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MessagePosté: 01 Jan 2023, 10:14 
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1critique a écrit:
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Le cinéma du faux, surtout quand il s’agit des grosses productions orientalisantes, est une gangrène historiographique, bien souvent issue des lectures libérales du proche et moyen orient. Il sait que son succès n’est pas toujours désintéressé, et que la censure et la propagande font tout aussi partie de l’Occident, dans une forme plus discrète, mais tout aussi pernicieuse. L’insincérité, celle de son mari, qui finira de mener Zara au suicide, et de ses lamentations de quoi graver le précepte du cinéaste, et peut-être de tout bon cinéaste: Elle a supporté la torture, l’exil, mais elle n’aura jamais supporté le mensonge.


A quel moment lui ment-il ? Il y a certes une scène où le passeport française contient toujours les pages d'un passeport iranien, mais cela n'a pas grand chose à voir avec leur vie de couple (on ne sait d'ailleurs pas s'ils sont mari et femmes
). La scène a d'ailleurs un côté onirique et cauchemardesque. Il semble faible et vélléitaire, mais l'impuissance n'est pas le mensonge et l'insincérité.
Par contre cette scène me semble fantasmer l'emprisonnement puis la libération (illusoire) de Nasrin Soutoudeh que l'on voyait dans Taxi il y a 6 ans(avec l'espoir que le personnage reconstruit par l'imaginaire soit plus faible et marqué par la prison que la personne réelle qui l'inspire)

L'éventualité du mensonge et d'une forme de complicité politique avec le régime caractérise plutôt la manière par laquelle Panahi se met en scène lui-même, impliquant son logeur, timoré mais pas malhonnête, dans une situation risquée pour lui, et créant la situation qui mène à la mort du couple, avec une petite expérience de cinéma-vérité , dont les conditions de tournage relèvent d'une manipulation au départ anodine mais qui a des conséquences finalement énormes. C'est que le sujet filmé interprète lui-même les conditions de tournage du film, au risque d'inventer des évènements, faux par rapport au réel, mais qui devinent plutôt correctement l'intention et l'idéologie du réalisateur. Il est pour cela lui-même jugé par la police. En revanche, le film "raté" plus traditionnel avec acteurs côte turc n'est pas dans le dispositif de Panahi le moyen du mensonge et d'une forme de pouvoir d'imposer le faux. Il est au contraire rattrapé par la mort réelle de son actrice. On peut dire que le contexte de la dictature rend inopérante et nie le moindre effort de distanciation brechtienne en transformant toute image en destin réel affectant les acteurs, quel que soit son degré d'artifice intentionnel.

Ce n'est pas l'homme en tout cas qui détermine le suicide de sa femme .

Ton opposition occident-orient (mettant le cinéma du faux tout entier du côte du capitalisme libéral et du pouvoir) me semble quelque peu plaquée sur le film, ce que filme Panahi est à la fois plus politique et moins idéologique. Il semble plutôt montrer que la dictature empêche la fiction d'être fausse et force l'incarnation de celle-ci dans le réel : même le mythe originaire du village, qui semble pre-islamique et explique à la fois la séparation des sexes et l'inéluctabilité des mariages, est lui-même surveillé : la mort des amants le rejoue et l'annulle dans la réalité. C'est plutôt l'homme traqué qui voudrait que le faux puisse exister.

Le film me fait beaucoup penser aux Hommes et les Autres d'Elio Vittorini, où la résistance au fascisme s'ancre dans un espace fantomatique et surnaturel, qui concerne la communauté entière et la sépare du pouvoir (en réunissant problématiquement ville et campagne, vu comme un refuge possible : le fascisme a plus de force en ville qu'à la campagne, malgré sa valorisation de la tradition et de l'enracinement). Il y a une parenté de ton entre ce livre et le cinéma de Panahi

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MessagePosté: 14 Jan 2023, 18:10 
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Encore une fois on se retrouve vieux-gontrand... ravi de t'avoir lu. Je ferai une réponse quand j'aurai un peu de temps, pour qu'on puisse débattre du sujet de Zara, c'est très intéressant car ambigu.

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MessagePosté: 29 Jan 2023, 15:56 
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Effectivement, il s'agirait plus d'impuissance que d'un véritable mensonge. Mais Bakhtiar s'efforce sans mauvaise intention de réorganiser le réel dans une forme fantasmée, une sorte de glissement du réel le plus réel pour Zara. Diététiquement, je le vois vraiment de cette manière-là.

On peut dire que le contexte de la dictature rend inopérante et nie le moindre effort de distanciation brechtienne en transformant toute image en destin réel affectant les acteurs, quel que soit son degré d'artifice intentionnel.

Je te rejoins mille fois là-dessus! Belle analyse! J'ai effectivement traité la censure comme force imposant une réalité gonflée, mais je n'avais pas fait attention au revers d'une fiction qui n'a plus les moyens de mentir. Ca reboucle totalement la fin du film et ce que tu as écrit plus bas sur le mythe des ours.

Ton opposition occident-orient (mettant le cinéma du faux tout entier du côte du capitalisme libéral et du pouvoir) me semble quelque peu plaquée sur le film, ce que filme Panahi est à la fois plus politique et moins idéologique. Il semble plutôt montrer que la dictature empêche la fiction d'être fausse et force l'incarnation de celle-ci dans le réel

Je ne pense pas faire une rupture manichéenne, mais plutôt traiter de la conception manichéenne de l'Orient et de l'Occident. Les illustrations tapent davantage sur un mode opératoire qu'une localité. Et elles ne sont pas exhaustives, rapport à l'économie du format. J'aurais aimé avoir intégré cet axe de l'annulation Brechtienne, merci en tout cas de m'avoir éclairé là-dessus.

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MessagePosté: 29 Jan 2023, 16:04 
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J'ai pris soin d'épingler ton commentaire sur l'impossibilité Brechtienne à ma vidéo pour la ramifier.

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MessagePosté: 30 Jan 2023, 01:09 
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Merci de ton feedback mais je ne suis pas sûr d'avoir dit un truc sintranscendant. Le tournage d'un film dans le film (et donc l'annulation de l'acteur, avec un récit qui raconte une lutte entre lui et le realisateur : Tout est à vendre de Wajda, la Reconstituion de Pintilie) est une situation qui revient souvent dans les films tournés en régime oppressif ou dictatorial, cela revient souvent dans le film fait pendant la période sovietique en Russie et dans les pays du glacis.


Cela n'est pas uniquement lié au fait de montrer une liberté de création bridée même si c'est toujours présent. Dans le cinéma aussi il y a une différence entre la situation réellement produite et à sa justification. Mais le pouvoir, à la différence du réalisateur (quelquefois) ne l'endosse jamais.

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MessagePosté: 30 Jan 2023, 13:55 
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Transcendant, je n'en sais rien, mais tu as éclairé ma lanterne. Je repère le leitmotiv, mais tu as su l'exprimer. Tu as peut-être une expérience que je n'ai pas encore.

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MessagePosté: 06 Fév 2023, 16:33 
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Sorti deux jours après avoir commencé sa grève de la faim. Le français emprisonné en Iran pour espionnage qui a commencé une grève de la fin quelques jours avant, le 28, n'est pas aussi chanceux. J'avoue trouver cette relation un peu sado maso entre les artistes et les représentants de l'ordre (et du pays, par la force des choses) un peu paradoxales, relations qu'on avait pu observer sous Staline aussi.


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