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 Sujet du message: Re: Taxi (Jafar Panahi - 2015)
MessagePosté: 26 Avr 2015, 09:37 
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Pas de séparation entre l'Eglise et l'Etat.

C'est pour ça que j'ai précisé que c'est une dictature religieuse.

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 Sujet du message: Re: Taxi (Jafar Panahi - 2015)
MessagePosté: 26 Avr 2015, 09:46 
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Non, non, non. Israël est une démocratie parlementaire classique.


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 Sujet du message: Re: Taxi (Jafar Panahi - 2015)
MessagePosté: 26 Avr 2015, 09:46 
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Antichrist
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Isra%C3%ABl


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 Sujet du message: Re: Taxi (Jafar Panahi - 2015)
MessagePosté: 26 Avr 2015, 10:03 
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Inscription: 24 Juin 2009, 12:09
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Au temps pour moi du coup, dans mon souvenir, il n y avait pas de séparation.

Sorry!

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MessagePosté: 30 Avr 2015, 20:57 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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Le film est indéniablement réjouissant par son appétit de conteur, le dispositif n'étant jamais refermé sur son propre spectacle (et ce malgré des passages gentiment Inception : la caméra du réal absent qui filme le film que réalise sa nièce sur un gamin qu'elle a envoyé gâcher le film qu'on réalise sur un mariage...). Ce qu'on retient surtout, c'est la façon dont une situation en fait constamment naître une autre, la manière dont les histoires se multiplient et fleurissent à partir de la graine la plus modeste possible.

Malgré la finesse du geste politique (à commencer par le faux jeux docu/fiction), le moralisme et la mégalo de Panahi sont parfois assez plombants. Il y a par exemple ce moment-épiphanie, où la liste de la petite fille donne soudain à voir la cohérence fière du film patchwork vu jusqu'à présent, mais que Panahi ne peut s'empêcher de démêler, de discuter, d'expliquer, de revendiquer...

La plus belle parade à ce didactisme, c'est finalement la joie du film, son côté solaire et populaire (et le beau sourire de Panahi tout heureux de tourner), qui évite au film de se transformer en plainte ou en martyrologe. C'est la puissance et la victoire du cinéma qui est célébrée ici, pas son empêchement. Ce côté guilleret et volatile a aussi des défauts (on a du mal à se départir de l'impression d'un film un peu petit), mais ça donne à l'ensemble un ton réellement singulier, qui transcende largement en possibilités et en mystère le dispositif dont on a pu faire la pub en long et en large.


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MessagePosté: 02 Mai 2015, 21:19 
Je n'ai pas trouvé le film joyeux, il est beaucoup plus sombre que "Ten" ou "Copie Conforme" de Kiarostami où l'habitacle de la voiture permet une distribution égale de la parole, et un dialogue ou un affrontement (donc une forme de complémentarité) entre deux personnages et plusieurs régimes de parole. Ici ce n'est pas le cas, Panahi écoute les spectres qui le hantent, un peu comme Bob Fosse dans "All that Jazz".

Au début on pense que l'on va voir à une chronique de la vitalité de Téhéran, avec une captation sur le vif de plusieurs personnages révélateurs de la société iranienne (comme dans Ten) mais c'est en fait quelque chose d'assez différent: le film ne dit pas grand chose de la ville et est peut-être plutôt sur la les séquelles de la torture, et l'impuissance éprouvée par Panahi pour reconstituer un espace mental et un discours après son emprisonnement. D'une part Panahi ne dit pas grand chose, laisse ses passagers énoncer les enjeux politiques et esthétiques du film sans pouvoir les accompagner (tous partent après avoir donné la morale ou la conclusion de leur raisonnement, l'enjeu n'est pas de parvenir à cette conclusion, mais de savoir qu'en faire). D’autre part les passagers n'ont pas une identité très différenciée et proviennent tous du monde du cinéma , à part les deux vieilles*, qui semblent un peu des pythies annonciatrice de la mort, et qui fournissent à la police l'occasion de lui voler le film. Le Panahi-chauffeur a tort de les considérer comme des mégères anodines: leur histoire de poissons rouges semble droit tirée d'une nouvelle de Borges Casarès ou de Cortazar, où parfois l'impératif policier envahi même l’imaginaire et le fantastique, et qui ont eu aussi à se positionner contre une dictature*. Les personnages récapitulent ainsi les films passés de Panahi comme si la torture avait replié la vie de Panahi sur les personnages qu'il a déjà inventés: il ne peut alors être soutenu que par ce qu'il a déjà rencontré et créé.

