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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 10:59 
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Antichrist
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Pendant un temps, j'ai cru que tu parlais du film d'Olivier Dahan.


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:21 
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Léo a écrit:
Un conte de Noël

Ah tiens, plutôt que Rois et Reine ?


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:31 
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Je suis à 16, j'arrive pas à en enlever un autre (déjà beaucoup de sacrifices).
A ma grande surprise 11 américains sur les 16.
L'année 2006 a été absolument énorme.

Le Parfum
Le Nouveau Monde
Les Harmonies Werckmeister
Le Cheval de Turin
Apocalypto
Les Fils de l'Homme
A History of Violence
Le Village
Tarnation
Gerry
Time & Tide
A.I
Chansons du Deuxième Etage
Fight Club
Titanic
Starship Troopers

_________________
CroqAnimement votre


Dernière édition par Art Core le 04 Déc 2012, 11:32, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:32 
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Antichrist
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Tu peux enlever Tarnation.


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:44 
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Marrant, j'ai l'impression que le Conte c'est la même chose en plus fluide, mais avec moins d'impact... Enfin j'aime plutôt bien aussi.

Le mien, qui ressemble en fait beaucoup à mon top 2000', et avec sûrement plein d'oublis (ou des trucs qui changeraient facilement). Me suis interdit les ressorties trop tardives type Totoro.

A l'ouest des rails
Boulevard de la mort
Buongiorno, Notte
Café Lumière
Cure
Dancer in the dark
Disneyland mon vieux pays natal
Elephant
Eyes Wide Shut
Master and commander
Mulholland Drive
Syndromes and a Century
Tabou (Oshima)
The Tree of Life
Le Village

Me manque encore des gros morceaux à rattraper : Be with me, Le Retour, The Descent...


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:45 
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Art Core a écrit:
Le Parfum

Surpris je suis !


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:47 
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Adoration totale pour ce film en effet (même si je suis un peu seul sur le coup).

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CroqAnimement votre


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:47 
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Ça sert d'avoir déjà tout de prêt ailleurs. Moi je fais selon le modèle de Karloff, avec des commentaires inside. Si la longueur du message pose un problème, je supprimerai.


1998

1. Jackie Brown – Quentin Tarantino

Comme si Speedy Quentin prenait conscience de sa propre usure, fatigué de toute la hype l’entourant, il échange la logique accélératrice des opus précédents avec l’inertie, et épouse les états d’âme de ses héros fatigués. Trempé dans une chaude nostalgie, gouverné par une suave indolence et par la plus douce des sensibilités, ce magnifique polar existentiel distille l’émotion fragile et pudique d’un amour qui ne dit pas son nom, et imprime au cœur une marque indélébile. Son plus beau film.


2. The Big Lebowski – Joel & Ethan Coen

Rêveur hirsute, parangon d’oisiveté, le Dude est le Marlowe d’aujourd’hui, traînant sa nonchalance envappée dans une faune californienne sortie d’une rêverie surréaliste, nourrie aux classiques hard-boiled, et où les numéros de Busby Berkeley seraient chorégraphiés à l’Acid. Les frères Coen nous envoient en l’air : leur incroyable flair pour saisir l’esprit déjanté d’une époque, leur sens du détail qui tue, leur génie du tempo, leur galerie de figures truculentes n’ont pas de prix. Cultissime.


3. The Truman Show – Peter Weir

Quelle est la nature du monde dans lequel nous vivons ? Quel envers se cache derrière l’ordre qui le régit, quelle vérité surgit lorsque les apparences, soudain, se fissurent ? Un Dieu aux cinq mille yeux surveille le héros, des millions d’autres, anonymes, aliénés par le spectacle et l’identification, y projettent leur existence. En racontant l’aventure de son Truman, l’explorateur qui cherche à abattre les murs invisibles de sa condition, Weir nous invite à la plus vertigineuse des allégories.


4. Titanic – James Cameron

Film de rêve et de mythologie, défi lancé à tous les cynismes avec les armes intemporelles d’un romanesque fervent, éteint depuis David Lean. Cameron invente des images inouïes, le raccord du présent et du passé comme l’os de 2001, les richesses de l’ancien monde engloutis par les flots, les dizaines de corps frigorifiés que la mer n’a même plus la force d’avaler, le diamant rendu à l’océan qui emporte Rose, comme Lucy Muir autrefois, et scelle son union éternelle avec l’amour de sa vie.


5. Starship Troopers – Paul Verhoeven

Au premier abord, un spectacle SF qui déboîte à chaque plan, quelque part entre tract guerrier (pile, emphase martiale) et manifeste esthétique (face, texture grouillante des images pixellisées). En réalité, un geste politique d’une décapante subversion, démontant avec une férocité carnassière l’Amérique impérialiste de Bush et de CNN – celle-là même dont les armées revêtent un uniforme noir et un sigle proche de la swastika nazie. Au final, un pied-de-nez à l’iconoclasme incendiaire.


6. Festen – Thomas Vinterberg

Il faut oublier les anti-ornementations un peu trop médiatiques du Dogme pour apprécier ce coup d’éclat à l’aune de ce qu’il est vraiment : une dissection implacable, nourri d’une ironie grinçante, des horreurs domestiques et du poison étouffant des secrets. La thérapie familiale orchestre un crescendo dramatique ahurissant ; Vinterberg s’y approprie la saine colère de son héros hamletien, y lézarde le rituel bourgeois, le détraque et le débusque dans sa lâcheté et son hypocrisie. Très fort.


7. Conte d’Automne – Éric Rohmer

L’automne est la saison de la plénitude inquiète, qui succède à l’été des jeunes filles en fleurs. Celles-ci ont vieilli, et c’est un exquis plaisir de retrouver Béatrice Romand et Marie Rivière dans un de ces marivaudages lucides et ludiques dont l’auteur a le secret. Le bonheur du verbe, la beauté des vignes du Rhône, la sérénité un peu mélancolique et cette impression d’évidence absolue qui transparaît à chaque image : la petite musique de Rohmer, grave et légère, si subtile, si essentielle.


8. Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal – Clint Eastwood

Arioso dolente, souplesse d’une caméra qui s’imprègne des volutes vénéneuses de Savannah, se déplace entre les tombes et les riches demeures, mêle présent et passé, salit le propre et lave l’impur. L’éclatement de la narration, le roulis entêtant du récit qui puise dans la chronique provinciale, le film noir alangui, la parabole sociale, offrent un nouveau visage à ce qui ne cesse de préoccuper l’auteur : l’exploration de l’Amérique contemporaine, mise à l’épreuve de tous les régimes de vérité.


9. Les Fleurs de Shanghaï – Hou Hsiao-hsien

Un bordel de Shanghaï, à la fin du siècle dernier. Hou capte le grésillement humide des pipes d’opium, les robes lourdes des courtisanes faussement soumises aux noms de bijoux, les rites des hommes entre eux et les silences des femmes entres elles, dans une fascinante et infinie réitération de séquences rougeoyantes qui traquent la violence des sentiments et l’étouffement des hiérarchies sociales. Filmée en apesanteur, comme emportée par la fuite des jours, une œuvre d’un raffinement rare.


10. La Vie Rêvée des Anges – Érick Zonca

Parfois Zonca souligne un peu les choses, force la note, fait primer le discours (social, notamment) sur le mouvement naturel du récit. Mais ces micro-réserves ne pèsent rien face à la sincérité rugueuse et aux élans de tristesse débordant de cette romance des rues. Comme chez Pialat, c’est le tremblement des corps, les débris d’illusions, les arythmies des regards qui guident une expression à fleur de peau, et c’est la lumière cruelle des parcours qui s’entrechoquent que l’on emporte avec nous.



1999

1. La Ligne Rouge – Terrence Malick

On voit le caïman, dragon du jardin d’Éden, s’immerger dans les flots. On surprend une faune émergeant du vert absolu des arbres comme d’une Dame à la licorne tropicale. On pleure une terre aux splendeurs violées, devenue lunaire sous la mitraille, et la peur des soldats qui n’ont comme viatique que de fugaces éclats de rêve. Traversée par un souffle cosmique, cette cathédrale de lumière, de consciences et d’incantations replace la destinée humaine dans le cycle éternel de l’univers.


2. Eyes Wide Shut – Stanley Kubrick

Cosmogonie du XXè siècle, radioscopée à travers la lorgnette d’un couple de bourgeois désaccordés. D’un cérémonial décadent où s’épuisent les vestiges de la représentation capitaliste à l’intimité de la chambre à coucher, Kubrick explore un vaste et mystérieux continent, montre le vacillement d’un héritage culturel confronté à des pulsions incontrôlables et la force d’un amour qui s’égare avant de se retrouver. Signer un monument aussi définitif en guise de révérence est digne de son génie.


3. Une Histoire Vraie – David Lynch

Il s’appelle Alvin Straight, il a 73 ans, pétille d’un œil de galopin malicieux et se lance dans un ultime voyage au ralenti pour retrouver son frère. Sagesse de l’âge et foi en la jeunesse, champs de blé baignés dans le soleil automnal, altruisme sans fard d’une humanité généreuse, bonheur vagabond de la traversée champêtre, douce sérénité d’une odyssée en accord avec le temps et les êtres, que Lynch filme avec son œil pictural, sa bienveillance chaleureuse, son lyrisme à nul autre pareils.


4. Le Projet Blair Witch – Daniel Myrick & Eduardo Sanchez

Au plus profond d’une forêt du Maryland, les peurs archaïques prennent forme. La nuit exhale des gémissements lointains, des craquements produits par l’humus, des mouvements invisibles, là, dans l’ombre, juste au-delà de ce que l’œil perçoit. Je ne me suis jamais remis de cette terreur blanche, de ces rires entendus derrière la toile de tente, de ces fagots vaudous retrouvés au matin, de cette bicoque perdue au fond des bois, avec ses traces de mains aux murs et ses maléfices à glacer le sang.


