Lu pour les cours.
Bon d'abord les points négatifs. Le style fini par être assez insupportable. L'auteure emploi la 1ere personne, le livre romanise son enquête, ses rencontres, se perd parfois dans des descriptions "littéro-journalistes" des lieux et des décors (
et je sais de quoi je parle). La meuf n'est pas scientifique, mais ce n'est pas une raison pour, dès que ça aborde des parties techniques, de dire que c'est difficile à comprendre, qu'elle a du bosser toute la nuit pour comprendre, et en plus pour faire quelques petites erreurs. Surtout que les explications des procédés chimiques et des biotechnologies ne sont pas si compliquées que ça. Bon c'est clair et bien présenté, mais pas la peine d'insister en mode "oh alors là c'est dur donc regardez je vais bien vous l'expliquer parce que j'ai vachement bossé".
La meuf est une très bonne journaliste, qu'on soit d'accord là dessus. Son enquête est fouillée, pleine de sources (tout est répertorié à la fin, la plupart des documents sont consultables sur internet). Les intervenants tous pertinents et variés (les dirigeants de Monsanto brillent par leur refus d'accorder des interviews). Mais ouais son style agace vraiment, d'ailleurs à la sortie, elle se fera plus attaquer sur la forme que sur le fond, c'est en même temps dommage et mérité. Il n'y a qu'à regarder le documentaire arte pour comprendre : on la voit assise, dans une pièce noire, devant son Mac. Elle se balade sur google, sa voix off commente de façon robotique et un peu bourgeoise "Monsanto, ogm, dangers" ou encore "Monsanto SAVAIT". C'est juste ridicule de filmer une recherche Google ! Et dans le livre, y'a des passages agaçants comme ça, à grand renfort de phrases style "je prends mon bâton de pélerin".
Y'a aussi une dramatisation excessive, ça joue beaucoup sur la corde sensible et les images émotionnelles (des hôpitaux avec des enfants déformés, des fermiers Indiens qui se suicident, des figures de rebelles sans peur et sans reproches). Ca me dérange parce que si les faits sont là, pas besoin de les romaniser. Grossir le zoom, en jouant sur l'émotion, ça me donne l'impression qu'elle est derrière moi à me dire "OH TU AS VU COMME C'EST TERRIBLE ! SOIS CONCERNE !!!!!". Surtout pour un livre qui dénonce l'obscurantisme de la boîte et l'absence du principe de précaution, jouer les choses de manière aussi manichéenne c'est assez bête.
On est dans une enquête. Pas dans un polar ou un film.
Sinon sur Monsanto en lui même. C'est terrifiant. J'ai pas grand chose à redire de ses conclusions, les faits sont là. Les études sont bidonnées. Les scientifiques sont soit corrompus, soit réduits au silence par des pressions ou la diffamation. Les politiques (américains) coupables de complaisance, d'ignorance ou de collusions à peine cachées (le système des portes tournantes : un avocat de la firme se fait engager par une organisation gouvernementale, approuve un produit, passe au gouvernement, signe la loi, puis devient vice-président de la firme. Ca fonctionne comme ça depuis 50 ans aux yeux et au nez de tous). Le plus affligeant c'est le cynisme total de l'affaire. Les produits sont approuvés sur la base d'études financées par Monsanto elle même. Quand la manipulation des données est trop flagrante, campagne de diffamation immédiate sur les voix qui s'opposent. Procés presque toujours gagnés. Même si le sujet est ici l'alimentation et la santé humaine, les consignes de la firme sont claires : profit. Rien d'autre.
La passé de la boîte est assez terrifiant (dioxine, projet Manhattan, agent Orange, hormone de croissance bovine, Roundup, OGM, tous ont eu et ont toujours des conséquences terribles et encore cachées du grand public). Ses méthodes, parfois à la limite de l'Inquisition (le chapitre sur les agents chargés de contrôler le respect des brevets par les paysans frise l'absurde, mais c'est bien réel). Il y a aussi tout le débat sur les brevets du vivant et le contrôle quasi total de toute la chaîne agro-alimentaire aux US (semences, semenciers, fermiers, contrôles, réglementations, ils sont PARTOUT).
Bref, on va tous crever, monde de merde.