Tom a écrit:
Moi je suis halluciné que vous connaissiez les traducteurs (enfin Castorp c'est son métier donc c'est logique, mais pour les autres je suis très surpris).
Bah j'ai toujours trouvé ça intéressant, Yuddi avait traduit un livre du chinois au Français et je trouvais que c'était une tâche herculéenne (et pas très bien payée), du coup, cela m'a pas mal sensibilisé au pb, et j'ai découvert que parfois les romans me plaisaient pour le style du traducteur/traductrice. C'est devenu une autre porte d'entrée. Par exemple, je me suis à lire tous les romans japonais traduits par Corinne Atlan. Voilà ce qu'elle dit:
Je commence toujours par faire un premier jet très proche du texte original. Je reste très littérale et j’obtiens un texte « entre-deux ». Ce n’est plus du japonais mais ce n’est pas encore tout à fait du français. À ce moment-là, il y a déjà quelque chose qui se dégage : les sons, la phrase, le rythme. Je crois qu’idéalement, il faudrait appliquer à la traduction de roman les mêmes principes qu’à la traduction de poésie. Il faudrait toujours tenir compte du rythme et des sons. L’ordre des mots, c’est autre chose. Quand j’étais étudiante, on nous répétait qu’il fallait essayer de conserver l’ordre des mots. Or, la structure de la phrase japonaise est inversée par rapport au français et, je me suis aperçue, par exemple en traduisant des haïkus, que j’étais parfois plus proche du texte en inversant, en mettant le début à la place de la chute, parce qu’alors le texte français devenait beaucoup plus fort et collait mieux à ce qui était exprimé en japonais. Ce qu’il faut avant tout respecter, même dans le roman, c’est la chair du texte : la sonorité, le rythme, la longueur. Lorsqu’on est obligé de faire une longue périphrase, c’est toujours embêtant. Je le fais aussi, bien sûr, il y a des cas où on ne peut pas faire autrement, mais j’ai toujours l’impression de tricher un peu.
Ce que je voulais dire, c’est que la notion de style est une notion française qui n’existe pas en tant que telle au Japon. Bien sûr, le style y est également construit, travaillé, mais il passe forcément par les idéogrammes. Cela fonctionne de manière tellement différente qu’un réel travail de réécriture est indispensable lorsqu’on traduit depuis le japonais. Ce que je voulais dire également, c’est que dans la littérature japonaise, le style ne varie pas seulement d’un auteur à l’autre. Souvent, un auteur n’a pas un seul et unique style d’écriture. À part Murakami Haruki, mais c’est une exception. En Occident, il y a une continuité. Même si un auteur traite de sujets différents, il y a toujours des éléments récurrents qui lui sont propres, le traitement de la métaphore par exemple. En japonais, ce n’est pas le cas. On peut passer d’un extrême à l’autre. C’est le cas avec Murakami Ryû entre autres. Certains de ses livres, comme Les bébés de la consigne automatique, sont très riches. D’autres sont écrits dans un style très simple, presque journalistique. On ne dirait pas que c’est la même personne qui les a écrits.