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MessagePosté: 01 Juin 2011, 02:12 
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Vargtimmen en VO

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Le peintre Johan Borg s'est isolé en compagnie de sa femme Alma sur la petite île de Bältrum. Un jour, alors qu'Alma est seule, une vieille dame venue de nulle part lui suggère de lire le journal intime de son époux.


Dans la série jamais content... Je précise, quand même, avant toute chose, que je suis très friand des métissages entre le cinéma caricaturalement étiqueté "auteur" et le cinéma de genre ; ou vice-versa, d'ailleurs. Les Tokyo Sonata, les Trouble Every Day, les Dead Man, je trouve quasiment toujours ce mariage extrêmement réjouissant. Ce Bergman-là me séduisait donc beaucoup.

Au final, je trouve ça assez loupé sur toute la ligne : tout le monde y perd. A commencer par la mécanique Bergmanienne, qui perd la saveur habituelle de sa subtilité pour se faire au mieux un peu rustre, au pire complètement brouillonne : le film est aussi malaisé que ses personnages, se rattachant à l'excuse de la névrose grandissante pour souvent délaisser les efforts de structure et de cohérence, ou la mesure dans l'approche. Et de l'autre, le fantastique ou l'horreur sont caricaturés à des inserts qui se greffent mal, peut-être parce que pas complètement acceptés (voire pire, un peu méprisés), se réfugiant dans une certaine facilité (je pense par exemple au dîner fellinien saoulant, où à la ballade finale ultra-pénible au sein du château). Le climax du Visage, avec cent fois moins d'artifices, savait quelque part se faire bien plus horrifique... Au final, seule la scène à l'enfant me semble réellement parvenir à fusionner l'art de Bergman au genre invité, même si je trouve pas qu'il y ait de quoi sauter au plafond.

Ca reste agréable à voir, surtout pour les scènes de couple, avec le stupéfiant visage de Liv Ullman pour boussole, morceau de simplicité et d'évidence salvatrice au milieu du chaos qu'est le film. Leurs scènes à deux sont bien, elles sont touchantes et fortes, et finalement bien plus horrifiques, je trouve (le silence de la nuit..) que tout ce qui les entoure.

Voilà, beau rendez-vous manqué je trouve. Mais merci de l'avoir conseillé, ca reste une sacrée curiosité quoiqu'il en soit.


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MessagePosté: 01 Juin 2011, 22:07 
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Je ne comprends absolument pas pourquoi tu dis que le fantastique et l'horreur sont caricaturés et méprisés dans ce film. L'horreur est le centre de tout ce film (et pas seulement un élément hétéroclite). Au beau milieu, la fragilité de ce couple isolé en est décuplé. Les non-dits, les secrets et les fardeaux du passé, qui amènent le couple à se requestionner face à l'autre, sont des éléments horrifiques digne de ce qu'on peut trouver dans le cinéma d'horreur. Mais Bergman ne considère jamais son film comme de l'horreur, non plus comme un drame. Son film est parfaitement pur et unique. Il a simplement choisit de ne pas faire délimiter l'intériorité (les fantômes du passé, les cauchemars) de l'extériorité.

On dirait que ce que tu reproches au film, c'est d'être un film a références (tu cites même Fellini) qui gèrent mal ses références. On est pourtant en 68, le référentiel n'était pas aussi abondant qu'aujourd'hui. Je ne crois pas que lorsqu'un réalisateur de l'époque utilisait des éléments d'horreur ou de fantastique, il le faisait pour rendre hommage a un genre, pour être dans la vague, ni pour flatter le spectateur (ce genre de cinéma n'était pas plus populaire qu'un autre à l'époque de toute façon). Donc, si Bergman a choisit ces éléments dans son film, c'était pour une très bonne raison, parce que ça avait du sens avant tout. Et L'Heure du Loup fait énormément de sens pour moi. Un film qui traite de la dérive d'un couple de cette façon là, avec autant d'épure et d'idées cinématographiques, pour moi ça frôle le génie.

6/6

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MessagePosté: 01 Juin 2011, 22:35 
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Le genre a effectivement pas encore ré-explosé, mais beaucoup des éléments utilisés peuvent déjà cibler vers le film d'épouvante tel qu'il existait au début des années 30 (et peut-être d'autant plus vers le bis horrifique US des années 50, mais là je connais pas bien)...

