Un opéra fou de Matthew Barney censuré au Châtelet?
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Le milieu parisien de l'art contemporain avait noté depuis longtemps la date sur ses tablettes : du 14 au 16 février, le Théâtre du Châtelet devait accueillir un "opéra" des plus atypiques, intitulé Le Facteur temps. Au rendez-vous, une quinzaine de plasticiens d'envergure internationale, du Scandinave Olafur Eliasson à la Française Dominique Gonzalez-Foerster, en passant par l'Ecossais Douglas Gordon.
Mais Paris devra encore attendre avant de découvrir cette curiosité imaginée par le plasticien Philippe Parreno et son compère Hans-Ulrich Obrist, commissaire d'exposition : en décembre 2007, ces derniers ont appris "par des on-dit" que le spectacle était reporté. Sine die. Les rumeurs se mettent alors à courir : certains se pressent de crier à la censure.
Il faut avouer que, parmi quelques perles poétiques – comme la partie d'Anri Sala, quatre sopranos en kimono –, ce spectacle insolite recèle quelques scènes chaudes. Dans sa mise en scène délirante, l'affolant Américain Matthew Barney orchestre la tentative d'accouplement d'un taureau (déguisé en dieu égyptien) avec une bagnole fracassée, convie deux "pisseuses" et une contorsionniste livrée à une auto-pénétration anale.
Censure ? Responsable de la décision du report, Jean-Luc Choplin, directeur du Châtelet, s'en défend ardemment : "Tout cela m'a plutôt amusé qu'autre chose, raconte-t-il, quand j'ai découvert le spectacle l'été dernier au Festival de Manchester, avec lequel nous l'avons coproduit. Dès le début, nous avons soutenu ce projet, dont j'aime beaucoup le concept, même si je pense que le travail n'a pas été assez collectif. Simplement, la performance de Manchester a révélé des dizaines de problèmes techniques. Pour les résoudre, il nous manque 300 000 euros. Nous n'avons trouvé aucun mécène."
Problèmes techniques ? Obrist n'en voit aucun. Jean-Luc Choplin les liste : "A Manchester, beaucoup de bénévoles travaillaient. Tous ces gens, nous devons les salarier. Obrist et Parreno ont un peu tendance à laisser les artistes faire et à arriver au dernier moment ; nous, nous sommes des gens qui faisons, et nous sommes confrontés à des réalités. Par exemple, ne serait-ce que pour importer le taureau de Grande-Bretagne, avec les lois sur les maladies bovines, c'est très complexe." Pourquoi ne pas utiliser un taureau du terroir ? Apparemment, c'est Matthew Barney qui tient à un "rosbif".
Obrist refuse de jeter de l'huile sur le feu : "Aucun indice ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'une censure. Simplement, il est dommage qu'une institution parisienne traite avec un tel mépris des artistes de cette envergure."