Forum de FilmDeCulte

Marina Abramović redéfinit l'art depuis près de quarante ans. Utilisant son corps comme médium, dépassant ses propres limites - quitte à risquer sa vie - elle crée des performances qui choquent, provoquent et émeuvent.
Alors qu'elle se prépare pour l'un des événements majeurs de sa carrière, une rétrospective au MoMA de New York, Marina va enfin pouvoir répondre à la question qui lui est posée sans relâche: en quoi est-ce de l'art?

Après le succès du doc sur Gerhard Richter, les fascicules d'expositions semblent avoir de beaux jours devant eux. Rares sont les artistes qui ont réussi à se faire un nom dans le domaine de la performance, si ce n'est peut-être Sophie Calle en France. Ce documentaire HBO à la forme quelconque retrace dans sa première moitié la carrière d'Abramovic, sexagénaire assez splendidement gaulée, puis dans la (trop longue) seconde cette fameuse installation où l'artiste confrontait son regard à une personne du public en face-à-face assise sur une chaise pendant deux mois et demi, qui a consacré l'artiste et où se bouscoulaient groupies et people (plein de VIP y sont passés comme Huppert, ici on voit défiler Orlando Bloom et James Franco). Plus que les ragnagnas d'artistes contemporains d'une infinie vacuité, ce doc me laisse surtout une impression d'embourgeoisement. Pendant toute la partie retro, on voit Abramovic jeune mettre son corps en danger, jouant avec des couteaux en se scarifiant le nombril, s'amuser avec des épingles à deux milimètres de son oeil, gambadant à poil en se cognant ou en forçant l'audience à se frotter à son corps nu pour passer par l'embrasure étroite d'une porte, vivant cinq ans sans aucun moyen de subsistance dans une camionette exigue. Et voilà qu'arrivé à quarante ans, plaquant son compagnon, madame découvre une nouvelle vie dans la haute couture et les fringues de créateurs, fait du théâtre parce que ça rapporte plus que les pécadilles de musée, et rembarre tout observateur non conforme à la new yorkaise qui chiale en faisant boum boum avec son coeur à son expo de la Moma, viré manu militari par la sécurité ou traité de weirdo par son staff, si celui venu se poser face à son siège agit de travers (une nana qui se fout à poil, un autre qui place un miroir sur son visage). La punk frondeuse serait-elle devenu une cougar modasse aseptisée avec la reconnaissance?
3/6

Oui très bien vu ce que tu dis sur l'embourgeoisement c'est exactement ça. Elle le dit elle même d'ailleurs elle ne veut plus être "alternative" et on sent un énorme besoin de reconnaissance. Effectivement entre ses débuts extrêmes et sans compromis et cette expo finale où finalement elle se met très peu en danger (même si je reconnais la performance physique) il y a un monde. Il n'y a qu'à voir à quel point elle devient une espèce de rock star où l'on fait la queue des jours entiers pour espérer pouvoir s'assoir en face d'elle, où l'on chiale rien qu'en la regardant, où la performance devient uniquement un petit jeu ultra narcissique et mégalomane. C'est saisissant d'autant que le personnage de son mec qui n'a jamais cherché la célébrité ou la fortune montre bien le contrepoint total de cette forme de dérive. D'ailleurs effectivement elle vit plus dans un monde de célébrités avec ses lèvres et ses pommettes gonflées au botox, son énorme loft à New York, sa maison de campagne et ses virées à Paris pour s'acheter des fringues avec son assistant qui la suit comme un petit chien. C'est vraiment je trouve la partie la plus intéressante du doc.

Parce qu'à côté de ça la forme est quand même limite catastrophique. C'est vraiment du documentaire zapping où l'on te résume sa carrière (mal d'ailleurs) en 10 minutes (alors que j'aurais bien aimé voir des performances in extenso) avec un montage très aléatoire qui passe très vite sur tout (notamment ce moment pourtant très intéressant avec les jeunes qui viennent faire un séminaire chez elle). C'est produit pour la télé à la base (HBO), c'est d'ailleurs un peu surprenant de retrouver ça au cinéma. Et puis ça manque totalement de fond, j'aurais aimé qu'on parle de l'actionnisme viennois (les précurseurs de ce qu'elle fait), qu'on rentre un peu plus profondément dans la théorie de cet art si particulier. Mais ça reste super léger à tous les niveaux.

Reste une artiste fascinante, l'expo en elle-même est passionnante et vraiment belle (dommage que ce soit récupéré par des pseudos hipsters bidons, gros plaisir d'ailleurs de voir une attention whore totalement conne se faire tej comme une malpropre parce qu'elle a voulu se mettre à poil devant Abramovic) et un portrait de femme intéressant (dommage de pas avoir plus creusé sa relation avec Ulay). Mais bon c'est très petit comme film.

2/6

PS : il était où Orlando Bloom ?

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