Quelques soient leur origine, ils restent de toute façon traités comme des inserts, des corps étrangers : je dis méprisés ou caricaturés parce que quand débarquent ces images (l'œil dans le verre, par exemple), c'est assez mal relié au film : j'ai l'impression que Bergman se dit "bon, alors dans un film d'horreur c'est comme ça qu'ils font apparemment, ça suffira" - comme si tout cela se passait, dans le cinéma de genre, d'un vrai travail formel chargé de nous l'amener devant les yeux. Un truc comme le pack "contraste poussé à fond + musique psychédélique" pour filmer le trauma un peu gore avec l'enfant, je trouve ça simplet par rapport à l'habituelle complexité monstre de la mise en scène de Bergman, surtout quand le film, par les allers-retours entre le couple et les scène oniriques, t'offre le comparatif en direct live : je ne peux quand même pas m'empêcher d'y voir une certaine mollesse, comme si le genre excusait de prendre aussi ces passages en charge.

En gros : je trouve que le "décorum" (les effets trucage, peu nombreux mais mis en spectacle, et les scènes bordel-ivresse à la Fellini bien plus fréquentes) n'est jamais réellement digéré par la mise en scène de Bergman, qu'il y a comme deux films qui se regardent à distance (d'ailleurs, la césure est aussi spatiale, à chaque décor son film). Effectivement, le plus horrifique réside dans les scènes de couple, mais l'articulation avec les saillies fantastiques sont plutôt grossières. Y a un mariage qui, selon moi, n'a pas eu lieu : pour le coup, en reprenant ton expression, je trouve ça très "impur".


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MessagePosté: 01 Juin 2011, 22:41 
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Tom, ça t'arrive de regarder des films récents ?...

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MessagePosté: 01 Juin 2011, 22:43 
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MessagePosté: 01 Juin 2011, 22:45 
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Ah non, chais pas, je commençais à me demander... L'impression d'une réelle volonté à ne rien mater qui ai moins de 20 ans quoi. Mais je me goure donc...

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MessagePosté: 01 Juin 2011, 23:32 
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Tom a écrit:
Quelques soient leur origine, ils restent de toute façon traités comme des inserts, des corps étrangers : je dis méprisés ou caricaturés parce que quand débarquent ces images (l'œil dans le verre, par exemple), c'est assez mal relié au film : j'ai l'impression que Bergman se dit "bon, alors dans un film d'horreur c'est comme ça qu'ils font apparemment, ça suffira"


Le plan de l'oeil dans le verre est le seul qui m'a vraiment gêné dans tout le film. Et encore, pas tant que ça. Il y a un petit côté grotesque que j'aime bien.

Tom a écrit:
comme si tout cela se passait, dans le cinéma de genre, d'un vrai travail formel chargé de nous l'amener devant les yeux.


Mais je ne vois pas pourquoi un réalisateur devrait se casser le cul à tout prix pour te montrer des éléments surréels. Pourquoi tenir le spectateur par la main à tout prix, alors que le fantastique, c'est quelque chose d'iréel, de bizarre, qui vient te surprendre quand tu ne t'y attends pas, et qui te pousse à te réfugier vers ton intellect pour mieux comprendre. Mais c'est là le danger bien souvent, vouloir comprendre, vouloir trouver cohérence à tout prix. En quelque part, il faut faire confiance aux spectateurs aussi, à leur capacité de se laisser aller à des impressions. Et je crois que l'intérêt de l'Heure du Loup, et d'évoquer avec brio des impressions. Pour moi, le cinéma de Bergman est loin de se limiter à l'intellect. Ces films sont beaucoup plus "sentiments", "impressions", "viscéralité" ensuite ils t'amènent à la réflexion... mais encore.

Tom a écrit:
Un truc comme le pack "contraste poussé à fond + musique psychédélique" pour filmer le trauma un peu gore avec l'enfant, je trouve ça simplet par rapport à l'habituelle complexité monstre de la mise en scène de Bergman


Je n'y vois rien de simplet. C'est du domaine du cauchemar, mais pourquoi le cauchemar doit être quelque chose de simplet. Et d'ailleurs, ce genre de scène ne s'est pas vu souvent à l'époque il me semble. Assez unique. Cette musique atonale, je ne crois pas l'avoir entendu dans le cinéma d'horreur de l'époque, ni le cinéma tout court (à part peut-être dans Persona, ou 2001). Et le contraste ne m'a pas semblé exagérément poussé à fond, pas plus que le côté laiteux de la photo de Persona, ou le gris de Winter Light. Son choix est adéquat. Bergman expérimente tout en gardant la classe il me semble.

Mais bon, là c'est une question de goût j'ai l'impression.

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MessagePosté: 01 Juin 2011, 23:35 
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Le Cow-boy a écrit:
Ah non, chais pas, je commençais à me demander... L'impression d'une réelle volonté à ne rien mater qui ai moins de 20 ans quoi. Mais je me goure donc...


Note bien qu'on pourrait te renvoyer la même chose dans le sens inverse.


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MessagePosté: 02 Juin 2011, 01:27 
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David Swinton a écrit:
Mais bon, là c'est une question de goût j'ai l'impression.

