques m'a bien (re)gonflé avant de le voir (si je finis par le voir, un seul horaire pourri chez moi), je vais essayer d'y aller impartial sur le sujet (je ne peux pas, c'est le pire terme du monde :P )


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MessagePosté: 04 Aoû 2014, 03:37 
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Je suis un peu embarrassé de répondre à ton message gentiment paternaliste, Tom. (Pour citer Léo dans le topic Her : "Tu devrais arrêter de penser que tu es le seul à avoir un cœur pur." ;-) )

Je n'ai toujours pas trouvé de réponse à ce reproche habituel, celui selon lequel que j'appliquerais une grille de lecture toute faite d'affreux gaucho.

Je ne vois pas qui n'a pas sa lecture d'un film, qui n'y voit pas ce qu'il y voit ; et qui par ailleurs devrait se contraindre à ne l'y pas voir.
Mais je suis toujours piqué au vif par cette idée que je m'efforcerais de tordre les choses, d'appliquer une grille justement, de les faire mentir et convenir à un discours que j'aurais préparé par avance.

Je ne vais tout de même pas me mettre à expliquer que ce qu'on voit dans un film y est nécessairement, puisqu'on l'a vu ; et qu'évidemment deux personnes ne verront pas les mêmes choses, ce qui ne veut pas dire qu'elles n'y sont pas ?

Prenons cet exemple : ni toi ni Karloff n'avez vu la potentielle incrémentation dramatique de signes d'une éventuelle homosexualité du personnage principal. Bien, moi je vous dis les avoir vus : tout le long du film, il me semble que sont posées des balises narratives qui ne dépareraient pas si le film empruntait cette voie (les cheveux longs que le beau-père fait d'ailleurs couper sont le premier d'une longue liste de signes d'un soin des apparences sur lequel le film insistera régulièrement, accordée à une sensibilité un peu marginale et un tempérament d'artiste, qui pourraient donner lieu au stéréotype du personnage d'adolescent gay dans certain cinéma un tantinet sundancien ; la non-prolongation des avances féminines à la pré-adolescence pourrait être pareillement un indice ; la possibilité du mensonge quant à d'éventuelles conquêtes féminines lors de la soirée dans la maison en chantier un autre ; et viennent la blague vaseuse du beau-père : "Après les ongles peints, tu veux un sac à main pour aller avec ?", l'autre blague relou du pote après la discussion avec le prof de photo : "Il t'a pas offert à dîner avant ?", la première relation hétérosexuelle ratée, etc. ; et in fine, comme pour faire mentir ces indices, lors de la fête post-diplôme, la lourde blague du tonton : "18 ans, mais hétéro !".... tout ceci dans un film où les personnages se débattent pour trouver comment intégrer la norme, ça ne me semble pas anodin). Ce n'est pas parce que vous ne les avez pas vues ou qu'elles n'ont pas eu d'importance pour vous que ça n'a pas lieu.

C'est un peu ça qui m'étonne toujours et finalement souvent me retient de poster ici : si je m'exprime vraiment, on va toujours me reprocher d'avoir vu un film avec mes yeux, mon regard. Je ne sais pas bien ce que je pourrais opposer à ça. Je veux dire : s'il est impossible de se laisser aller à sa subjectivité, alors il m'est impossible d'écrire librement sur une oeuvre. Chaque lecture est nécessairement influencée par celui qui lit, puisqu'il charrie sa culture, son histoire, son rapport à l'art et au monde, ce qui l'amène nécessairement à mettre l'emphase sur certaines choses qui le concernent davantage que d'autres, ou au contraire à davantage éclipser une chose ou une autre. Karloff a par exemple été profondément et sincèrement ému par le film et, dans le bilan de son "palmarès", il écrit qu'il aime le film malgré les deux beaux-pères et Ernesto : je le comprends et je ne vais pas nier son émotion, qui est évidemment fondée ; même si moi, je ne peux pas faire abstraction de ces trois personnages, qui me semblent accomplir parfaitement ce que je perçois comme la tendance stéréotypique et consensuelle du film. Mais que je pense ceci n'enlève rien à la lecture de Karloff. On peut ensuite en discuter, n'être pas d'accord sur les termes de cette lecture, se faire remarquer des choses, pourquoi pas même en venir à se dire que l'un n'empêche pas l'autre (dans les films que j'aime profondément cette année, je sais aussi que j'ai fait abstraction de certaines choses : de la bigoterie du Village de carton ; de certaines facilités d'Adieu au langage ; d'un ventre narratif mou dans Kaguya, etc. ; et que ce n'est pas grave, car ces films à mon avis sont plus forts que leurs défauts, et je suis sûr que Karloff en pense autant de Boyhood, tant mieux)...