5. New Rose Hotel – Abel Ferrara

Film-puzzle, film-cerveau comme on dit aujourd’hui, conçu en une agrégation d’éléments a priori disparates mais nourrissant la même matière vénéneuse et mémorielle. D’une obscure histoire d’espionnage industriel à l’ère cyberpunk, Ferrara tire un poème désespéré, bardé de fulgurances, où il entrelace les régimes d’images comme autant de franges de la conscience, et où il porte à la plus évanescente abstraction remords et ressassements d’un homme emprisonné dans le souvenir d’un amour fou.


6. Sombre – Philippe Grandrieux

Le film s’ouvre sur une assemblée d’enfants poussant des cris de terreur délicieuse devant un théâtre de marionnettes. Puis il plonge dans les ténèbres d’une nuit hantée par des pulsions de mort et de fuite, des battements de cœur et des halètements affolés. Calme pernicieux d’un lac, jeune vierge et loup terrifiant, plastique en clair-obscur et bande-son ensorcelante, lourde terre et eau scintillante… Ce conte envoûtant, à la fantasmagorie maléfique, retrouve la force primitive du cinéma muet.


7. Tout sur ma Mère – Pedro Almodovar

Un zeste d’Opening Night, une pincée de De Palma, le souvenir d’Un Tramway nommé de désir. Mais surtout l’univers fantasque et insolent d’Almodovar, qui accélère et amplifie les choses de la vie en un cataclysme d’amour et d’utopie. Sur des décombres, des terrains vagues, des hôpitaux, au milieu des morts du sida et de la dope, le cinéaste édifie son éloge de la bonté, élève la figure de la pietà à sa sauce personnelle, le long d’une pure tragédie qui s’achève en happy end.


8. Ça commence aujourd’hui – Bertrand Tavernier

État des lieux dans une maternelle du Nord, ce pays où l’on hérite d’un tas de cailloux et du courage qui va avec pour le soulever. Malgré la misère, les règlements aveugles, la hiérarchie pesante, le quotidien est parfois ensoleillé par la douceur des comptines et la promenade des enfants soudain déguisés en lutins pour escalader la colline des crassiers. Cinéma de chaleur et de colère, qui remue et indigne, incite à l’engagement avec les armes d’un humanisme généreux. Du grand Tavernier.


9. Karnaval – Thomas Vincent
Dunkerque, en plein carnaval. Le cri cuivré des fanfares, les vapeurs de la bière qui coule à flot, l’éphémère passivité apportée par le déguisement installent dans une étrange et surréelle euphorie. Au cœur des cris et des éclats de rire, comme portée par l’énergie un peu monstrueuse de la foule en fête, nous est racontée la chancelante histoire d’une rencontre mi-amicale mi-amoureuse, calée sur les pulsations d’un trio emporté par le rythme emballant de la vie. Formidable premier film.


10. Un Plan Simple – Sam Raimi

Sam Raimi a le goût du burlesque saignant et des situations tendues jusqu’au point de rupture. Il a aussi la caméra un peu prompte à faire étalage de sa virtuosité, et c’est lorsqu’il souscrit à la plus rigoureuse sobriété qu’il franchit la ligne séparant le bonimenteur doué du cinéaste talentueux. Thriller au cordeau, dénudant la rapacité et les turpitudes de l’Amérique profonde au fil d’une implacable spirale meurtrière, ce bijou d’humour noir fait claquer une vénéneuse acidité.



2000

1. In the Mood for Love – Wong Kar-wai

Hong Kong, années 60. Un homme et une femme fragilisés par l’adultère de leurs époux se rencontrent, se frôlent, s’aimantent en un langoureux tango du désir et de l’attraction. Au sommet de son expression sensualiste, WKW poétise l’ivresse de l’accord amoureux et la frustration du renoncement, infiltre de grâce et de mélancolie chaque plan de cet envoûtant et soyeux ballet d’étoffes, de gestes, de regards sur fond de tapisseries à fleurs, aussi poignant que les plus beaux mélos de l’histoire.


2. Yi Yi – Edward Yang

C’est l’histoire d’un quadragénaire qui retrouve un amour de jeunesse, d’une adolescente déprimée, d’une vieille femme qui se meurt sans un bruit. C’est l’histoire de tout un chacun, qui caresse par sa structure musicale et sa sérénité, subjugue par la subtilité calligraphique de ses accords et de ses entrelacs. Cette magnifique fresque chorale et impressionniste est aussi vaste et variée, aussi calme et agitée que la vie ; son harmonie touche à la complétude dans ce qu’elle a de plus universel.


3. Révélations – Michael Mann

L’esthète Michael Mann grave en lettres d’or sa foi en un cinéma d’engagement citoyen et démocratique, et donne un tour de vis à ses ambitions formelles. Épique, le suspense d’investigation implique la politique, le social, l’humain, dresse l’instantané du capitalisme américain, des collusions complexes entre lobbies industriels et information, liberté médiatique et conscience individuelle, et célèbre la croisade amère de deux chevaliers isolés dans le même combat. Du très grand cinéma.


4. Princesse Mononoke – Hayao Miyazaki

Il y a la glorieuse cohorte des sangliers marchant vers une ultime bataille. Il y a San, la fille-louve qui rejette son humanité, et dame Eboshi, flamboyante d’ambigüité. Il y a ces lucioles balayées par le vent, ce Dieu-cerf qui règle l’ordre du monde, cette symphonie de masques, d’animaux et de farfadets, ce souffle épique qui mêle chaos et féérie, conte shintoïste et tragédie shakesparienne. Il y le génie absolu de Miyazaki, qui signe un chef-d’œuvre digne de Kurosawa et de Mizoguchi.


5. Man on the Moon – Milos Forman

Andy Kaufman était un trublion facétieux jouissant à mettre l’Amérique le nez dans ses contradictions. Ou peut-être un simple d’esprit que le hasard a fait passer pour un génie. Ou encore un agitateur dadaïste, un farceur conceptuel… Forman épouse les insaisissables trompe-l’œil de sa vie en autant de méandres et de double-fonds, pousse jusqu’au vertige la réflexion sur l’ambigüité de la vérité et la relativité de toute représentation. Last but not least, Jim Carrey n’a jamais été aussi dément.


6. The Yards – James Gray

James Gray, 30 ans, réunit monstres sacrés et jeune garde – ce trait d’union entre héritage et modernité qu’il est l’un des rares à assurer. Patronages prestigieux : Le Parrain 3 pour la construction opératique et les préoccupations (liens familiaux et crime organisé), Visconti pour le raffinement plastique, De la Tour pour l’ocre somptuosité de la lumière. Le résultat est à leur hauteur : un film noir majestueux, au lyrisme funèbre et aux larmes rentrées, serti dans le marbre des classiques.


7. Toy Story 2 – John Lasseter

Dire d’abord les cascades de rire que me vaut cette étourdissante parade d’idées folles et de clins d’œil malicieux, du (faux) Buzz lancé dans une délirante opération commando à la Barbie plastifiée dans sa chirurgie faciale. Rappeler ensuite à quel point, sous l’euphorie du divertissement, effleure l’inquiétude de nos héros, confrontés à la menace de l’oubli. Chanter enfin l’humanité qui transparaît sous les habits déglingués de ces jouets, liés par une fidélité et un sens de l’amitié à pleurer.


8. Virgin Suicides – Sofia Coppola

L’adolescence est-elle une prison dorée, dont les supplices et les délices agissent comme autant d’anesthésiants fatals ? A en croire le premier long-métrage de Sofia Coppola, aussi entêtant et volatile qu’un songe, on n’a aucun mal à y croire. Avec ce délicat coup de maître, la réalisatrice manie sa caméra comme un pinceau, éclaire le mystère d’une tragédie trempée dans une grâce mortifère, une suavité alanguie, et dit la secrète détresse de ses nymphes évanescentes emportées par la mélancolie.


9. Erin Brockovich – Steven Soderbergh

Quel régal. D’une success story édifiante, Soderbergh extrait des gerbes d’euphorie qui tutoient les comédies pétillantes de l’âge d’or hollywoodien, notamment dans la complicité taquine et les étincelants ping-pongs verbaux du duo Roberts/Finney. Nulle lourdeur pontifiante à l’œuvre ici, car l’histoire d’Erin est racontée avec cet humour mutin, cette lucidité joueuse, cet enthousiasme lumineux qui rendent possibles toutes les utopies, et qui font gonfler le cœur de plaisir et d’excitation.


10. High Fidelity – Stephen Frears

Le talent de Frears est protéiforme et s’adapte à toutes les entreprises, mais il est rarement aussi performant que dans la comédie de mœurs, carburant au détail rigolard, à la notation croustillante, à l’allusion sensible. Son adaptation du roman de Nick Hornby, où s’invite toute une palanquée de guest stars savoureuses, swingue entre humour et tendresse en maniant l’acuité d’un regard très juste sur les atermoiements sentimentaux d’un éternel adolescent peu enclin à la maturité.



2001

1. Mulholland Drive – David Lynch

Hollywood et ses mirages, deux actrices-déesses enfantées par la musique des sphères, des larmes et des caresses, des peurs et des fantasmes, l’extase et le chagrin d’une sublime histoire d’amour au lyrisme éperdument romantique. Ma vie a changé lorsque j’ai entendu ce chant triste à mourir, découvert ces images hypnotiques, vacillantes, sensuelles, tenu la main de cette petite blonde au sourire angélique, abîmée par l’usine à rêves. Nouvel Éverest du cinéma, dont l’émotion pure étoilera à jamais mon firmament.


2. La Chambre du Fils – Nanni Moretti

Trouver au quotidien la force de continuer malgré la perte vécue comme une amputation, depuis l’instant où tout a basculé. Revivre cet instant, celui que l’on aurait pu éviter, ressasser sa culpabilité, refuser l’arbitraire qui enferre dans la souffrance. Moretti fixe tout cela, lui donne consistance et tangibilité. Patiemment, avec tact et compréhension, il filme le lent cheminement d’un travail de deuil, accompagne ses personnages jusqu’au rivage d’un apaisement enfin atteint. Bouleversant.


3. Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l’Anneau – Peter Jackson

L’imaginaire est un vaste continent que chacun s’est approprié en lui apportant sa part irréductible de rêve et de merveilleux. Ce premier volet de l’adaptation de Tolkien lui rend gloire : c’est un prodige d’émotion et d’équilibre, une gageure impossible dont on sort avec la certitude de tenir un mètre-étalon, pour des années à venir. Dans sa féérie et son ensorcelante poésie de la terreur, dans le bruit et le fracas de ses hauts faits, la fresque transporte au-delà des espoirs les plus fous.


4. Traffic – Steven Soderbergh

Dans une logique de circulation permanente, Soderbergh éclaire le fonctionnement d’une hydre planétaire et rampante, le gigantisme d’un fléau social et économique qui s’étend aux portes de l’Occident. S’imaginer l’éradiquer est une chimère, mais quelques soldats désarmés arrachent de cette guerre perdue des miettes de victoire justifiant leur magnifique utopie – si la drogue s’étend, si les narcotrafiquants restent intouchables, la lumière finit par éclairer les enfants du stade de Tijuana.


5. Seul au Monde – Robert Zemeckis

A un moment, Tom Hanks soliloque sur la notion du temps, s’interroge sur sa relativité – qu’est-ce qu’un jour ? un mois ? une année ? Tout l’enjeu du film est là, qu’il exploite avec une audace et un sens de l’épuration narrative assez prodigieux. Zemeckis a tout compris de Defoe : il s’agit de changer d’échelle, revoir ses standards de nécessité, faire de la moindre entreprise une épopée captivante, entretenir l’imaginaire qui sauve (un ballon est un ami précieux, on y croit). Passionnant.


6. Roberto Succo – Cédric Kahn

Comme les flics incrédules essayant de décrypter la logique imprévisible du tueur sur la carte, on est bousculé, confronté aux manifestations chaotiques d’une pure altérité. Ce que Cédric Kahn nous fait ressentir à travers cette analyse behavioriste et clinique, fuite en avant reconstituée au travers de pièces à conviction concrètes mais bardée d’ellipses et de trous noirs, c’est un insondable mystère, celui du règne des affects et des pulsions incontrôlés, qui oblitère tout jugement rationnel.


7. L’Emploi du Temps – Laurent Cantet

A la fin, lorsque le héros rattrapé par la logique économique se coule dans le moule asphyxiant de la norme, le couperet tombe. Conclusion logique d’un suspense souterrain qui dévoile l’envers de notre société cannibale, et à travers lequel Cantet poursuit son exploration entomologiste de l’aliénation au monde du travail et à la position sociale, seuls facteurs de reconnaissance. La forme serrée, le sens du non-dit, la soustraction des effets témoignent d’une maîtrise sans faille.


8. Loin – André Téchiné

La terre chaude du Maroc inspire Téchiné. Dans le grouillement fiévreux de Tanger la cosmopolite se rencontrent l’adolescent devenu adulte des Roseaux Sauvages, une jeune femme impétueuse, fière de son indépendance, et de jeunes démunis engoncés dans la misère, candidats à l’exil français. Avec cette éthique du regard et cette attention presque sensualiste à la vie intérieure qui le caractérisent, le cinéaste apporte un autre superbe chapitre, vibrant d’énergie solaire, à sa peinture sociale.


9. L’Anglaise et le Duc – Éric Rohmer

Rohmer n’a pas peur d’être correct, politiquement s’entend. Il filme la Révolution à travers les yeux d’une aristocrate anglaise royaliste, comme un cauchemar qui inverserait les valeurs de barbarie et de civilisation. Et pour faire briller ses stratégies intellectuelles et ses jeux d’amitié, il revient à une enfance pure du cinéma, aux toiles peintes du commencement. Accord parfait entre une esthétique originale et un propos suprêmement affûté : le grand Momo évolue dans la continuité.


10. Millennium Mambo - Hou Hsiao-hsien

Tanguant au cœur d’une nuit saturée de néons futuristes, perdue entre la projection de souvenirs diffractés et d’instants mouvants, la frêle Vicky vit dans une conscience altérée, passe d’un amant possessif à un autre protecteur. De la piste de danse supersonique au calme d’une province enneigée, HHH accompagne ses moments d’abandon ou d’accélération, les trépidations de son cœur insatisfait qui a perdu jusqu’au désir du jour, en favorisant une hyper-sensorialité aussi brumeuse qu’un rêve.



2002

1. Parle avec Elle – Pedro Almodovar

Douceur des soins prodigués au corps, larme perlant de l’œil à l’éveil d’un souvenir douloureux, mots chuchotés à l’oreille de la patiente aimée ou de l’ami en détresse, comme autant de baumes affectueux. La texture charnelle des images respire comme la belle endormie, le lyrisme feutré se nappe du voile déchirant du deuil et du renoncement. Almodovar entrelace les récits avec le soin d’un vannier, relie les lignes de vie en un magnifique échafaudage de passions retenues et de douleurs rentrées.


2. Le Pianiste – Roman Polanski

Polanski a connu le ghetto, il y a survécu et en a gardé la terreur et l’incompréhension de l’enfance face à la barbarie. La progressive abstraction du film, qui fixe cliniquement l’abjection nazie puis glisse dans une réalité de plus en plus étrange et ralentie, c’est l’expression de son angoisse existentielle. Le regard hébété de Władysław Szpilman, être seul, démuni, dernier Juif de Varsovie errant dans les ruines d’un monde sur lequel il ne pèse plus, c’est le sien. Une œuvre indispensable.


3. Signes – M. Night Shyamalan

Auréolé d’une réputation de petit génie à Hollywood, Shyamalan pose la clé de voûte d’une des filmographies les plus stimulantes du cinéma américain de la décennie. Il y a tant à admirer ici : la maîtrise confondante du hors-champ, le tempo doucereux qui dispense l’angoisse au compte-gouttes, la faculté à élever un récit minimaliste en interrogation inquiète sur la place de chacun dans ce monde, la probité du regard posé sur des personnages perclus de doutes mais liés par le même amour.


4. Le Voyage de Chihiro – Hayao Miyazaki

Il faudrait inventorier tous les prodiges graphiques, toutes les proliférantes visions de rêve ou de cauchemar que Miyazaki déploie devant nos yeux écarquillés, mais ce serait citer le film entier et affadir un charivari ébouriffant conçu pour l’écran seul. On se contentera de rappeler qu’avec cette sublime odyssée animiste, c’est toute la quête de l’enfance qu’il poétise, ses angoisses, ses émerveillements, et cette perte irréparable qui ouvre sur le plus magique de mondes inconnus – l’avenir.


5. Ten – Abbas Kiarostami

Kiarostami réduit son cinéma à ses composantes essentielles et abat ses cartes une à une pour appréhender le spectre de la société iranienne. Dix cartes, dix séquences : dispositif radical, mais résultat prodigieux d’intensité, constamment passionnant, car du filmage de la parole découle une dramaturgie singulière qui réinvente la question du regard, donc de la mise en scène. Cette proposition, tout à la fois politique, humaine, conceptuelle, demeure l’une des plus stimulantes de la décennie.


6. Ghost World – Terry Zwigoff

Monde-fantôme que la ville à l’indifférence hostile où vivent Enid et Rebecca, ces jeunes filles liées par une longue amitié, dont les trajectoires vont peu à peu s’éloigner. Zwigoff trempe son portrait dans l’acide mais c’est bien sa douce et compatissante mélancolie qui touche le plus : ce bijou s’inscrit dans les plus belles chroniques d’adolescence, le long d’un récit aux aspérités tendres et ironiques – le chemin est long pour monter dans le bus qui emmène sur sa ligne de vie personnelle.


7. Le Fils – Luc & Jean-Pierre Dardenne

Jamais peut-être le cinéma des Dardenne n’aura atteint un tel point de rencontre entre la matérialité la plus brute et l’expression la plus dépouillée d’un cheminement spirituel. Les gestes et les souffles comme autant de sentiments, le travail du bois, les mains caressant les poutres polies, les outils maniés avec soin, comme des mots… Tout cela retranscrit l’intériorité d’un homme dont la présence au monde panse les blessures, l’amène vers l’apaisement, la réconciliation, le pardon. Puissant.


8. Gosford Park – Robert Altman

En salon un florilège d’aristocrates vaniteux, derniers vestiges d’une noblesse croupissante – baderne dure d’oreille, langues de vipères, vieux phallocrates raidis. A l’office, leurs valets, rejouant par effet de miroir autant de petits théâtres d’un jeu social marqué par l’hypocrisie, le mensonge, le faux-semblant ou la frustration. Avec son sens mordant du détail caustique et la précision d’un horloger suisse, Altman nuance le tableau de mœurs d’une densité humaine au-delà du jugement moral.


9. Minority Report – Steven Spielberg

Retour aux affaires pour Spielberg. Étourdissante souscription à ce qui fait le meilleur de son cinéma : le sens de la dynamique et du mouvement, l’élégance des formes et la fulgurance des visions, dans un idéal de limpidité narrative qui saute d’un rebondissement à l’autre. Pas de sentimentalisme lacrymal ni de stabilo pontifiant. Paradoxes et questions morales (la matière est riche, les enjeux passionnants) se développent avec un sens harmonieux du spectacle réflexif. Enthousiasmant.


10. Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours – Peter Jackson

L’épopée s’amplifie, se ramifie, gagne en emphase et en intensité avec l’éclatement de la communauté. Il arrive d’ailleurs que Jackson en rajoute dans les trompettes de l’héroïsme pompier, façon last warrior of freedom, mais c’est peanuts face au souffle de l’ensemble, à la sûreté du langage employé pour traduire les nœuds complexes de la narration, et aux enluminures d’un univers visuel somptueusement développé. Une authentique chanson de geste moderne.



