Forum de FilmDeCulte

Qu’est-ce que le cinéma? Peut-on interdire à un réalisateur d’être ce qu’il est? A l’absurdité de son interdiction de filmer pendant 20 ans, Jafar Panahi oppose l’humour et la malice dans un documentaire émouvant et irrésistible. Intitulé «Ceci n’est pas un film», en hommage à René Magritte, bien sûr, mais aussi pour éviter de subir de nouveau la foudre du régime de Téhéran, l’œuvre de 75 minutes se situe dans le huis clos forcé de son appartement. Le réalisateur y confie ses doutes face à la caméra du documentariste Mojtaba Mirtahmasb.
Brutal retour à la réalité

La voix assurée, il confie son inquiétude quant à la suite de son procès en appel et témoigne – avec un incroyable sens de la dérision – de sa situation personnelle. Enhardi par la présence de son ami et aussi pour tromper l’ennui d’une assignation à résidence, Jafar Panahi ne peut s’empêcher de faire du cinéma, même s’il s’en défend timidement. Le dispositif rappelle celui de «Pater» d’Alain Cavalier, avec un seul acteur – le cinéaste lui-même – filmé en plein acte créatif, la lecture d’un scénario qu’il envisageait de tourner. Et Jafar Panahi de nous offrir un remake improvisé de «Dogville» de Lars von Trier, marquant au sol les différents décors et sollicitant du spectateur de se laisser porter par la seule force de l’imagination. Accompagné de son fidèle iguane Igi, à griffes acérées, le réalisateur passe ainsi le temps, refuse de s’occuper du chien de la voisine et sort même les poubelles avec un ami du concierge. La dernière séquence est la plus forte. Jafar Panahi ose s’emparer lui-même de la caméra pour suivre le jeune homme dans son périple à travers l’immeuble. «Nous voyageons ensemble», explique le concierge de fortune. Arrivé au portail de la résidence, le retour à la réalité est brutal et le cinéaste ne peut prendre part à la fête du feu qui se déroule pourtant devant lui. Le combat pour sa libération doit continuer, ici et là-bas.

6/6

Objet forcément intéressant que ce simili-documentaire qui se cherche tout le long, qui cherche un sens à son existence, un peu comme son sujet, le réalisateur iranien, qui se fait littéralement marcher dessus, enfermé comme dans un cercueil (on notera le DVD de Buried mis en évidence sur une étagère), parce que destiné à mourir de l'incapacité à exercer son métier, sa passion, quand chaque essai (se filmer soi-même, filmer son quotidien, se faire filmer, se faire filmer en train de raconter le scénario qu'on a pas le droit de tourner, se faire filmer en essayant de mettre en scène sans le faire avec un dispositif à la Dogville, etc.) finit dans une impasse.

L'essai est tantôt redondant (ça tourne forcément à vide), tantôt émouvant (la réalisation qu'un cinéaste ne peut rien raconter sans réaliser), et soudain, lorsque la fin de la journée vient sonner le glas de cette expérience un peu vaine, le réalisateur ressuscite en se réappropriant la caméra et, le temps d'une descente d'ordures improvisée (?), transforme cette manifestation en film, irrésistiblement attiré par la vie, juste là, dehors, et quand il se retrouve face à la grille d'entrée de son immeuble, la vie et le feu d'un pays à sa porte, c'est à la fois une dernière impasse, littérale, mais aussi un peu une note d'espoir.

4/6

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J'ai trouvé ça absolument génial, le dernier plan est immense, hilarant, émouvant, comme le reste du film. Et putain, quel pot! Pas seulement pour ce plan-séquence, tout semble trop "beau" : le chantier juste à côté avec sa grue, la Fête du feu en bande son, la voisine et son chien, le tsunami, le pote qui se fait arrêté par les keufs, tout tout tout, j'étais béat devant toutes ces merveilles du réel qui viennent enrichir le film (et qui sont pour certains contrôlés - le choix de la date de tournage n'est pas anodin, par exemple).
Pas envie de m'étaler dessus, le film me semble suffisament éloquent.
Mais voilà, juste pour dire qu'il faut aller le voir, et pas seulement pour soutenir ce(s) cinéaste(s).

Un peu comme Pater, j'ai l'impression que le film oscille constamment entre un mélange de vide et de gêne, et un potentiel de cinéma très puissant. Je trouve ça surtout très long à démarrer : toute la description du film au tapis (film qui avait l'air prometteur, au passage) flotte un peu entre le concept intéressant et le rien du tout dépressif. Parler d'un film de huis-clos quand on le vit soi-même (le huis-clos), c'est une idée qui aurait sans doute pu donner quelque chose de bien plus fort, quelque soient les limitations dont le cinéaste fait l'objet. Il faut attendre que Panahi craque, que son quotidien (paradoxalement bien plus dé-dramatisé) redevienne le centre du film, et surtout, enfin, qu'il prenne lui même la caméra, pour qu'un film naisse réellement de cette captation.

Lorsque l'incongruité de la situation d'enfermement (l'iguane, le chien, les feux dehors) se marie avec un appétit palpable de filmer et de sortir des murs, je trouve que ça commence à taper vraiment très haut. On commence à en prendre vraiment conscience avec le jeune éboueur, qui en passant dans la cuisine se rend compte en direct et devant nos yeux qu'il est filmé là aussi : impression d'une espèce d'omniscience lame de fond de Panahi qui, en avance sur nous, est déjà entrain de reprendre vie, de redevenir cinéaste, qui reconquiert déjà son empire. Et évidemment le sublime long dernier plan-séquence, tellement apte à refermer les lignes narratives à la perfection qu'on se demande effectivement à quel point il est improvisé. Mais l'enthousiasme du cinéaste qui renaît, qui construit en direct un personnage, qui trouve tout un dispositif (l’ascenseur) cinématographique, et cette fin... Damn, ça suffirait à en faire un grand film.

Objectivement, c'est quand même de l'ordre de 20m sur 1h10. Le reste n'est pas dénué d'intérêt, mais ne dépasse pas l'état d'expérience intriguante.

Le Miroir, dont on peut voir un extrait dans Ceci n'est pas un film, est sorti mercredi dernier.
Il faut aller le voir, c'est excellent. La deuxième partie du film est fascinante sur la notion de jeu, la frontière entre la mise en scène et la captation du réel, sur la disjonction son/image.

C'est l'extrait avec la fille voilée dans le grand bâtiment de verre ?

Non, c'est celui sur la gamine qui soudain en a marre de jouer dans le film et gueule au conducteur de bus de s'arrêter, laissant l'équipe de tournage en plan.

Oh. Ça avait l'air chiant

La première partie commence à l'être juste au moment où intervient la césure qui relance complètement l'intérêt.