Ce que je veux donc dire c'est qu'on peut ne pas être d'accord et qu'on pourra bien sûr s'engueuler avec Karloff sur ma lecture politique du film. Mais je trouve insupportable qu'on me reproche justement d'avoir une lecture politique d'une oeuvre, alors que celle-ci m'est précisément, par son exposition publique, donnée à voir et à débattre.

_________________

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Dernière édition par Zad le 04 Aoû 2014, 05:05, édité 9 fois.

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MessagePosté: 04 Aoû 2014, 03:52 
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Pour aborder autre chose, dont je n'ai pas parlé et sur laquelle je n'ai pas vraiment réfléchi, qui en tout cas ne m'a pas influencé au moment de regarder le film, mais à laquelle je repense a posteriori : en voyant le film, j'ai complètement oublié ce truc du tournage étalé sur X années, qui au final me semble surtout un argument publicitaire dont on se fiche un brin.

Je veux dire, ça ne m'a pas frappé à la voyure, je n'ai pas véritablement senti de différence avec quelque film employant des acteurs différents pour incarner les différents âges d'un enfant, d'un ado puis d'un adulte, ou bien grimant des acteurs pour singer leur vieillissement. Avec le recul je trouve ça étonnant d'ailleurs, de se contraindre à un tel chantier pour n'en pas tirer quelque chose d'absolument spécifique au mode de tournage, qui ne pourrait exister qu'ainsi.

Alors certes, une émotion m'a nécessairement saisi au moment de reconnaître le visage de l'enfant dans le jeune adulte (sans doute plus encore pour la soeur, dont l'adolescence un peu ingrate était sûrement imprévisible au moment du casting enfant, et qui me semble être devenue une actrice subtile et très intéressante, ceci notamment basé sur cette formidable grimace gênée qu'elle répète avec une parfaite candeur au moment de la discussion sur le préservatif avec le paternel, jeu génial tout en finesse), mais ça m'a semblé relever finalement du détail.

Je n'ai pas franchement d'avis là-dessus, je me rends juste compte que c'est une drôle d'idée de faire une telle montagne d'un tournage sur X années, pour justement obtenir un film qui gomme ces aspérités et ces bonds dans le temps, qui travaille au contraire à les unifier (y compris techniquement : anonymie de la photo et de la technique, et donc bien entendu défaut volontaire de singularité de la mise en scène), à faire tout pour qu'aucune rupture ne se sente réellement, que rien ne vienne bouleverser le courant, que le film doive ressembler tant à ce qu'autrement le cinéma narratif a toujours fait. Le passage du temps finalement se marque par les changements de coiffure et de look et des marqueurs historiques plus ou moins subtilement amenés, juste le nécessaire pour qu'on ne les rate pas : rien que de très habituel dans cette façon de faire. Je ne sais pas trop ce qui aurait franchement changé dans le film s'il avait été tourné plus conventionnellement, sur la base du même scénario, hormis cette émotion mineure (mais réelle) de reconnaître un visage réellement vieilli.

En un sens, cette transparence standard, cette a-singularité appliquée, me semble en somme raccord avec cette tendance générale au consensus que j'ai ressentie.

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MessagePosté: 04 Aoû 2014, 05:40 
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Zad a écrit:
(sans doute plus encore pour la soeur, dont l'adolescence un peu ingrate était sûrement imprévisible au moment du casting enfant, et qui me semble être devenue une actrice subtile et très intéressante, ceci notamment basé sur cette formidable grimace gênée qu'elle répète avec une parfaite candeur au moment de la discussion sur le préservatif avec le paternel, jeu génial tout en finesse)



ahaha, merde, c'est sa fille ?

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MessagePosté: 04 Aoû 2014, 09:35 
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Zad a écrit:
Je suis un peu embarrassé de répondre à ton message gentiment paternaliste, Tom. (Pour citer Léo dans le topic Her : "Tu devrais arrêter de penser que tu es le seul à avoir un cœur pur." ;-) )

Je n'ai toujours pas trouvé de réponse à ce reproche habituel, celui selon lequel que j'appliquerais une grille de lecture toute faite d'affreux gaucho.

