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MessagePosté: 30 Mar 2024, 21:48 
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Une histoire vraie en VF, traduction tragique qui évoque aussitôt un téléfilm « inspiré de », alors que le titre original permet la double référence au nom du protagoniste (qui a donc vraiment fait ça), mais aussi à la place du film dans le corpus lynchien : straight peut aussi être traduit par « direct ». L’« histoire directe », par un réalisateur notoirement méandreux, aux films supposément insaisissables, alors qu’il n’est pas étranger aux récits d’apparence plus classiques comme en atteste Elephant Man.

Lynch a toujours traité des tabous et non-dits sans avoir jamais attendu qu’ils prennent une place prépondérante dans les discours publics, ce qui a toujours pour corollaire d’imposer un cahier des charges pour en traiter « comme il faut » au regard des impératifs culturels du moment, forcément fluctuants. Handicap, inceste, troubles mentaux… Ici la vieillesse, qui a longtemps souffert d’un vide anthropologique, et que l’on apprécie dans les sociétés occidentales à travers le prisme de la perte d’autonomie, donc du poids qu’elle représente, et de la perspective de l’institutionnalisation, troquant toute recherche de sens existentiel par l'angoisse de l'inéxorable.

L’entrée en matière du film, avant le début du périple, sert à poser le regard que porte Lynch sur ce phénomène naturel, un regard sensible et attentif qui n’est ni complaisant, ni dans l’exploitation— un regard digne, la question de la dignité étant souvent centrale dans son œuvre. Il capte toute la minutie et toute la réticence qui caractérisent les personnes âgées : minuties dans les démarches et gestes ralentis, moins assurés, dans l’expressivité faciale à des âges où les émotions se conjuguent à merveille non seulement entre elles, mais sur ces traits marqués par le vécu, donc d’autant plus lisibles (les vieux n'ont souvent qu'à être naturels pour être bons acteurs)— réticences à se soigner, à s’avouer encore totalement vaincu par la marche du monde qui fait semblant de ne pas voir ce que le grand âge implique en mode « on verra quand on y sera » (tout ce qui en fait, en réalité, le plus grand tabou de notre culture), réticences qui par ailleurs alimentent l’obstination du personnage à entreprendre l’impossible, et fait éclore la simplicité au cœur de la notion du temps qui est compté— dans le symbolisme évident de la route, du tracteur qui roule à deux à l’heure, de la teneur des échanges au coin du feu avec tous les gens, souvent plus jeunes, qu’Alvin rencontre, tantôt affligés, goguenards ou hystériques, tous aux prises avec ce qu’Alvin a appris, par la force des choses, à laisser couler. Et ce jusqu’au monologue bouleversant qui entame le dernier tiers du film, en compagnie d’un autre papy, au cours duquel remonte le vécu traumatique au cœur de l’expérience de cette génération qui rend d’autant plus urgente la nécessité intemporelle de l’amour fraternel, la menace du conflit irrésolu alors qu’il est bientôt trop tard.

Comme d’habitude, Lynch accorde la même importance au fond qu’à la forme, avec cette récurrence de motifs (vues aériennes des champs, véhicules agricoles, thème musical, échanges au coin du feu etc.) qui ponctuent l’odyssée, son sens du cadre qui tient du plasticien pur, les rappels à ses obsessions : flammes, ciel étoilé, face à face anxieux devant une maison fermée et silencieuse, et bien sûr son chérissement pour les silences et les visages, tous deux expressifs au possible.

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MessagePosté: 30 Mar 2024, 23:08 
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Je me souviendrai toujours de la découverte de ce film, qui était passé sur Arte y'a genre 20 ans. J'étais en pleine découverte de Lynch et je m'enchainais ses films traumatiques un à un, et donc j'étais très heureux de pouvoir souffler un peu en regardant un film a priori plus léger, plus appréhendable... Pour finalement en ressortir bouleversé encore une fois. Je ne m'y attendais absolument pas. Un film simple mais beau à en tomber.


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MessagePosté: 31 Mar 2024, 11:23 
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Robot in Disguise
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Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
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Müller a écrit:
Une histoire vraie en VF, traduction tragique qui évoque aussitôt un téléfilm « inspiré de », alors que le titre original permet la double référence au nom du protagoniste (qui a donc vraiment fait ça), mais aussi à la place du film dans le corpus lynchien : straight peut aussi être traduit par « direct ». L’« histoire directe »
Je te trouve dur car le titre français se débrouille pas trop mal avec son histoire vraie, au sens "une histoire simple", des "émotions vraies".

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 31 Mar 2024, 16:05 
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"Une vraie histoire" serait peut-être mieux.


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