Le film est assez fort, car il relie le problème de la censure (visible, dénoncée) à celui de la torture (invisible, qui n'existe qu'à travers les voix que Panahi entend encore tout seul) et rend bien un paradoxe: le régime incite à la fois à se taire et à parler, il lui faut des traces pour inculper, ce qui est suspect n'est pas la parole, mais l'interprétation. On ne peut survivre et contourner son autoritarisme non pas par le silence, mais par un flux permanent de discours "affiché", de plus en plus difficile car le régime fatigue la pensée, la police s’introduit dans les temps morts et les oublis que ce discours laisse échapper plutôt qu'elle ne s’oppose à ses articulations et thèses explicites. La police ne vise pas pas à supprimer les idéologies adverses, au contraire, elle les érige en seuls contenus de récit possible chez ceux qu'elle surveille.
Panahi déploie une tactique pour tenir bon: séparer strictement ce qui est de l'ordre de la mise en scène et du discours. Il s'emporte vivement et de manière un peu irrationnelle contre sa nièce: "tu ne peux pas à la fois filmer ou dire la raison de la mise en scène, tu dois choisir", comme pour la décourager et censurer une bonne idée de film possible. Mais le moment où il entend les voix de ses tortionnaires est celui où il ne peut plus soutenir cette distinction et doit affronter l'oubli d'un autre que lui qui le piège et l'immobilise, permettant à la police de la rattraper. Sn avocate lui rappelle d'abord que cetet attitude est insoutenable. Le fait qu'elle puisse énoncer clairement le conditionnement auquel veulent aboutir la censure et la torture ne contrarye pas son impuissance. Elle prévient que suite à la torture, ce qui était auparavant une analyse politique chez Panahi peut très bien se transformer pas à pas en hallucination, qui n'est ressentie que de façon individuelle. La police vient ensuite réaliser ce que son aovate anticipait. Le moment où mes motards dérobe,t la caméra est aussi le seul pendant lequel le discours provient de la caméra elle-même, le moment où ce qui est dit n'est ni idéologique ni symbolique ni l’énoncé d'une intention, mais technique et factuel.

Ce que Panahi peut opposer à la dictature n'est pas un discours politique, mais le décentrage et la séparation artificiellement entretenus entre ce qui est vu et ce qui est dit. Le film n'a pas de hors-champs, les enjeux de la surveillance policière, de la torture, de la crise économique sont dits, mais la subjectivité qui les énonce et est peut-être trop fortement brisée pour être elle-même un hors-champ.

*et encore, on dirait une version vieillie des femmes "du Cercle" dont on finit par oublier d'où elles viennent et où elles vont
**La fin du film m'a rappelée celle de Invasión de Santiago


Dernière édition par Gontrand le 03 Mai 2015, 21:00, édité 3 fois.

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MessagePosté: 03 Mai 2015, 01:21 
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Gontrand, espace ton texte ça fera un peu moins l'effet de pavé mais par contre texte très sympa.


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MessagePosté: 03 Mai 2015, 12:59 
Désolé et merci. Je vais hélas continuer avec un deuxième pavé.