2003

1. Elephant – Gus Van Sant

Palme d’Or rêvée, diamant poli dans la beauté gracile d’un quotidien sublimé dont Van Sant dénude les noyaux mythologiques. Les couloirs où les êtres déambulent, se croisent, se parlent au gré des boucles spatio-temporelles forment comme un labyrinthe hanté par le Minotaure ; le massacre est filmé avec la douceur d’une caresse pour pleurer la grâce botticellienne des adolescents qui meurent. Découpé au laser, ce poème spectral et funèbre constitue la corne d’abondance de son auteur.


2. Mystic River – Clint Eastwood

Dans le quartier irlandais de Boston se joue une tragédie immémoriale dont les secrets finiront immergés sous les eaux dormantes de la Mystic. La culpabilité des hommes, l’instinct de vengeance et la loi du sang, lorsqu’ils ne dévorent leurs victimes expiatoires, sont apaisés par les mots vénéneux d’une lady Macbeth. Eastwood exhume les démons américains le long d’un film noir impérialement maîtrisé, qui s’ouvre tel un conte ténébreux et se referme comme un tombeau.


3. Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi – Peter Jackson

Où PJ enterre entérine définitivement sa capacité à synthétiser les arcs narratifs engagés, et propulse la conclusion de la trilogie tout là-haut, dans le sanctuaire des rêves de cinéma formalisés – comme une version actualisée de l’Iliade ou de la Bible. Les enjeux se résolvent en une apothéose lyrique enrichie du poids des aventures traversées, la quête des personnages s’achève dans un déluge de visions grandioses, et les pages de l’épopée se referment avec un sentiment d’immense gratitude.


4. Master and Commander – Peter Weir

Pour ressusciter avec un tel panache le souvenir des canonnades et des abordages, des engagements marins et des défis lancés à la tempête, il faut un sacré maître d’œuvre. Weir est celui-ci, qui à la poursuite de l’Achéron, navire paré des brumes de l’enfer, sait réveiller un goût de l’aventure oublié depuis Curtiz et Walsh. Il ménage à l’épopée ses envoûtantes plages de contemplation, sa richesse des caractères, ses éclairs de superstition dignes des plus beaux récits de flibuste. Merci Peter.


5. Chicago – Rob Marshall

Ma plus belle surprise de l’année. Cette tournoyante comédie musicale, hélas oubliée d’à peu près tout le monde aujourd’hui, atomise la presse à scandale, la justice, le show-business avec une féroce causticité. Et si les numéros chorégraphiés envoient au septième ciel (l’étourdissant ballet de marionnettes, pour n’en citer qu’un), c’est pour mieux chanter, le sourire de l’arrivisme et de l’hypocrisie aux lèvres, la joyeuse amoralité d’un monde gangrené par le culte des apparences. Jubilatoire.


6. Bon Voyage – Jean-Paul Rappeneau

Attachez vos ceintures. Rappeneau embarque dans le tourbillon de la débâcle, en juin 1940, sur les talons de personnages ballottés par les bourrasques d’un romanesque fou. C’est proprement éblouissant ; un style virevoltant, un souffle continu, un rythme infernal de comédie emportent tout, y compris la gravité du sujet. Ca va, ça vient, ça court ; on ouvre une porte, tiens c’est Pétain, une voiture roule, tiens c’est de Gaulle. On tutoie la virtuosité, l’élégance, la fluidité d’un grand Hawks.


7. Le Retour – Andreï Zviaguintsev

L’ombre de Tarkovski plane évidemment sur les cadrages majestueux, le lyrisme plastique, la poésie éthérée, la prééminence de l’élément aquatique, la topographie picturale de ce conte allégorique, jusqu’aux prénoms des héros – Andreï, Ivan. Deux jeunes ados quittent la rassurante douceur de la mère pour se confronter à la figure ombrageuse du père, et ce sont tous les cycles de l’enfance, sa crédulité, ses terreurs, ses passions violentes et éphémères, que le film explore. Envoûtant.


8. Le Monde de Nemo – Andrew Stanton & Lee Unkrich

Nouveau challenge pour Pixar : rendre tangibles les volumes labiles, les formes mouvantes et la gracieuse féérie de l’univers marin. Défi remporté haut la main, dans une aventure délirante autour des enjeux de la paternité, de l’affranchissement et de la responsabilité. Entre une dorade complètement cintrée et des mouettes au ciboulot cramé, dans des régals de bleus profonds et de gerbes multicolores, le film fait danser, tambour battant, les notes de la poésie, de l’humour et de l’inventivité.


9. Love Actually – Richard Curtis

L’arsenal de séduction déployé ici affole tous les curseurs de sucre, de miel et de guimauve. Curtis veut enterrer la comédie romantique, alors il y va à fond, réunit le gratin des acteurs british, gave d’optimisme et de féérie son hymne à l’Amour, sous toutes ses formes, et en lettres capitales s’il-vous-plaît. Sous l’emprise d’une irrésistible euphorie, on sort de ce conte de Noël un peu ivre, tout enguirlandé de bonheur, en se demandant par quel miracle il a pu à ce point réussir son coup.


10. La 25è Heure – Spike Lee

New York est à terre, meurtrie dans une hébétude crépusculaire, exhibant les plaies ouvertes de Ground Zero. Le spleen chevillé au corps, Monty décide néanmoins de faire de sa dernière nuit avant la taule une tournée d’adieux portée par l’espoir. Spike Lee réveille l’émotion la plus forte que peut produire le cinéma : de grands acteurs au service de beaux personnages, charriant une humanité blessée mais vivante qui étouffe le poids du regret et du ressentiment sous la force de l’amitié.


Dernière édition par Stark le 04 Déc 2012, 12:43, édité 1 fois.

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MessagePosté: 04 Déc 2012, 11:48 
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2004

1. Gerry – Gus Van Sant

Il est des films conçus de façon presque cosmique mais engageant un dialogue intime avec nos angoisses les plus profondes. Gerry est de ces rares spécimens ; sa collision avec le spectateur propulse ce dernier sur orbite. Revenu aux origines du monde, dans un espace à la fois mental et hyper-physique qui dilate toutes les perceptions, on est le participant actif d’une odyssée du vide, de la perte et de la dissolution – celle de l’amitié, de la présence aux choses, de la conscience d’être vivant.


2. 21 Grammes – Alejandro Gonzalez Iñarritu

Iñarritu est-il un esbroufeur pour festivaliers ? En tout cas, comme un corps humain est irrigué par son réseau sanguin, il s’écoule dans ce puzzle organique tant de flots de compassion brute que sa complainte sur la douleur et la fatalité (et sur la capacité des êtres à les dépasser) atteint l’universalité. Concret mais concerné par la quête spirituelle de ses protagonistes, pathétique mais jamais complaisant, le drame arrache à son époustouflant trio d’acteurs une humanité déchirante.


3. L’Esquive – Abdellatif Kechiche

Marivaux dans les classes de banlieue : rencontre fructueuse et contre-champ radical aux stéréotypes. En accord avec l’énergie bouillonnante de ses jeunes acteurs, le cinéaste accouche d’un éblouissant exercice de langue parlée, trouve l’équilibre entre la lucidité critique et l’optimisme, la finesse de la peinture sociale et le rapport qu’elle entretient avec la représentation. Et si le conte revêt les atours du réalisme, c’est pour imposer la vigueur admirable du geste politique qu’il dessine.


4. Rois et Reine – Arnaud Desplechin

De film en film, le cinéma de Desplechin progresse vers le fantastique. Remontant deux récits parallèles, l’un sous l’égide du drame bergmanien, l’autre celui du burlesque échevelé, le réalisateur plonge dans les entrailles de la famille, en extrait un mille-feuille tourmenté aux multiples brisures, qui radiographie tous les affects menant de l’amour à la haine. Ses changements de braquet perpétuels, ses bifurcations chaotiques, sa vitalité romanesque témoignent d’une inspiration prodigieuse.


5. Saraband – Ingmar Bergman

Des limbes dont il revient après vingt ans de retraite, Bergman ramène l’un des couples fondamentaux de sa filmographie. Les rancœurs recuites, l’inceste voilé, la cellule familiale éclatée trouvent comme un apaisement dans la mosaïque des photographies coagulées qui clôturent le film. Accéder à la vérité des hommes consiste en un art simple de la disposition et de l’effacement : cette œuvre rigoureuse et frémissante comme une ultime confession en porte la philosophie. Un testament magistral.


6. Deux en Un – Bobby & Peter Farrely

Où les frères Farrely tombent le masque, dévoilent comme un aveu ce que cachait leur comique de saturation aux saillies outrancières : soit une tendresse désarmante, une foi sans retenue en la beauté – et même la poésie – de la différence. La force du lien fraternel dicte à la comédie son intransigeant optimisme, l’enchante avec les couleurs vives d’un conte de fées sentimental, et infiltre jusqu’au délire d’un microcosme hollywoodien caricaturé avec bienveillance. Le bonheur absolu.


7. In America – Jim Sheridan

Comme son voisin Ken Loach, que je cite un peu plus loin, Sheridan est de ces cinéastes discrets qui comptent pour moi, par sa faculté à restituer la vérité du lien familial et ses vertus thérapeutiques dans le travail de deuil, par son sens inné à exprimer les manifestations du traumatisme qui empêche d’avancer, ou la valeur de la parole qui libère. On quitte à regret cette petite famille liée dans la perte mais tournée vers l’avenir, avec à la fin la certitude qu’elle a retrouvé le bonheur.


8. Tropical Malady – Apichatpong Weerasethakul

Weerasethakul plonge son regard au fond d’un abîme sans âge. Comme certains grands poètes du cinéma, il cherche à stimuler les zones anesthésiées de notre cerveau, use des sortilèges opiacés des contes et des légendes millénaires pour nous guider dans un voyage somnambulique au bout de la nuit. Les mystères de l’amour et de sa dévoration y trouvent leur exacte expression lors de la rencontre entre l’homme et le tigre, la proie et le chasseur, dans une jungle ensorcelée de début du monde.