Non là il y a malentendu. Déjà parce que je n'ai certainement pas un cœur pur :D, ensuite parce que ce n'est pas le fait d'appliquer une grille de lecture politique que je te reproche : en effet ça n'aurait pas de sens, chacun aborde le film selon sa sensibilité et sa personnalité, et c'est ça qui rend une conversation riche. Ce qui me pose problème concerne non pas ton approche, mais la façon dont tu travailles concrètement avec cette grille : à un niveau, donc, où le problème n'est pas la nature de ta vision, mais ce que tu en déduis sur la nature du film (domaine où l'on peut avoir une discussion). Sinon on se replie chacun sur l'excuse de la subjectivité, et il n'y a plus lieu d'avoir un débat contradictoire.

J'entends bien que le problème ici est l'attaque personnelle sur ce que je lis comme tes habitudes, mais comprends le comme quand, je sais pas, Tetsuo me dit que j'ai une analyse trop formelle des films qui oublie leur dimension narrative et idéologique : on ne parle pas de moi en tant qu'individu, ni de ce qui m'intéresse dans les films, mais des défauts d'une méthode, de ce que je peux y rater. Là, ce que je te "reproche" (parce que bon, au final, tu fais ce que tu veux évidemment), ce n'est pas la vision politique, mais le fait de figer le film en un propos forcément cadenassé, et par là-même forcément "coupable" (= un tract pour la vie américaine) plutôt que d'épouser les courbes et les nuances de son idéologie, forcément plus ambigüe. En gros, de vouloir donner à tout prix par le tranchant de ton interprétation une radicalité de pensée au film qu'il n'a pas. Et par là-même, à force de ne chercher dans le film que les symptômes d'une pensée (coupable, là encore), de refuser de voir ce qu'il est entrain de proposer : ça me semble par exemple frappant quand tu dis dans ton dernier message que Linklater nie au maximum son concept en se repliant sur le cinéma le plus conventionnel, alors que c'est justement totalement anti-conventionnel de frustrer méthodiquement, patiemment, les attentes spectaculaires de ce concept tel qu'il a été vendu. Porter notre regard sur le flux ici me semble être non pas une faiblesse, un abandon ou une résignation aux conventions, mais une volonté et un doigt tendu sur ce qui intéresse le film, ce dont il veut nous parler.

Bref, la lecture politique en soi n'est pas le problème - je ne connais pas de film dont on ne puisse pas avoir une lecture politique. Même si j'ai toujours une certaine gêne avec le fait de reprocher au film leur idéologie, quelle qu'elle soit (ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas l'étudier, mais je suis du coup beaucoup plus sensible au type de topo qu'en fait Chow, plutôt qu'à une analyse qui va in finie poser un mot du champ lexical politique sur cette étude, semblant par là-même faire de l'idéologie un problème en soi).

Pour ce ce que tu récapitules sur le gamin homo / pas homo, j'y ai perso juste vu la description d'un milieu de gros lourds dans lequel l'ado plus subtil/artiste va devoir se frayer un chemin. Et pour le coup ça, j'y vois une vraie lourdeur sundance.

Quant au reste de mon message (la vision de ce qu'est la mise en scène, les conventions...), il s'agit de questions de ciné plus générales. Amenées de manière très désagréable, j'en conviens (et désolé, du coup), mais l'envie était pas de t'écraser de mépris avec ces remarques, mais de l'amener sur la table de discussions à force de voir ça de manière récurrente. Sauf que je si je crée un topic "qu'est-ce que la mise en scène", on sait comment il finit... :|


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MessagePosté: 05 Aoû 2014, 19:51 
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Zad a écrit:
Ce qui est étonnant cependant, c'est que vers la fin, il y a une sorte d'anticorps, compris dans la formule même du film : la mère qui s'aperçoit du déterminisme et de la clôture de ce petit monde, et qui se demande comme Peggy Lee, "is that all there is" ?

Mais le film est d'accord : "then let's keep dancing, let's break out the booze and have a ball — if that's all there is."

Peut-être que c'est un film finalement très sombre, presque nihiliste dans le fond ; sauf que la forme semble sublimer tout ça, en chanter l'ode, et ça me semble terrible.

