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Successful superfucker |
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Inscription: 28 Déc 2006, 21:20 Messages: 8711
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Seule rescapée du massacre de sa famille, causé par leur maison qui s'est mise à vivre et a lancé son contenu sur ses occupants, Niamh, 11 ans, est recueillie par des amis de ses parents. Mais les évènements étranges ne s'arrêtent pas pour autant.Renaissance de Marina de Van, laissée exsangue après l'échec public et critique de Ne te retourne pas qui l'aura menée à l'écriture avec deux bouquins où elle passe à confesse sa schizophrénie et ses addictions. Ce Dark Touch tourné en Irlande possède tous les contours de la commande soignée, mais qui n'en reste pas moins une série B sur des meubles meurtriers, avec tout le grotesque du mobilier qui se rebiffe façon Destination finale chez Ikea. Le pitch bouffon est rapidement contourné pour se plonger sur son personnage enfantin, victime de sévices incestueux par ses parents, et qui finalement commande ses attaques dès qu'elle se sent menacée, revêtissant ainsi des parures carpenteriennes façon village des damnés où les innocentes têtes blondes ressemblent davantage à des sauvageons d'Outreau à qui il ne faut pas compter noise. Si l'ensemble est soigné, il ne captive pas vraiment par son originalité, on attendait peut-être un lien plus nuancé dans l'incommunicabilité entre le monde des enfants et des adultes plutôt qu'une horreur jusqu'au boutiste mais passe-partout et presque grossière venant d'une cinéaste qui semble construire une oeuvre autour de l'analyse de sa propre bipolarité. 2/6 Le film est dédié à Grany, référence que seuls comprendront ceux qui ont lu son deuxième roman-analyse Stereoscopie où elle se livre comme une entité pétri d'angoisses, incapable de se contrôler, à se gaver d'alcool, de cocaïne, de sadomasochisme et de médicaments (le bouquin débute sur la montée des marches de Ne te retourne pas où on apprend, incroyable, que Zad n'était pas la personne la plus beurrée du palais des festivals pendant la projection, et s'achève sur une note d'espoir de façade qui ne semble tromper personne). J'écris entité car la cinéaste se sent constituée d'une sorte de triade formée par son Moi, Marina, et cette Grany. Marina est une instance désincarnée, qui pille, impose des tâches en despote, puise en Moi, dans la masse vitale d'émotions et d'images, d'idées, la matière nécessaire à la production d'oeuvres. Marina est inhumaine, dénouée d'empathie, vouée à la domination de mon être, de Moi, dont elle instrumentalise les forces vives pour assouvir ses ambitions. Elle représente une soif de pouvoir, une soif de productivité, une injonction permanente à la soumission, à ma restriction à la sphère du travail. Elle détruit mon intimité pour la délivrer sans pudeur au regard d'autrui. Ce despote m'opprime, me contraint à m'exposer, l'âme nue. [...] Hors du règne de Marina, hors du travail, je peine à exister en tant que Moi. Mais je me soumets aussi à la maîtrise, froide et impérieuse, de Marina, pour me distancier de Grany, entité séparée de moi, qui me fait peur. Je suis poreuse à l'influence de Grany. Elle menace sans cesse de m'annexer. Elle erre dans les couloirs et ne peut être perçue que dans les miroirs où elle se reflète à ma place, substituant son corps lourd, gauche, et son visage égaré, son regard vacant, à mon propre corps et mon propre visage, que je ne reconnais pas. Grany est un être pulsionnel, dénué d'intelligence, privé de langage, dévoué à la mort et au sang, sans recul, sans jugement. C'est Grany qui m'a parfois possédée, abolie, dans ma jeunesse. Elle m'a automutilée gravement, mangée, tannée. Et elle continue de hanter les miroirs où je ne me reconnais pas durant ces dix jours passés dans l'appartement de mon oncle. Je la vois dans chaque miroir. Je l'entends rôder dans les couloirs. Je sens sa présence comme une odeur, qui est celle du fer, du sang. Parfois, quand je marche, je me sens être elle et mon pas devient traînant. J'ai peur de Grany. En confisquant et en pillant ma vie émotionnelle, Marina empêche l'annexion de ma personne par Grany, rendue possible par la compassion que j'éprouve pour son errance, son esseulement, sa folie morbide.
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