9. Just a Kiss – Ken Loach

Ken Loach est un type précieux, imperméable aux modes et à l’étiquette, d’un mépris royal pour les diktats du "grand cinéma." Chez lui priment le respect accordé aux personnages, la foi intraitable en ses valeurs idéologiques, et la juste transcription de la réalité sociale. Dans son éclairage des tensions communautaires et des difficultés de l’intégration, Just a Kiss est de cette eau, avec en prime la superbe histoire d’amour entre deux héros craquants de complicité. Un grand petit film.


10. Les Indestructibles – Brad Bird

Délice de couleurs orangées et du design exotique ou rétro-moderne, élastique fluidité des personnages, gestuelle poétique aussi chorégraphiée que dans une comédie musicale. Faut-il rappeler à quel point les artisans de Pixar, auquel Bird apporte un sens bien à lui du délire contrôlé, flattent la rétine ? Faut-il encore louer la finesse de leur propos, qui met à l’amende tout ce que la concurrence a pu proposer sur les dilemmes des super-héros et les ressources de la famille face au danger ?



2005

1. Million Dollar Baby – Clint Eastwood

La carrière de l’auteur aurait pu s’achever au terme de l’ultime plan de ce mélo définitif, qui coupe les jambes et laisse les yeux noyés. A la fois synthèse et épuration du corpus eastwoodien, le film balaie les idées reçues, vectorise la beauté et l’envers du rêve américain, les dilemmes déchirants de la perte, du remords et de la transmission, le long d’une tragédie intime sculptée dans les ombres, développée avec cette pureté d’expression qui demeure l’apanage des plus grands maîtres.


2. Match Point – Woody Allen

On le croyait perdu mais en une magistrale montée de sève Woody Allen a fait jurisprudence : il ne faut jamais l’enterrer. Sa peinture de l’arrivisme dans un sociotope londonien qui balance entre architecture en verre du business et nobles lambris de la haute bourgeoisie jouxte l’analyse sociale et les affres de l’ambition et de la culpabilité avec la même ironie noire et désenchantée. Polar feutré à la précision chirurgicale, la fable retrouve la veine moraliste la plus cinglante de son auteur.


3. La Guerre des Mondes – Steven Spielberg

L’angoisse que Spielberg a nourrie sur la décennie n’a pas trouvé plus fulgurante expression que dans ce cauchemar visionnaire, où remontent des salves d’images hallucinatoires à la surface de l’œil. Devant la poussière des corps carbonisés et les machines de mort qui les exterminent sous un ciel rouge d’Apocalypse, face aux trains en flammes traversant la nuit ou au chaos qui fait sauter les verrous de la civilisation, les hommes fuient dans un exode rappelant toutes les terreurs de l’Histoire.


4. La Vie Aquatique – Wes Anderson

Heureux le spectateur embarquant avec Zissou et ses acolytes aux rouges bérets coustaldiens dans cette odyssée marine, qui pleure les occasions manquées mais célèbre le temps des retrouvailles. Accepter la main tendue, se pardonner à soi-même, secourir l’ennemi et le reconnaître comme un des nôtres… Anderson est l’un des derniers humanistes, et ce voyage baigné d’une chaleureuse mélancolie, qui fait fondre le cœur, enchante la pupille et ravit l’oreille, en porte la philosophie à quintessence.


5. Hôtel Rwanda – Terry George

On tombe régulièrement sur des films sans grande signature qui brisent la routine des livraisons attendues et dont la force brute frappe droit au cœur. Empoignant un sujet presque impossible, Terry George rappelle à un monde qui préfère fermer les yeux la réalité d’inimaginables atrocités, met son humanisme au service d’un éclairage poignant, défend la norme de la civilisation en adoptant le regard désemparé du héros. On en sort la gorge serrée d’impuissance, hanté par les charniers du génocide.


6. The Descent – Neil Marshall

Lorsqu’un jeune cinéaste décide de frapper un grand coup, avec un respect total aux modèles qu’il convoque, ça donne ça : un shoot d’adrénaline qui cloue au fauteuil du début à la fin. Une heure de claustrophobie pour mettre en bouche. Puis quand le spectateur est à bout, passage à l’échelle supérieure : atomisation des points de rupture, irruption du surnaturel comme exaspération des terreurs, retour du refoulé, déchaînement des pulsions primales. Le genre n’a pas trouvé mieux cette décennie.


7. L’Enfant – Luc & Jean-Pierre Dardenne

Être père, ça veut dire quoi ? Loin de Chaplin et de son kid, le héros vagabond conçoit la naissance du fils comme une manne immédiatement capitalisable. C’est compter sans la rigueur de l’éthique à l’œuvre derrière la caméra, chevillée par un humanisme qui le fera passer de l’inconséquence à l’embrassement des responsabilités, le long d’un suspense moral hypertendu. La lumineuse conclusion, qui redonne au pardon sa valeur et cite explicitement celle de Pickpocket, achève de mettre à terre.


8. A History of Violence – David Cronenberg

Il fallait cette impulsion néo-classique, cet écrin de film noir à la subversive ambiguïté pour offrir un nouvel éclat, sous une forme toujours mutante, aux préoccupations de Cronenberg. Son histoire de violence est celle de la famille qui à la fois protège de l’extérieur et épouse l’altérité, de la communauté porteuse du virus ingéré, du territoire américain qu’il faut remonter, d’Ouest en Est, pour se confronter au frère maléfique et oublié, nid de la corruption originelle. Brillantissime.


9. Cadeau du Ciel – Dover Kosashvili

Les Affranchis dans la communauté géorgienne de Tel-Aviv. Des petits gangsters à la sève débordante plastronnent, s’agitent autour d’un coup juteux, essaient de grimper les échelons d’une structure pyramidale dominée par un parrain moustachu. Le polar est prétexte à un démontage corrosif de cet univers presque féodal, où les rapports sociaux sont cimentés par l’infidélité conjugale, la logique de l’argent, le culte des apparences, et les histoires de cul. Férocement drôle et cruel.


10. Star Wars Épisode 3 : La Revanche des Sith – George Lucas

Les premiers volets étaient pour le moins bancals mais Lucas a su finir en beauté, et rendre hommage à une saga chérie entre toutes. Il trouve la respiration idéale pour traduire les dilemmes de son héros damné par amour, entremêle ses enjeux complexes avec un souffle crépusculaire, gagnant en puissance jusqu’à une conclusion faramineuse qui propulse trente ans en arrière. Lorsqu’enfin le casque de Vador se fixe, l’émotion est si forte qu’on ne veut retenir qu’elle de toute la trilogie.



2006


1. Le Nouveau Monde – Terrence Malick

Au son de l’Or de Rhin, les colons découvrent fascinés la nouvelle terre. Sur les berges, même saisissement des autochtones devant les navires gracieux et redoutés. Séquence enivrante, élevant d’emblée le chef-d’œuvre à un degré de lyrisme épiphanique tenu jusqu’à l’ultime image. Avec cette bouleversante méditation spirituelle, Malick puise dans les vibrations secrètes du monde et l’émerveillement des cœurs la même inspiration astrale, et inscrit son poème symphonique dans le lit de l’éternité.


2. Cœurs – Alain Resnais

Les méduses d’On connaît la Chanson se sont minéralisées, et c’est prises dans les flocons neigeux que Resnais a l’élégance de les ramener à la vie. Car si la mélancolie infiltre tous les recoins de l’image, figeant jusqu’aux décors irréels et aux accessoires insolites, la fantaisie fonctionne à plein, même voilée d’un angoisse funèbre. Dans ce ballet de spectres minés par la solitude frémit la sensibilité d’un auteur toujours aussi attentif au flamboiement des couleurs qu’à la vérité des êtres.


3. Volver – Pedro Almodovar

Qu’elle soit habillée de rouge sang, dans un décolleté pigeonnant, ou vêtue du la sombre couleur du deuil, Penelope Cruz, volcanique et radieuse, est la femme méditerranéenne dans toute son impétueuse séduction, l’héritière des Magnani et des Loren. A travers elle et ses amies, Almodovar chante la ferveur du quotidien et la détresse de l’absence, filme la campagne balayée par la poussière et ses fantômes qui se mêlent aux vivants, avec une générosité colorée qui emporte tout.


4. Paprika – Satoshi Kon

Concevoir la logique des rêves comme une superposition de couches interdépendantes, un système complexe de peurs et de fantasmes qui se nourrissent l’un l’autre et grignotent la tangibilité du réel, un enchevêtrement vertigineux de niveaux de conscience. L’ambition est folle, sa formalisation étourdissante de brio car Satoshi Kon parvient à traduire cette exploration psychique en termes toujours limpides et en images follement imaginatives. On en sort sous l’emprise d’un délicieux vertige.


5. The Host – Bong Joon-ho

Le ventre de Séoul a accouché d’une monstrueuse créature qui se repaît des enfants arrachés à la surface. Face au mensonge des autorités et à l’incompétence des scientifiques, un seul recours pour retrouver la courageuse fillette disparue : l’union familiale. La traque est palpitante, portée par un sens galvanisant de la fantaisie et de l’épopée, et consume jusqu’à plus soif, avec une absolue fluidité, les ressources gargantuesques de ses enjeux – de la satire délirante au merveilleux trivial.


6. OSS 117 : Le Caire, nid d’espions – Michel Hazanavicius

Tel une anomalie, un bug de production, voici l’antidote aux comédies inodores déferlant par charters sur les écrans. Hazanavicius est un esthète qui peaufine le plaisir gourmet du pastiche, dans un exquis raffinement de détails, et qui atomise le ridicule d’une France sclérosée par sa misogynie, ses certitudes passéistes, son colonialisme paternaliste. Le rire intelligent, c’est exactement ça : la rencontre de l’élégance et de la bouffonnerie, dont Dujardin est la géniale personnification.


