Angels in America
Tony Kushner / Krystof Warlikowski
du 13 au 18 Mai au Rond Point
Enfant chéri du public et de la critique parisienne, Warlikowski (4 mises en scène à l'affiche cette saison dont deux opéras, comme un Wagner en ce moment à l'Opera Bastille) est courageux d'avoir choisi de mettre en scène cette pièce sur la montée du sida et l'effacement des repères religieux et communistes dans une Pologne encore ultra-réac.
Deux hommes se voient annoncer leur maladie. L'un est en couple, mais l'autre va vite se faire submerger par la peur de la solitude et tomber amoureux d'un avocat mormon républicain gay refoulé dont la femme est gavée aux pilules. Le second, avocat véreux hanté d'avoir fait condamner à mort une femme qui revient le hanter tente de masquer sa maladie en cancer.
Warlikowski est décidément un metteur en scène passionnant, incomparable directeur d'acteurs, envoyant ses interprètes halluciner dans l'espace, leur faisant porter des masques de singes comme Lynch le ferait avec des lapins... Melting pot de rêves fiévreux et d'Amérique reaganienne, la pièce est un joyau dans sa première partie, très dense et très inspirée. La seconde, plus mortuaire, est moins passionnante si on a vu le feuilleton télé. J'aurais probablement été transporté si j'avais été vierge de l'histoire, mais pour le coup j'ai vraiment tiqué sur la durée, là où les presque sept heures des scénettes des Ephémères passaient comme une lettre à la poste.
4/6
Cannibales
David Bobée / Ronan Chéneau
Jusqu'au 5 Avril au Théâtre de la cité Internationale
Histoire d'un jeune couple qui se suicide à l'essence dans un loft clairsemé de produits ménages disposés comme une architecture de flacons de parfums. Après un dieu du carnage de Yasmina Reza qui flattait autant le bobo pantouflard que le bourge réac (Alexandra Leclerc devrait songer à en faire un film), il est marrant de voir complètement le contrepied d'un metteur en scène qui se revendique d'un idéal de gauche complètement insouciant et altertout.
Le point faible de la pièce, par ailleurs assez frondeuse dans son mélange de performance, de danse circassienne et d'installations vidéos, est son écriture très simpliste et juvénile, très on est très opprimés et légalisons tous les sans papiers, soyons tous bisexuels et marchons tous la main dans la main. Se voulant de sa génération, Cannibales brasse tous les tics de son époque, des OGM au Sida, du 11 Septembre au 22 Avril, de l'Irak à Villiers le Bel, juste agglomérés comme des sigles qu'on poserait là sans expliciter, juste parce que ça ferait joli. Alors que Ronan Chéneau n'est quand même plus un puceau, il a au moins l'âge de Léo.
Quand ça ne parle pas, c'est tout de suite plus prenant, entre funnambulisme et déclaration d'amour à Spiderman, valse des corps qui se lèvent et qui se couchent... Vraiment dommage que Cheneau s'entête à donner une vision passive de cette pauvre petite jeunesse opprimée à qui on brise tous ces petits idéaux proprets. A quand la pièce de la maturité?
3/6
Une souris verte
Besset / Revol
Une attachée de presse aux dents qui rayent le parquet fait des pieds et des mains pour masquer l'homosexualité de sa jeune star montante qui s'amourache d'un gigolo, dont sa meilleure amie est par ailleurs folle amoureuse.
Voilà une pièce qui cumule les principaux tics du théâtre privé: vociférer les répliques et brusquer toute gestuelle. Enfin c'est surtout plus une affaire de talent car Raphaëlline Goupilleau, véritable star de la pièce avec son rôle sur mesure taillé dans les critiques acerbes fait merveille avec sa voix très balibarienne. Les trois autres sont pas crédibles du tout: la seconde nana est sans doute la soeur cachée d'Alexandre Lamy, Edouard Collin qui s'est pourtant envoyé toutes les grosses bites de tout Paris n'est jamais crédible en tapin sensible qui tombe amoureux d'un Arnaud Binard par ailleurs cent mille fois mieux gaulés que lui, musculature de nageur à l'ancienne. Quand Goupilleau n'est pas là, on s'ennuie sec, condamné à subir le concours de cul des deux interprètes masculins.
2/6