Forum de FilmDeCulte

Allez j'ouvre un topic, ça fait une éternité.



Alger, 1938. Meursault, un jeune homme d’une trentaine d’années, modeste employé, enterre sa mère sans manifester la moindre émotion. Le lendemain, il entame une liaison avec Marie, une collègue de bureau. Puis il reprend sa vie de tous les jours. Mais son voisin, Raymond Sintès vient perturber son quotidien en l’entraînant dans des histoires louches jusqu’à un drame sur une plage, sous un soleil de plomb…

Adaptation de L’Étranger d’Albert Camus.

On le sait, Ozon n’a peur de rien, et c’est toujours bien de le voir mener de temps en temps des projets d’ambition. Donc L’Etranger au cinéma, relire cette histoire aujourd’hui, pourquoi pas. Et la bande-annonce promettait un bel accomplissement esthétique.
Et c’est indéniablement le cas: grâce à la photo de Manu Dacosse, à la précision de la reconstitution, à la BO à la fois étrange et étrangère, le film a une vraie classe, et capte fort bien l’ambiance du roman. Benjamin Voisin, impeccablement casté, est parfait, il apporte beaucoup au film.
Et pourtant, passés les trois premiers quarts d’heure, j’ai fini par trouver le temps long, à me désintéresser progressivement du récit, pour finalement ne voir qu’une illustration appliquée du roman. Ozon tente pourtant de mettre une lumière contemporaine sur cette histoire (notamment en identifiant la victime), et le mystère Meursault est bien palpable à l’écran, mais ça ne suffit pas pour que le film se démarque. Je pense qu’à rester trop proche du texte (dans la deuxième partie, Ozon cède curieusement à la tentation de reprendre mot pour mot des phrases du roman, en voix off), le film reste dans l’ombre de son matériau d’origine (un monument donc l’ombre est grande), perd finalement de sa force et de sa pertinence. J’en suis sorti avec une sensation de "à quoi bon" assez désolante. Bref, un bel objet, une belle tentative, mais je n’ai pas été pleinement convaincu.

3/6

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

J'avais lu LA CHUTE au lycée mais jamais L'ETRANGER. Je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre.

La forme du film est superbe. Magnifique noir et blanc, belle reconstitution sans chichis. Voir ce film juste après LE PROCES, autre adaptation de roman légendaire du XXeme siècle, est croustillante (la scène à la fin où Meursault marche dans le désert tiré par deux gardes semble tout droite sortie du Welles).
Je comprends que Voisin joue un personnage impénétrable mais néanmoins par moments je le trouve un peu fermé. Mais il a la beauté nécessaire pour te faire adhérer à ce glissant Meursault. Le reste du cast est bien (Marder, Lottin...).

J'ai cru comprendre que le scénario était extrêmement fidèle au bouquin. Cependant, Ozon semble avoir actualisé le truc notamment en donnant un nom au fameux arabe que Meursault tue. Même l'apparition du titre en arabe puis en français qui renvoie à un regard critique sur la colonisation. Or, est-ce vraiment ça que le roman cherche à raconter ? (encore une fois, pas lu)

Mais disons que ça enlève de la force au cri universel de Meursault, ça ramène tout sur terre, dans un contexte sociétal qui amoindrit tout.

Mais ça reste bien.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

J'y vais ou pas?

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Pour l'hommage au Schpountz non ?

C'est un peu la question. Tout le roman se passe en Algérie française et le seul algérien qu'on y croise est l'Arabe, même pas nommé, qui apparait et meurt en deux pages. Est-ce une omission volontaire, l'éléphant dans la pièce, ou inconsciente sachant que l'auteur a lui-même grandi là-dedans sans forcément penser jour et nuit à l'affreux colonialisme?

J’ai lu le roman il y a bien longtemps, mais je n’ai pas le souvenir que le colonialisme y soit abordé de près ou de loin.

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There is no such thing in life as normal

Dans mon souvenir le colonialisme transpire à chaque page, et plus particulièrement durant le procès. Pour autant je ne verrai pas le film, la BA est à l’opposé de que je peux imaginer être une adaptation fidèle de ce roman.

Camus était opposé à l'indépendance de l'Algérie. La question du colonialisme n'est jamais abordée explicitement dans "L'étranger". On le lui a reproché, notamment Kamel Daoud dans sa réécriture, "Meursault contre-enquête" : c'est seulement dans le roman de Daoud que la victime de Meursault porte un nom, Moussa (repris par Ozon dans le film j'ai cru comprendre : preuve qu'il tient compte aussi de ce qui a été écrit sur le livre). Dans "L'étranger", la victime, c'est juste "l'Arabe".

L'un n'empêche pas l'autre.
Peu d'auteurs décrivent aussi bien les tares de l'exploitation des Noirs et la perversion du système dans le sud des US que Faulkner, et pourtant, Faulkner était loin d'être progressiste sur le sujet.

(après, jamais vraiment aimé Camus)

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Peut-être, mais à titre descriptif alors, sans intention dénonciatrice. Dans "L'étranger", la victime, c'est Meursault : jamais l'Arabe.

Dans mon souvenir trrrèèèès lointain, c'est le système découlant de la colonisation qui aliène Meursault. Mais c'est vraiment vague dans ma tête, ça fait plus de 20 ans.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Clairement. Meursault n’est victime que de son extrême passivité, de sa porosité à un système de domination dont il bénéficie et sur lequel il n’a aucun recul. Il est tout autant un être abject qu’une passionnante étude de cas.

La situation coloniale est vraiment le point aveugle du film. Tout est raconté du point de vue de Meursault, pour qui la présence de Français en Algérie n'est jamais une question. Aujourd'hui, on en déduit que c'est cette cécité que Camus veut montrer, mais ça me semble une lecture anachronique. C'est pas le sujet du roman.
Y a quelque temps est paru un petit livre extrêmement vif et passionnant ("Oublier Camus" d'Olivier Gloag), qui rappelait les multiples ambiguïtés et contradictions de Camus (sur la colonisation, la peine de mort, etc). Le débat suscité par le livre a immédiatement pris une tournure politique et médiatique. Tous les bras cassés des chroniques matinales se sont insurgés contre cet outrage fait au grand-penseur, alors que Gloag, respectueux et informé, rappelait simplement que Camus était loin d'être la conscience morale infaillible qu'il est devenu dans une certaine mémoire collective qui l'a totalement statufié, en oubliant les débats que son oeuvre a fait naître en son temps.

Je ne trouve pas, en art, que les intentions de l'auteur soient si importantes que ça. Ce qui compte, c'est ce qu'on voit. Parfois, ça correspond aux intention du créateur, mais souvent, non.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

On ne comprend pas, alors, pourquoi ce même "système" le condamne à mort à la fin. (oui je spoile)