7. Lady Chatterley – Pascale Ferran

En deux heures et demie attentives à la découverte spirituelle et charnelle d’une femme qui s’épanouit et s’ouvre à elle-même, Pascale Ferran raconte l’amour comme utopie politique, et la sexualité comme instrument de libération sociale ou culturelle. Sa déclinaison du roman de Lawrence combine l’appel panthéiste et le progressisme idéologique, la communion avec la nature et le refus des normes, dans un idéal de limpidité où vibrent la respiration des arbres et la clarté des sentiments.


8. Le Labyrinthe de Pan – Guillermo del Toro

Ofelia, s’accrochant à sa mère diminuée comme à un dernier rempart, circule entre deux mondes. L’un est celui de la dictature franquiste, cauchemar du réel. L’autre est un royaume féérique dont elle est la princesse oubliée. Du beau-père sanguinaire ou des monstres de Goya, quelle est la plus grande terreur ? Avec une imagination splendide, le conte dit toutes les peurs, la souffrance et la solitude de l’enfance, en un requiem déchirant à l’innocence sacrifiée qui s’achève dans les larmes.


9. Les Berkman se séparent – Noah Baumbach

New York, 1986, milieu aisé et intello – on déblatère sur Fitzgerald, on va voir Blue Velvet en salle. Le cinéma indé est devenu normatif, mais Noah Baumbach en évite les écueils avec une dextérité de prestidigitateur. C’est bel et bien la finesse du trait et l’équilibre entre sourire et malaise qui président cette subtile chronique d’un divorce vu à travers les yeux de deux ados en pleine ébullition hormonale, entre un père à l’écrasant rayonnement et une mère qui s’affranchit.


10. Marie-Antoinette – Sofia Coppola

Comme dans ses précédents ouvrages, Sofia enchante ici par ses talents d’aquarelliste et la délicatesse vibratile avec laquelle elle démaquille la jeunesse, ses bleus à l’âme, sa solitude désemparée. La reine honnie et admirée est une petite fille grandie trop vite, qui s’enivre de pastels, de fêtes et de luxure pour oublier son désarroi et son innocence sacrifiée. L’Histoire est peut-être trahie, mais c’est au profit d’un petit bijou de cruauté feutrée, aussi doux et amer qu’un bonbon Arlequin.



2007

1. La Graine et le Mulet – Abdellatif Kechiche

On stigmatise souvent le désert existant, dans le cinéma français, entre grisâtres drames petit-bourgeois et comédies qui tâchent. En un geste exténuant de vitalité romanesque et d’énergie solaire, Kechiche enterre l’accusation. Son troisième film est une tumultueuse fresque sociale qui embrasse tous les rêves, tous les espoirs, toutes les douleurs de la France immigrée, avec cette générosité de feu, cette dignité héroïque et ces torrents d’humanité qui renvoient au plus grand cinéma populaire.


2. Syndromes and a Century – Apichatpong Weerasethakul

Les films de Weerasethakul sont des incantations fixant sur pellicule les variations infra-visibles des affects et des expériences. Il parcourt ici la césure autour de laquelle il déplie, avec l’onctueuse délicatesse d’un thérapeute, deux virtualités complémentaires de l’existence – murmure citadin ou sieste sylvestre, présent ou passé, langueur extatique ou angoisse diffuse. Les fragrances de cette chimie cristalline, qui prophétise peut-être le cinéma de demain, procurent un pur enchantement.


3. En cloque, mode d’emploi – Judd Apatow

A quoi reconnaît-on une grande comédie ? A sa capacité à faire rire et à ce qu’elle révèle des doutes et aspirations formant notre quotidien. Ce film hilarant nous parle, nous aide, avec une tendre bienveillance qui émeut parfois aux larmes. Car dans le parcours d’un couple mal assorti apprenant à s’aimer, dans celui d’un éternel immature qui se responsabilise, dans le miroir tendu par un mariage qui étouffe, s’expriment tant la difficulté que le bonheur de s’assumer, d’évoluer ; bref de vivre.


4. De l’Autre Côté – Fatih Akin

On croit tout connaître de ces échafaudages narratifs aux lignes savamment entrecroisées et aux incidences signifiantes du destin. Mais la singulière personnalité de Fatih Akin impulse à chacune de ses trajectoires une telle ardeur de vivre que la dynamique de l’ensemble consume tout lieu commun. Chant vibrant aux échanges communautaires et culturels, qui manie la vigueur politique et la force des sentiments avec une intarissable compassion, c’est un film particulièrement poignant.


5. Secret Sunshine – Lee Chang-dong

Accablée par le destin (Tu pues la mort, lui lance sa belle-mère), murée dans sa souffrance, la stupéfiante Jeon Do-yeon se noie dans la foi – la ferveur religieuse y est autant catharsis qu’aveuglement. Pour réussir ce genre de mélo XXL sans sombrer dans la putasserie, il faut une sacrée dextérité. Le bras toujours tendu du prétendant, la lumière baignant le bord du cadre, l’appel confiant de la sérénité au-delà de la douleur y pourvoient avec une étourdissante pudeur. J’en suis sorti essoré.


6. Zodiac – David Fincher

Fincher a mûri. Le long d’un récit de plus en plus touffu, affolé, abstrait, il perd ses protagonistes dans un dédale de d’hypothèses et de supputations, un labyrinthe de signes indéchiffrables dont il a jeté la clé. Cette nouvelle société de l’information, c’est le monde de K., la lettre qui évacue un suspect potentiel en test de graphologie. Magnifiquement filmé, posé, interprété, le film dispense une circonspection presque mélancolique, contre-champ désenchanté à l’époque qu’il décrit.


7. Raisons d’État – Robert De Niro

Peut-être parce qu’il réalise peu, De Niro vise haut lorsqu’il passe derrière la caméra. Nulle fioriture ici, mais une sobriété sans faille à la solde d’une fresque amère, passionnante, pleine de personnages et de ramifications complexes, qui impressionne par sa touffeur et sa densité. Soit les vingt premières années de la CIA scannée à travers un homme se soustrayant de son individualité pour ne plus devenir qu’un fantôme, vampirisé par sa mission. Une grande réussite injustement sous-estimée.


8. Les Témoins – André Téchiné

Chronique d’un été brillant de mille feux, d’un idéal d’insouciance marqué par tout un champ des possibles, mais sur lequel plane l’ombre d’un mal terrible, le fléau des années 80. Pris d’une intarissable appétence de vie, Téchiné tient la menace à distance, en dessine précisément les contours, pour mieux exalter les élans fiévreux de ses personnages. Il est un grand peintre d’époque doublé d’un sismographe attentif des vibrations du cœur : rarement l’aura-t-il aussi bien prouvé qu’ici.


9. Exilé – Johnnie To

Je suis généralement peu client des exercices du bonhomme mais celui-ci m’a enthousiasmé. Parce que la virtuosité chorégraphiée des séquences balistiques, réglées comme des jeux de pure forme, est toujours inféodée à l’existence de personnages forts. Parce que la belle ligne tragique du récit lui commande une tension permanente. Parce que, pour une fois, le code d’honneur frelaté des gangsters est renversé au profit d’une morale de l’amitié et de l’intégrité, dont les termes clairs émeuvent.


10. Naissance des Pieuvres – Céline Sciamma

Pas encore tout à fait ados, mais résolument sorties de l’enfance, les pieuvres de Céline Sciamma bouillonnent, transmutent, déroulent leurs tentacules dans le bain amniotique des sentiments en éveil, comme les nageuses synchronisées s’ébrouent dans la piscine qui exhibe les corps gracieux ou gênés. Pas facile d’assumer ces étranges émois de l’âge ingrat, qui font mal souvent, que l’on tait parfois, et dont la réalisatrice organise les flux et reflux sans rien cacher de leur insidieuse cruauté.




2008

1. No Country for Old Men – Joel & Ethan Coen

Nouveau sommet pour les Coen, qui remontent la généalogie de la violence et de la cupidité américaines au sein des immensités brûlées du Texas, cette terre de corruption originelle où, surgi du néant, le diable est venu exécuter sa sanglante entreprise. Avec une méticulosité d’orfèvre qui fait claquer séquences d’anthologie et visions infernales, le film tisse la toile prophétique d’une fatalité inéluctable, se couvre de la mélancolie résignée du shérif impuissant face à la propagation du Mal.


2. Valse avec Bachir – Ari Folman

Transes en boîte de nuit, rêveries mêlant chaos et fantasmes érotiques, bain nocturne récurrent sous des fusées d’éclairage, que la musique déréalise jusqu’à l’hypnose… Le film se veut documentaire mais il formalise un ensemble de processus mentaux – mémoire, culpabilité, traumatisme, refoulement. Le filtre de l’animation devient un outil d’auscultation intime, les plans défrichent le passé pour trouver l’image juste, le long d’un réquisitoire sans appel contre l’horreur de toutes les guerres.


3. Into the Wild – Sean Penn

Il serait facile de ricaner devant l’emphase et la naïveté de cette odyssée sauvage. Mais cette candeur est celle du héros, que Sean Penn accompagne avec une empathie absolue, un respect immense pour son idéal de liberté et son secret désarroi. Son parcours, bruissant de l’humanité des gens rencontrés, est un lent cheminement vers la prise de conscience finale – Le bonheur ne vaut que s’il est partagé. Humanisme lucide, sincère et généreux ; film superbe jusque dans ses maladresses.


4. There will be blood – Paul Thomas Anderson

Avec No Country for Old Men, l’autre exhumation des racines de l’avidité et du Mal américains. Le film s’impose avec un poil d’ostentation, mais quel vent terrible souffle sur le parcours de ce prospecteur sociopathe, ravagé par la haine et l’ambition ! Anderson dévoile le mariage incestueux du capitalisme et de la religion, ces deux mamelles de l’oncle Sam, dans une fresque hantée où s’entredévorent la lucidité et l’ironie les plus implacables, entérinées par un final à la noire bouffonnerie.