Récemment j’ai lu un texte intéressant de Paul de Man sur le Contrat Social de Rousseau (« Promesses » dans Allégorie de la Lecture, qui date d’ailleurs de l’année de la Révolution iranienne), que le film m’a rappelé parce que d’un certain côté. Lle film et le texte abordent tous les deux le problème de l'écart entre une loi forte, ferme, univoque et ultra-prévoyante mais qui ne correspond pas à un texte explicite ("faites appel à votre bon sens"), et un contrat social, qui au contraire et écrit, rend raison de son origine mais fonde la loi à partir d’une certaine impuissance. Mais ce problème est lié à un deuxième problème un peu différent, qui concerne la relation entre le législateur et Dieu, que finalement que l’état iranien semble poser lui-même indépendamment des textes (plus comme une figure de rhétorique que comme l'effet d'une interprétation), c'est à dire d'une manière peut-être proche de ce que Rousseau a pensé selon de Man.


« Toutes les lois sont orientées vers l’avenir, toutes sont prospectives, leur mode illocutoire est celui de la promesse. Par contre toute promesse suppose une date à laquelle elle est faite et sans laquelle elle n’aurait aucune validité ; les lois sont des billets à ordre dans lesquels le présent de la promesse est toujours un passé par rapport à sa réalisation : « …la loi d’aujourd’hui ne doit pas être un acte de la volonté générale d’hier mais de celle d’aujourd’hui, et nous nous sommes engagés à faire, non pas ce que tous ont voulu mais ce que tous veulent… D’où il suit que quand la loi parle au nom du peuple, c’est au nom du peuple d’à présent et non celui d’hier » (Première version du Contrat Social). La définition du « Peuple d’à Présent » est cependant impossible, car le présent éternel du contrat ne peut jamais s’appliquer en tant que tel à un présent particulier.
Cette situation n’a pas de solution. En l’absence d’un état présent, la volonté générale est littéralement sans voix. Le peuple est un géant impuissant et « mutilé », l’écho lointain et affaibli du Polyphème d’abord rencontré dans le second Discours. « Le corps politique a-t-il un organe pour énoncer ces volontés ? Qui lui donnera la prévoyance nécessaire pour en former les actes et les publier d’avance, ou comment les prononcera-t-il au moment du besoin ? Comment une multitude aveugle qui souvent ne sait ce qu’elle veut, parce qu’elle sait rarement ce qui lui est bon, exécuterait-elle d’elle-même une entreprise aussi grande, aussi difficile qu’un système de législation « (Rousseau, 1ere version du CC). Pourtant c’est ce monstre aveugle et muet qui doit articuler la promesse destinée à lui restituer sa voix et sa vision : « le Peuple soumis aux lois doit en être l’auteur » (même page du CC). Seul un subterfuge peut mettre cette paralysie en marche. Puisque le système est fondé sur la tromperie, le ressort de son mouvement doit être, lui aussi trompeur.

L’imposteur est assez clairement identifié : Rousseau l’appelle le « législateur ». Il faut que cela soit un individu puisque seul un individu peut avoir la vision et la voix qui manquent au peuple. Mais cet individu est également une figure de rhétorique, car sa capacité de promettre dépend du renversement métaleptique de la cause et de l’effet : « Pour qu’un peuple naissant pût gouter les saines maximes de la politique et suivre les règles fondamentales de la raison d’État , il faudrait que l’effet pût devenir la cause, que l’esprit social qui doit être l’ouvrage de l’institution présidât à l’institution même, et que les hommes fussent avant les lois ce qu’ils doivent devenir par elle » (Rousseau). La métaphore engendrée par cette métalepse est également prévisible. Ce ne peut être que Dieu puisque le renversement temporel et causal qui place la réalisation de la promesse avant son énonciation ne peut avoir lieu que dans un système téléologique orienté vers la convergence de la figure et de la signification. Comme le contrat social » n’est rien de tel, il est tout à fait conséquent qu’il introduise à ce moment la notion d’autorité divine et la définisse comme un simulacre : « …et tandis que l’orgueilleuse philosophie ou l’aveugle esprit de parti ne voit en [les législateurs] que d’heureux imposteurs, le vrai politique admire dans les leurs institutions ce grand et puissant génie qui préside aux établissements durables ». Lorsque l’esprit vraiment politique est également philosophe, il ne sera plus orgueilleux, mais le législateur, qui cessera d’être heureux, n’en restera pas moins un imposteur. La substitution métaphorique de sa propre voix à la voix divine est blasphématoire, même si la nécessité de cette tromperie est aussi implacable que sa dénonciation future dans la déconstruction de tout État ou de toute institution politique ».


