Cracovie, 1941. Le jeune Macek, impliqué dans la résistance, s'est réfugié dans la maison de campagne de son père. Il voit sa femme et son jeune fils être tués sous ses yeux par les Allemands. Poursuivi et blessé, il revient en ville. Un homme lui ressemblant est arrêté et torturé à sa place. Il se réfugie chez la femme de celui-ci, qui ressemble très fort à sa propre femme défunte. Perdue et visiblement très névrosée, il l'aide à accoucher et elle le soigne ensuite .
Il cache ensuite cette femme dans un couvent tenu par sa soeur. Celle-ci est une mystique prête à subir l'occupation jusqu'au martyr par solidarité avec les gens qu'elle cache pour tenter de les soustraire aux rafles.
Macek a une relation avec la femme de son double, et ne sait pas s'il faut ou non tenter de libérer son mari, qui du coup reste torturé (et/ou bien est retourné comme informateur, on ne sait plus trop, et finalement on s'en fout).
Pour survivre, il prête son corps a un mystérieux laboratoire médical, dirigé par la veuve, autoritaire, hiératique et troublante, d'un écrivain assassiné. Ce laboratoire élève des poux qui inoculent progressivement le typhus aux porteurs qui se font payer, afin de développer un vaccin.Ouch. Je ne sais pas que penser de ce film, sorte de croisement entre l'
Armée des ombre de Melville et l'univers du giallo , du fait d'un baroque érotique morbide très dur (avec musique psychédélique idoine... sachez-le, la Pologne du rideau de fer a eu elle-aussi son moment krautrock), le tout mâtiné de grosses doses de masochisme sexuel catholico-suicidaire et de freudisme hardcore ("la guerre a supprimé mon fils avant qu'il ne m'emmerde avec son complexe d'oedipe, il restera à la fois l'innocent fondamental, objet d'un deuil incommensurable, et le juge terrifiant de ma vie d'adulte ratée").
La mise en scène est très forte et possède du souffle, mais on peut être gêné par la mise en scène rétro-érotico-expressionniste de l'occupation nazie , qui installe une complaisance dans une violence radicale qui devient vite un prétexte chorégraphique et stylistique. Pourtant certaines scènes sont presque justes (quand Macek dialogue avec son père, sur le rejet familial subi par sa femme) . C'est à la fois un film d'exploitation et un film d'auteur avec des ambitions littéraires visant à l'édification morale fortes mais un peu trop voyantes. Dans le fond le parcours des personnages ne suscite que peu d'émotion et de recul, le parcours sacrificiel et le noeud de douleurs sur lesquel ils s'écrasent en se débattant sont trop programmatiques, ils vivent tous la même tragédie radicale et surconsciente d'elle-même, le même destin (sauf le père et la mère), mais séparément le film n'a pas d'autre sens que le constat de cette incommunicable ressemblance,à la fin la frayeur de la possession (ou de l'occupation.,mlt qui prend ici un xouble sens) devient la dérision de cette tragédie existentielle .
C'est très "moderne", mais comme déjà fatigué de sa position "avancée", certains côtés du film sont quasi-tarantiniens (on peut penser aussi aux débuts de Sokourov, voire à Lynch avec un côté "
Blue Velvet chez les nazis").
Le cinéaste polonais était plutôt en avance sur la vague "rétro seconde guerre mondiale" qui a suivi ultérieurement en France et en Italie et la poussait déjà au bout. Du coup, à cause de son succès et de sa position de fondateur du genre, à la fois inaugural et foncièrement cynique, idiosyncrasique et récupérateur (de son propre cinéma) on se dit qu'il a dû en penser plus vite les limites que les autres, ce qui donne envie de voir ses autres films polonais (qui délaissent les nazis au profit de l'inquisition ou du space-opera, j'ai bien aimé le premier 1/4 d'heure de
sur le Globe d'Argent, cela fait penser à Mad Max remaké par Tarkovski).
Le plus troublant reste le filmage du cauchemard kafakaïen lié à l'élevage (et au gavage) des poux, introduisant une dimension fantastique microscopique mais hallucinée très singulière.