5. Un Conte de Noël – Arnaud Desplechin

Les parents se prénomment Abel et Junon. Manière de clarifier les choses : la mythologie inspire Desplechin, qui puise jusque dans ces drames antiques où un fils indigne se voit banni du royaume par sa sœur. Le spectre de Fanny et Alexandre, ses fantômes joyeux, sa cruauté mâtinée de tendresse, traversent aussi l’effervescente matière romanesque de ce cinéma plus boulimique et virtuose que jamais, nourri par une énergie vitale brûlant jusqu’aux dernières poches d’acrimonie. Grand film.


6. Wall-E – Andrew Stanton

Une arabesque de niveaux de lecture, une splendeur graphique qui fait écarquiller les mirettes. C’est le plus bel art du muet qui renaît ici, un travail prodigieux sur l’oscillation entre minimalisme et dilatation, statisme et saturation – Wall-E est, comme Keaton ou Hulot, le grain de sable transformant le bel ordonnancement en anarchie généralisée. C’est surtout une histoire d’amour d’une pureté absolue, qui fait chavirer par ses manifestations de tendresse et sa poésie plastique.


7. Le Silence de Lorna – Luc & Jean-Pierre Dardenne

Le précédent Dardenne était emprunt d’un ton parfois guilleret ; celui-ci donne un tour de vis à la noirceur. Sans misérabilisme (ils ne mangent pas de pain-là), les frangins poursuivent leur mise en lumière de la marchandisation capitaliste du facteur humain, et se plaçant du point de vue d’une conscience en éveil. Comme toujours, la réflexion sociale est sous-tendue par une attention infaillible aux manifestations de la morale. L’exigence et la rigueur de leur cinéma sont inentamées.


8. Entre les Murs – Laurent Cantet

Précis de décomposition du groupe social et des expressions de la démocratie en huis-clos. Forces en présence : les individualités de chacun, leur émulation, leur subordination aux instincts comportementaux, leur volonté d’affirmation. Les élèves d’un côté, le professeur de l’autre, la maîtrise complexe du langage au milieu. Cantet filme la rencontre de ce petit monde, son apprivoisement, peut-être son enrichissement mutuel, dans un film passionnant de vie, de tact et de spontanéité.


9. Je veux voir – Joana Hadjithomas & Khalil Joreige

Que veut-elle voir, Catherine Deneuve ? Peut-être la réalité des bombes derrière l’illusion du tournage, peut-être le dévoilement d’une vérité que son métier d’actrice ne cesse de traquer, ou bien encore ce qui pourrait se produire si, tout à coup, fiction et documentaire trouvaient l’accord parfait. C’est précisément ce qui se passe dans cette troublante et poétique échappée au cœur d’un pays en ruine, qui part de chez Rossellini pour atterrir chez le Antonioni pictural du Désert Rouge.


10. Two Lovers – James Gray

New York, ses appartements mordorés cultivant le poids étouffant des familles, ses discothèques où l’on s’abandonne à une soudaine ivresse, ses aubes éteintes accueillant la détresse d’un amour mort – ou la promesse d’un cœur qui revit. Entre une blonde névrosée et une brune rassurante, Phoenix secrète une vulnérabilité d’oiseau blessé. James Gray murmure la fragilité de l’existence et l’aveuglement de la passion avec un art de la litote, un lyrisme feutré qui renvoient au grand roman américain.



2009

1. Gran Torino – Clint Eastwood

Combien de cinéastes sont arrivés à un degré de distanciation aussi impérial vis-à-vis de leur légende ? Eastwood c’est l’Amérique, et cette œuvre en forme de démythification est la radioscopie transversale de ses lignes de force. Aucune solennité pourtant, mais l’ironie joueuse d’un acteur qui joue avec sa caricature avant de retourner le récit comme une crêpe, y célébrer la valeur de la transmission et de la différence culturelle, et le charger du poids crépusculaire de l’adieu.


2. The Wrestler – Darren Aronofsky

Les corps anabolisés des années 80 sont épuisés, survivants dans des rêves de gloire révolue que nourrit le fol espoir d’un retour. Le catcheur meurtri par les échecs affectifs de sa vie, la douce strip-teaseuse qui lui tend une main secourable, alimentent le mélodrame d’une déchirante humanité. Rebondissement inespéré pour Aronofsky, qui après son nanar intergalactique filme la détresse de ces êtres brisés, leur recherche éperdue d’un nouveau souffle, avec une douleur secrète et chagrinée.


3. Vincere – Marco Bellocchio

L’Histoire racontée du côté des oubliés. Pour dépeindre l’Italie possédée à l’heure du régime mussolinien, Bellocchio sort la grande pompe d’un lyrisme noir, et extrait des ténèbres du passé mille images baroques, hallucinées, enfiévrées par une partition wagnérienne. C’est l’irrésistible propagation de l’idéologie aveugle, les ravages de la politique sur le peuple que ce fiévreux portrait de femme met en lumière, avec un souffle mélodramatique hanté par les victimes de toutes les dictatures.


4. Tetro – Francis Ford Coppola

Histoire d’héritage et de création comme les affectionne Coppola, qui fait flamboyer sa veine opératique et revient à une enfance de l’art. Comme toujours, la trajectoire personnelle de l’auteur nourrit chaque recoin du film, l’habite d’une sincérité nue : dans ces superbes jeux d’ombres lustrées et de lumières scintillantes, ces flashs de couleur enflammant la pellicule comme des souvenirs ravivés, se joue la poignante réconciliation de deux hommes, avec eux-mêmes et avec leur passé.


5. Un Prophète – Jacques Audiard

La prison comme école du crime, on connaît. Le film pénitentiaire et son collier de lieux communs également. Mais Audiard est un maître-queux de la confection, et il n’a pas son pareil pour faire de son initiation à haut risque une parabole sur les visages de la servitude, de la filiation et de la trahison. Entre les murs se jouent toutes les tensions de la société française et des rapports communautaires ; à l’écran s’épanouit la matière brute et gracieuse à la fois d’un film noir grand cru.


6. Still Walking – Hirokazu Kore-eda

Dans la douceur campagnarde, au sein d’une maison ancestrale où bruissent les rires et les murmures des retrouvailles, la famille se réunit autour de l’aïeule. Tout passe par un sourire plissé, un rayon du soleil éclairant la terrasse, un geste esquissé que la pudeur réprime, une étreinte chaleureuse dans le cocon d’une chambre, entre le père, la mère et leur petit garçon. Délicatesse infinie, cruauté en sourdine, art admirable de la nuance et du non-dit. Ozu a peut-être trouvé son héritier.


7. La Route – John Hillcoat

Peut-être parce que l’argument minimaliste est suffisamment chargé en allégorie, John Hillcoat évite toute afféterie formaliste et se met entièrement au service de ce qui se joue entre le dernier des hommes et cet enfant protégé comme un dieu, une promesse de renouveau. Le cœur battant sous les images grises et allusives de ce cauchemar apocalyptique fait naître, dans l’espoir qu’il refuse d’abandonner, dans la force irréductible du lien paternel et filial, une profonde émotion.


8. Dans la brume électrique – Bertrand Tavernier

Les bayous moites de la Louisiane, un flic vieilli et fourbu par le désenchantement mais à la moralité intraitable, un homme d’affaires visqueux aux intentions bien pourries, et évidemment un cadavre pour remuer la vase. Délectables archétypes du film noir atmosphérique, que Tavernier, dont on connaît l’affection pour ses amis américains, réactive avec un vrai bonheur, un sens inné de la langueur entêtante. Pour qui aime se baigner dans ces eaux vénéneuses (j’en suis), c’est le panard intégral.


9. Le Ruban Blanc – Michael Haneke

Si son cinéma dispense toujours le malaise, Haneke s’éloigne de ses précédentes leçons professorales et drape son expression d’une beauté glacée, inédite chez lui. Sa mise en scène, rigoureuse, serrée, toute en compositions de clairs-obscurs rembrandtiens et de blancs éclatants, débusque le mal à la racine, dans la violence et la terreur larvées qui étouffent l’épanouissement individuel, et ce qu’elle dévoile d’une humanité bâillonnée par l’autorité et le rigorisme touche autant qu’il effraie.


10. Ponyo sur la Falaise –Hayao Miyazaki

Retour en enfance pour Miyazaki, qui conçoit des myriades de formes oblongues et aqueuses, polymorphes et fantasmagoriques, pour atteindre le cœur le plus pur d’une histoire simple comme bonjour. Un garçonnet malicieux et une fillette-poisson tombent amoureux : filmé à travers ce chambardement sentimental, le monde prend des allures de rêve enluminé, dont les mille modulations épiques épousent autant d’émois intérieurs. Un ravissement.



2010

1. The Ghost Writer – Roman Polanski

Il suffit d'un brouillard insulaire, d'un bunker-aquarium ou d'un jardinier sorti de chez Ionesco pour déceler dans ce magistral thriller, vénéneux, racé, maîtrisé jusqu'au vertige, la marque de son auteur. Comme Trelkovsky autrefois, le héros-fantôme suit jusqu'à l'évaporation une trajectoire qui redouble le monde réel de son envers paranoïaque, et de perspectives métaphysiques. Et franchement, si cette scène ne vous fait pas grimper au rideau, je peux rien pour vous (attention, spoiler) : http://vimeo.com/20132770


2. Oncle Boonmee, Celui qui se souvient de ses vies antérieures – Apichatpong Weerasethakul

Un buffle absorbé par la touffeur tropicale de la jungle à l'heure du loup ; un singe-spectre dont le regard phosphorescent laserise le spectateur ; une princesse défigurée qui s'abandonne aux flots sensuels d'un torrent... Le chaman Weerasethakul ouvre la fenêtre du multivers. Sa Palme d'Or est un sésame ensorcelant aux reflets fauves de pulsions d’harmonie, un flot perceptif abolissant les frontières entre les mondes, le tangible et l’intangible, l’homme et l’animal, la vie et la mort.


