Une psychologue se laisse volontairement happer dans les magouilles d'un groupe d'arnaqueurs dans le but d'écrire un livre.J'ai toujours adoré les films d'arnaque. Enfin, moins les films à tiroirs débiles (
Sexcrimes) que les vrais films d'escroquerie, avec arnaques et doubles lectures (
L'Arnaque,
La Prisonnière Espagnole,
Matchstick Men), ou ceux qui savent piller le genre à leur compte pour pimenter leur intrigue (
Usual Suspects,
The Game,
Mission : Impossible). Bien sûr, comme dans tous les sous-genres, il y a des déchets. D'autant plus qu'il repose presque entièrement sur le faux semblant et le final twist, ficelles faciles du storytelling (faciles d'y recourir, difficile à maîtriser). Et comme je me tape une petite rétro Mamet, et que c'est son grand kiff, je me gave.
Voilà donc son tout premier film, qui sort la même année que son scénario des
Incorruptibles pour De Palma. Je le découvre, et c'est vraiment pas mal du tout. Sorte de spin off modernisé de
L'Arnaque (mais en mille fois moins dense que le bijou de George Roy Hill), pas aussi abouti que
La Prisonnière Espagnole,
Engrenages (
House of Games en vo) décortique avec justesse le ressort principal du fonctionnement de l'arnaque. Je suis certain que Mamet, grand passionné de l'escroquerie, a lu
Les Voleurs, le récit encyclopédique et autobiographique de Vidocq, qui recense et décortique toutes les combines de la rue (d'ailleurs pour ceux que ça intéresse, ce bouquin, facile à trouver et libre de droits, recelle d'un bon milliard de pitchs potentiels géniaux). Le film possède le même charme vénéneux qu'un vieil escroc qui nous apprendrait ses tours de passe-passe... alors que l'on garderait tout du long à l'esprit qu'il le fait dans doute dans un but précis. C'est LE fondement de l'arnaque : l'escroc vous FAIT CONFIANCE à vous, simple citoyen. Il ne quémande pas, ne fait pas l'aumône. Il donne l'impression du hasard et d'une vraie opportunité. Mais cette confiance, qui flatte l'ego, est de l'enfumage, un hameçon pour vous amener à lui offrir votre confiance en retour. Et cette mécanique est très bien analysée ici. Mamet s'attarde donc plus sur la radiographie de l'arnaque, et se désintéresse presque des effets, qui à eux seuls dans d'autre films, suffisent à égayer le spectateur. Il nous fait confiance et nous montre l'arrière-boutique...
La première heure et demie se suit avec gourmandise, mais les démonstrations de Mamet sont si didactiques, que les derniers rebondissements sont ultra prévisibles. Savoureux, mais prévisibles. Même si le dernier 1/4 d'heure offre une chute inattendue, le film vaut surtout pour l'excellent Joe Mantegna et le décorticage de quelques tricks assez géniaux.
Je me souviens d'une interview où De Palma complimentait l'écriture de Mamet de sa main droite, et le taclait de la main gauche sur ses lacunes de mise en scène. Bon, je ne suis pas d'accord. Mamet a un vrai regard, un vrai style, et sait créer une ambiance en deux plans, unique et originale. Mais c'est vrai qu'ici il foire de façon incompréhensible certains passages, dont le plus important, le climax traumatique du personnage principal (alors que de Palma de son côté étire le truc génialement avec
Body Double trois ans plus tôt par exemple).
4/6, et je le reverrai avec plaisir
EDIT : l'actrice principale, Lindsay Crouse, est la femme de Mamet à la ville. Perso, je ne la connaissais que pour avoir été dans
The Insider la meuf de Pacino...