D’une part le texte de de Man est peut-être pertinent par rapport à l’Iran en indiquant une possible alternative (une imposture prise littéralement, mais dont la "nécessité" est alors fragilisée) entre une théocratie et un état civil possible depuis l’intérieur même du Contrat Social (Dieu est une manière métaphorique d’évacuer ce qu’il y a de fictif dans l’origine d’une loi contraignante, et par la même occasion ce qui fait de la loi quelque chose que le peuple a lui-même produit).

D’autre part il me semble que le point de vue de Panahi est proche de ce que la dernière phrase du passage de de Man décrit : le film construit une imposture (Panahi en chauffeur de taxi, qui se montre faisant un film dissimulant le fait qu’il ne fait un film qui est un faux film dans le film), mais dans un système où la permanence de l’imposture permet de tenir un discours où jamais rien n’est métaphorique. Les dialogues du films sont toujours des explications et des justifications, ce qui est discuté dans le film est toujours du texte, de l'interprétation: les quatre premiers articles d’un code de censure fastidieux, abandonné en cours de route, la nièce qui se présente en disant d'emblée qu’elle est une grossière copie du personnage du Miroir, et même l’image non vue de l’agression de l’ami est racontée et épuisée. Les deux vieilles avec leur poissons rouges sont l’occasion d'un passage plus allégorique et métaphorique, mais elles énervent Panahi qui les laisse en rade, ce qui d'ailleurs se retourne à la fin contre lui.
Mais surtout Panahi finalement se tait, se montre lessivé, ne répondant à personne, laissant ses passagers monologuer et même se compromettre par rapport à la surveillance. Le seul geste qu'il pose est de trier les films qu'il a déjà vus, même pas au bénéfice d'un passager, mais pour le client d'un de ceux-ci. Plutôt que de parler, il songe et récapitule seul son œuvre passée et les persécutions dont il a souffert (le film rappelle peut-être ainsi la position de Rousseau dans les Rêveries).
Il indique que tout est fictif sauf ses blessures (un peu là encore à la manière de Rousseau qui dans les Confessions dit qu'un mensonge qui ne porte préjudice à personne est une fiction, tout en reconstruisant l'historie de son compelxe réel de persécution), pour indiquer ensuite qu’il ne répondra plus aux hommes mais à une loi qui n’existe pas encore (une constitution), et cela en adoptant une posture de défi: en l’emprisonnant, le régime iranien lui prouve l’inexistence de la loi sur laquelle il s’appuie, et il agit par rapport à cette inexistence. Il n’a plus rien à craindre dans l’exacte mesure où ses alliés ne le comprennent pas et ne peuvent pas l’aider (il envoie d’ailleurs paître le trafiquant de DVD et risque de compromettre son avocate) ce qui a été une cause de blessure pour lui est en fait directement un manque et un vide pour le peuple qui l’entoure.


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MessagePosté: 15 Mar 2019, 11:37 
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MessagePosté: 15 Mar 2019, 12:55 
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L'URL est buguée : https://www.amnesty.org/en/get-involved ... oudeh-now/

Sinon en effet j'ai un souvenir encore vif d'elle dans le film de Panahi, où elle donnait une forte impression de courage et d'intégrité, tout en laissant l'impression qu'elle ne cherchait pas à cacher pas ses failles.

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


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