Je sors de la séance et je suis plutôt d'accord avec ta lecture du film. En sortant je me suis dit que j'avais vu un truc en fait très anxiogène mais que Linklater appliquait tout son talent à nous faire passer le message tout en douceur.

Chacun aura son avis sur le film, ce dernier nous renvoyant directement à notre conception de la vie. Pour moi l'élément central du film est bien le moment ou la mère voit son fils partir et se dire : "et ensuite quoi ? mon enterrement ?"

J'y vois aussi un joli instantané du western way of life, mais je ne pense pas que ça soit vraiment l'élément central. Du coup je trouve qu'il ne glorifie pas grand chose, non, il s'en sert plus pour étayer son propos, le temps qui passe. Un des derniers dialogues du film : "You know how everyone’s always saying seize the moment ? I don’t know, I’m kind of thinking it’s the other way around, you know, like the moment seizes us."

_________________
Castorp a écrit:
Nan mais je suis d'accord avec Antigone, là.


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MessagePosté: 05 Aoû 2014, 20:38 
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ah la veine sundancienne.
Dans les films naturalistes produits aux Etats-Unis en ce moment, j'aime beaucoup ce que fait Rodriguo Garcia, et dernièrement sa websérie, Blue, avec Julia Stiles, où elle joue une mère célibataire qui en plus de son job de bureau, est call-girl pour joindre les de bouts.
Il y a un très bon épisode où son plombier latino la drague, qu'elle accepte une invitation au restaurant par bonne conscience et où ça se passe pas forcément très bien.


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MessagePosté: 11 Aoû 2014, 22:21 
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Pour moi, le film est résumé par ce plan d'hélico survolant la voiture du jeune qui part en voiture, musique entraînante en fond, tilt vers le haut de la caméra pour finir très conventionnellement sur l'horizon, juste après avoir laissé la mère et sa déprime (très belle réplique "ce n'est que ça?"). C'est-à-dire que le film passe son temps à nous montrer la normalité, la pointant ponctuellement comme potentiellement critiquable et mortifère, avant de nous dire "puisqu'on ne peut rien changer, profitons des bons moments". C'est typique de la morale lénifiante qu'on nous sert à toutes les sauces depuis quelques temps, cette ère qui se voudrait post-politique où le monde devrait rester tel qu'il est, avec dans la vie des étapes inchangeables qu'il faudrait accepter, en espérant glaner au passage quelques moments de plénitude épicurienne, ce qui si je suis bien la logique du film peut être autant la célébration d'un passage à l'université qu'une bonne dégustation de Coca-Cola. Ces "moments" qu'il faudrait chérir, sont d'autant moins réjouissants à mon sens qu'on sait trop bien qu'ils ne sont que l'aboutissement prévisible d'une trajectoire sur des rails. La romance qui se conclut dans la dernière scène est symptomatique, elle vient clôre une séquence qui tend vers cette issue depuis le début, comme dans tout bon épisode de Plus belle la vie.

Cette histoire de flux, d'ailleurs, est juste, et comme Zad, je la rattacherais au projet morbide du film. Le film est un long fleuve tranquille, et exister n'a de sens que dans le choix du rôle que l'on veut assumer dans un scénario sociétal immuable, le héros étant ici l'artiste rebelle wannabe (drôlement caractérisé par sa propension à prendre en photo des bornes anti-incendies ou des vieux feux de signalisation). Les rares brèches du film - toujours ouvertes via le dialogue et non pas par la mise en scène, ce qui fait d'autant plus douter de leur sincérité - sont très vite refermées. Ainsi quand le protagoniste explique à sa mère comment un questionnaire informatique a pu aboutir à la répartition des chambres dans le dortoir universitaire, ironisant sur seulement huit profils de vie possibles, ce n'est que pour taire quelques minutes plus tard ce scepticisme semble-t-il malvenu en se trouvant très bien avec ses nouveaux amis pré-assemblés, et en s'apprêtant à profiter en toute quiétude de son baiser Coca-Cola dans la plaine désertique.


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MessagePosté: 11 Aoû 2014, 22:29 
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MessagePosté: 18 Aoû 2014, 03:22 
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Un peu d'accord avec tout ce que j'ai pu lire dans ce topic.