Peut-être, mais sur ça :
David Swinton a écrit:
Mais je ne vois pas pourquoi un réalisateur devrait se casser le cul à tout prix pour te montrer des éléments surréels. Pourquoi tenir le spectateur par la main à tout prix, alors que le fantastique, c'est quelque chose d'iréel, de bizarre, qui vient te surprendre quand tu ne t'y attends pas, et qui te pousse à te réfugier vers ton intellect pour mieux comprendre. Mais c'est là le danger bien souvent, vouloir comprendre, vouloir trouver cohérence à tout prix.

Je me suis mal fait comprendre : ce que je reproche à Bergman, c'est de ne pas prendre en charge - qu'il utilise son savoir-faire pour me perdre, pour me troubler, y aura pas de problèmes. Je trouve juste dommage qu'il n'ait fait qu'importer dans son film ce qu'il a cru voir ailleurs, qu'il ne l'ait pas fait sien, alors que tous les grands réals du cinéma de genre on su faire des films entiers, où l'horrifique/fantastique était autre chose qu'un insert évènement en soi, comme accolé en bonus. C'est moyen de voir le film, quand il passe en mode "genre", s'arrêter de penser pour se transformer en parc d'attraction (j'exagère à peine), en viscéralité un peu toc : comme si on ne pouvait pas créer de la pensée à partir de ce matériau-là... Ce qui me gêne c'est la façon dont l'horrifique est disqualifié du talent de Bergman - d'où l'impression de condescendance (que je veux bien croire involontaire), ou d'une compréhension un peu limitée du ciné de genre.

Bon, je veux bien croire après que c'est moi qui extrapole, même si je trouve ce défaut assez criant : quoiqu'il en soit, les passages fantastiques n'ont pas fonctionné du tout pour moi, et le reste m'a semblé en pâtir.


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MessagePosté: 02 Juin 2011, 07:40 
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Mufti a écrit:
Note bien qu'on pourrait te renvoyer la même chose dans le sens inverse.

Oui oui pour ceux qui me connaissent... Mais sur le forum je ne critique quasiment aucun film...

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MessagePosté: 02 Juin 2011, 14:54 
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Le Cow-boy a écrit:
Tom, ça t'arrive de regarder des films récents ?...


On pourrait te poser la même question à l'envers.

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MessagePosté: 02 Juin 2011, 14:57 
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Le Cow-boy a écrit:
Tom, ça t'arrive de regarder des films récents ?...


Le Cow-Boy, ça t'arrive de baiser des gonzesses récemment ?


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MessagePosté: 02 Juin 2011, 23:34 
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Tom a écrit:
Je me suis mal fait comprendre : ce que je reproche à Bergman, c'est de ne pas prendre en charge - qu'il utilise son savoir-faire pour me perdre, pour me troubler, y aura pas de problèmes. Je trouve juste dommage qu'il n'ait fait qu'importer dans son film ce qu'il a cru voir ailleurs, qu'il ne l'ait pas fait sien, alors que tous les grands réals du cinéma de genre on su faire des films entiers, où l'horrifique/fantastique était autre chose qu'un insert évènement en soi, comme accolé en bonus. C'est moyen de voir le film, quand il passe en mode "genre", s'arrêter de penser pour se transformer en parc d'attraction (j'exagère à peine), en viscéralité un peu toc : comme si on ne pouvait pas créer de la pensée à partir de ce matériau-là... Ce qui me gêne c'est la façon dont l'horrifique est disqualifié du talent de Bergman - d'où l'impression de condescendance (que je veux bien croire involontaire), ou d'une compréhension un peu limitée du ciné de genre.

Bon, je veux bien croire après que c'est moi qui extrapole, même si je trouve ce défaut assez criant : quoiqu'il en soit, les passages fantastiques n'ont pas fonctionné du tout pour moi, et le reste m'a semblé en pâtir.


Mouais, il y a un côté bipolaire à ce film. L'horrifique/fantastique ne semble pas faire corps il est vrai. Mais pour moi, les scènes avec le couple ne seraient pas aussi fortes s'il n'y avait pas la présence de ces éléments horrifiques extérieurs qui agissent un peu comme des corps étrangers non voulus par le couple et que ce dernier tente d'occulter (les fantômes du passé, le désir bestial, les pulsions de mort). Dans leur séparation distincte, j'ai senti que ces deux univers se nourrissaient.

Et je ne suis pas certains que le mot "horreur" serait juste dans le cas de ce film, tant ces éléments me sont apparus avant tout comme une imagerie poétique.

Je te conseille de le revoir. Moi, j'y ai mis plusieurs écoutes avant que le film me parle à ce point. Mais j'avoue avoir été un peu déstabilisé par le clash au départ.

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