En voulant atteindre une certaine universalité dans son portrait de l'enfance et adolescence d'un garçon, et ce parfois un peu maladroitement dans la caractérisation (les deux beaux-pères en particulier), Linklater réussit sa chronique, souvent juste dans sa peinture du quotidien, mais peine à proposer quelque chose d'un tant soit peu original dans le traitement, au-delà de ce gimmick de tournage sur 12 ans donc, qui aurait effectivement pu être remplacé par une technique plus conventionnelle de double casting et de maquillage.

Si le propos du film tient effectivement à cette idée que "le temps passe et les événements, semblablement importants ou non, se suivent et s'effacent", je ne trouve pas ça très pertinent, du moins pas du point de vue d'un film intitulé Boyhood quoi.
Ceci expliquerait peut-être pourquoi l'écriture se perd à sortir fréquemment du point de vue de Mason. Il y a trop de scènes où il n'apparaît pas et qui, par conséquent, entament quelque peu l'expérience immersive focalisée sur le parcours d'un enfant jusqu'à l'âge adulte. J'ai parfois eu l'impression que Mason était moins important que sa mère et je n'ai pas vraiment ressenti ce que le film esquisse tout juste et aurait gagné à développer davantage, cette notion de l'enfance comme cocon ou chrysalide dont Mason sort adulte et enfin (plus) défini.
Faut dire qu'il est relativement amorphe ce garçon...

Malgré tout, je suis assez admiratif de la façon dont le film se tient, gardant un rythme, certes atypique mais jamais plombant, sur 2h45 sans structure classique, enquillant les scènes en mettant tout à hauteur égale. Là où le film parvient à réellement imiter la vie, c'est en ça, dans le flux du présent continuel. Mais j'attendais un film plus touchant...


PS pour Zad : j'ai vu les mêmes remarques que toi sur l'homosexualité mais, comme Tom, je pense qu'il s'agit plus de manières de caractériser les habitants du Texas que d'un quelconque suspense. Et pour ce qui est des photos, ce n'est justement pas en rentrant dans la norme vantée par son prof que Mason décroche une bourse mais en persévérant dans la veine artistique de sa passion.

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MessagePosté: 18 Aoû 2014, 07:33 
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Le film est blindé de belles choses, Patricia Arquette est excellente, mais je ne suis pas très convaincu par sa dernière partie, qui va chercher quelques formules de conclusion sous forme de note d'intention dont il aurait pu se passer... Un film comme Dazed and Confused évoque sans doute plus de choses en s'en tenant à un court moment, même si le film ici a des moments passionnants entre enfants et parents, bien que fragmentés. Sinon, il y a autre chose qui me titille: il y a une manière de brasser large son texas natal chez l'auteur qui donne aussi le sentiment d'un désir de "faire somme" qui pèse légèrement dans la douceur ambiante, et on en vient à visiter des dégradés sous forme de belles familles presque prétexte, même si pour illustrer un cours de civilisation ça peut-être passionnant (les scènes de salut et serment aux drapeaux US et Texan à l'école, je ne sais pas si j'ai vu ça ailleurs...). Je ne sais pas tout ce que Linklater peut mettre d'autobiographique là dedans.

Comme dans Before Midnight, je dirais qu'il y a un truc qui commence à légèrement coincer au fur et à mesure que le cinéaste empile et veut en rajouter, et on se paye comme une série de fausse fin qui coincent, pour terminer sur un aphorisme un peu léger avec grands sourires sur beaux acteurs un peu facile et attendu... C'est marrant parce qu'on commence au fond avec le Linklater de 2002, dans un premier plan qui peut évoquer la scène d'ouverture de Waking Life... et on termine sur celui de 2014 finalement, qui dans cette traque des tunnels temporels commence à s’essouffler (et au montage c'est ce dernier qui l'emporte)... C'est quand même amusant de voir Mason, au départ mutique et proche des persos de Wiley Wiggins dans Dazed and Confused et Waking Life, devenir de plus en plus bavard et rentrer dans les dialogues existentialistes et philosophiques adorés du réalisateur. Ethan Hawke fait un peu toujours la variante du même personnage chez lui aussi...

Pour la scène avec le mexicain,
j'ai vu ça comme une touche d'humour et un contraste absurde pochette surprise comme ça peut arriver plein de fois dans la vie, au-delà du gag "réussite américaine"; puisque ça se déroule dans un moment où le perso de la mère est en plein doute sur ce qu'elle a accomplis, sur ce à quoi lui a servi sa reprise d'étude dans le fond, etc... et que ça ne l’empêchera pas de craquer.


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