3. Mystères de Lisbonne – Raoul Ruiz

Peut-être l'avertissement est-il de mise avant de s'aventurer dans les méandres picaresques, proustiennes, de cette étourdissante saga romanesque - on risque de ne pas en sortir. Organisant un foisonnement narratif gigogne, jamais repu, Ruiz orchestre son tourbillon de masques et de voltes, de fictions et d'identités, tel un enveloppant mille-feuilles battant le cœur d'une vie rêvée, sous l'égide du rêve, de l'imaginaire et de la mort. On n'est pas loin d'Il était une fois en Amérique.


4. Fantastic Mr Fox – Wes Anderson

En passant à l'animation, Wes Anderson franchit une étape dans la mise en place d'un délicieux univers d'artifices et de coquetteries, mais dont toute la batterie de séduction se met au service d'une philosophie vibrante, gorgée de tendresse et d'humanité. Burlesque dévastateur, plastique somptueuse lustrée de lumières ambrées, humour exquis... Tout le cinéma du Texan est ici, qui approfondit la question de la filiation, de l'héritage et de l'amour familial avec une fondante sensibilité.


5. Les Arrivants – Claudine Bories & Patrice Chagnard

L'une, ancienne et expérimentée, a appris à mettre de la distance entre elle et la douleur côtoyée, maniant générosité et mesure avec philosophie ; une autre, jeune et idéaliste, se prend la réalité de plein fouet, s'emporte maladroitement contre son impuissance. C'est l'humanité brute qui bouillonne ici, l'universelle inclination à la compassion et à la colère, qui confronte notre regard à la détresse de ces immigrants, candidats en transit au beau rêve de notre pays. Un docu bouleversant.


6. Entre nos mains – Mariana Otero

Chronique d'une aventure ordinaire et pourtant admirable, élevée par la magie du regard et la conviction de ceux qui la vivent en utopie magnifique. Au diktat de la réalité économique, les employé(e)s d'une PME sous perfusion opposent une volonté de fer, un enthousiasme nourri d'optimisme, qui transforme leur aventure sociale et collective en ode à la persévérance. Et voilà comment le quotidien est réenchanté avec les couleurs du merveilleux.


7. Toy Story 3 – Lee Unkrich

Pixar remonte aux sources et boucle la boucle. L'adieu à son titre-phare s'effectue les larmes aux yeux, littéralement – celles des jouets, des enfants qui n'en sont plus, des spectateurs qui ont vécu avec eux. L'heure est au chagrin résigné, tandis que ses héros prennent acte de leur condition, à moins que le sourire et la permanence de l'enfance (la fillette, pur trésor) ne viennent réenchanter le monde pour un dernier tour de manège.


8. Another Year – Mike Leigh

Mary et sa dépression chronique qu'elle subit sans comprendre, Ronnie, muet et hagard, aux traits émaciés à la Willie Nelson et aux "Yeah" taciturnes... Deux très beaux personnages parmi d'autres : le nouveau chapitre du tableau du désarroi social dressé par Mike Leigh est une poignante chronique des quatre saisons, qui ménage la générosité et l'humanisme et s'interroge sur les limites de l'altruisme, la porosité de la détresse et la préservation du bonheur.


9. Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu – Woody Allen

Woody Allen plus cruel et incisif que jamais. Tels des fétus de paille ballotés par le destin, ses personnages se piègent malgré eux dans la nasse de leurs illusions. Cette ronde triste et émouvante est une oeuvre mélancolique et désenchantée, dispensant un humour amer face à l'ironie de nos aspirations si dérisoires. La (fausse) comédie est à la fois cocasse de lucidité rieuse, et très émouvante dans sa bienveillance affligée.


10. Carlos – Olivier Assayas

Près de trois heures compactées, ultra-denses, multipliant les changements d'axe et les bifurcations inattendues pour mieux dresser le portrait d'un homme aux motivations insaisissables, à la fois histrion arrogant et héraut de l'utopie anticapitaliste. Assayas dissèque le mythe du combattant révolutionnaire porté par ses idéaux, dresse la vue en coupe d'une nébuleuse obscure, sur plus de trente années : celle des accointances entre politique, économie et terrorisme. Soufflant.



2011

1. The Tree of Life – Terrence Malick

Le plus grand réalisateur actuel offre son film terminal, une œuvre-monde mûrie pendant plusieurs décennies, avec l'ambition folle de relier toutes les échelles de vie en une création holistique et totale. Buildings de verre nourris de nuages, étoiles en expansion, mère lévitant telle une fée-libellule, poussières d'éternité battant la chamade... : la fresque est aussi fragile qu'épuisante de beauté. Beaucoup de gens ricanent devant tant de naïveté béate ; on en reparlera dans trente ans.


2. Super 8 – J.J. Abrams

La magnifique surprise de l'année. Comment extraire d'une fabuleuse malle aux souvenirs, gorgée de jouets ramenés à la vie et de fragments d'enfance, la matière d'une bouleversante réflexion sur le deuil, l'ouverture à l'altérité et la transfiguration du réel par l'imaginaire. Il suffit à Abrams de filmer le médaillon de la mère disparue qui s'envole aux confins des étoiles pour atteindre la poésie la plus pure. Bam, flingué net.


3. L’Apollonide, Souvenirs de la maison close – Bertrand Bonello

Il faudra sans doute pas mal de visions pour commencer à épuiser les beautés de cette entêtante valse des souvenirs alanguis, qui dispense ses charmes avec la douceur létale d’une plante carnivore, aussi voluptueuse que mortifère. Bonello plonge dans l'enfer de prostituées prises au piège de leur condition, et en tire des pétales vénéneux. Charnel et cérébral, suave et langoureux, c'est probablement un chef-d’œuvre.


4. Mes Meilleures Amies – Paul Feig

Il y a eu Deux en Un, puis En cloque, mode d'emploi. Il y aura désormais cette farce dévastatrice qui, comme ses prédécesseurs, cache sous l'acidité de son étude de mœurs des trésors de tendresse et d'humanité. Une amie qu'on risque de perdre, un flic banal en prince charmant, l'heure de premiers bilans pas forcément roses : voilà comment le rire se mêle à l'émotion la plus vraie. Et puis Kristen Wiig, géniale, hilarante, adorable... Je craque.


5. Une Séparation – Asghar Farhadi

Deux heures de pelloche chauffées à blanc, une mosaïque d'insolubles contradictions, de points de vue, de comportements, de raisons personnelles comme autant de systèmes complexes. Au-delà de la réalité politique et sociale de son pays, Farhadi débusque la nature des êtres, les débats et arrangements de chacun avec sa conscience, sa morale, ses doutes : un portrait renoirien d'une humanité brute, passionnant et fiévreux comme un thriller, prônant le plus salutaire discours de pondération.


6. La Dernière Piste – Kelly Reichardt

Il faut un sacré tempérament, un courage sans faille, et le talent qui suit, pour oser cela aujourd'hui. Soit un western minimal, hellmanien, réduit à ses composantes essentielles : trois roulottes, trois couples, deux guides, et toute la conquête de l'Ouest à travers eux. D'une pureté idéale, métaphorique mais vivant de toutes ses pores (vent, sable, rochers), c'est une allégorie fascinante sur la communauté, l'évolution idéologique, la peur et le pouvoir. Un coup de maître.


7. Habemus Papam – Nanni Moretti

Pour le tableau inédit d'un conclave en culottes courtes, peuplé de gosses affolés. Pour la figure ronde de Piccoli papal, égaré parmi ses ouailles. Pour le tournoi de volley organisé lorsque la psychanalyse ne marche plus. Pour mille choses encore, et surtout pour le regard ironique mais bienveillant de Moretti, qui parvient à faire souffler un vent de fin du monde avec une clairvoyance de philosophe inquiet. Une de ses réussites les plus amples et les plus riches.


8. Incendies – Denis Villeneuve

Villeneuve se confronte à la tragédie et au mythe, et sans craindre le mélo outrancier tire un film d'une force brute qui interroge l'exil, la privation du passé, la quête de soi-même, des ses racines, de son histoire, de sa famille et de son identité à travers une démarche rédemptrice – renvoyant évidemment au chaos d'un pays déchiré. Nécessité de la transmission, don de la mémoire d'une mère à ses enfants, lien filial et fraternel y dessinent les lignes d'une œuvre très émouvante.


9. Tomboy – Céline Sciamma

Quatre après sa formidable Naissance des pieuvres, Céline Sciamma approfondit avec le même tact, la même précision, la même sensibilité, la question de l'ambiguïté du genre, de l'être, de l'identité. Anti-discursif au possible, le film fait la part belle au mystère pour mieux le disséquer, et refuse tout épanchement sentimentaliste pour privilégier une approche pudique de son sujet. Une pépite délicate et cruelle à la fois.


10. The Artist – Michel Hazanavicius

L'exquise friandise de 2011, le présent délicieux d'un cinéphile ardent à des gens comme lui, le petit rêve-arc-en-ciel arborant les ciselures d'un noir et blanc en poudre de rires, de poésie et de merveilleux. Hazanavicius a tout compris : que l'émotion naît des personnages, que seule l'inventivité est payante, que le premier degré fervent sauvera le septième art, et à quel point Jean D. et Bérénice B. peuvent rayonner de bulles pétillantes. Merci pour le cadeau, man.



2012

Pas fait encore mon top pour le moment mais Moonrise Kingdom et Les Enfants loups, Ame & Yuki tiennent la dragée haute.


Top 15 1998-2012

1. Mulholland Drive (David Lynch)
2. La Ligne Rouge (Terrence Malick)
3. Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick)
4. Le Nouveau Monde (Terrence Malick)
5. Jackie Brown (Quentin Tarantino)
6. The Big Lebowski (Joel & Ethan Coen)
7. The Truman Show (Peter Weir)
8. Une Histoire vraie (David Lynch)
9. Gerry (Gus Van Sant)
10. In the mood for love (Wong Kar-wai)
11. Yi Yi (Edward Yang)
12. Parle avec elle (Pedro Almodovar)
13. Révélations (Michael Mann)
14. La Graine et le Mulet (Abdellatif Kechiche)
15. No Country for old men (Joel & Ethan Coen)


Dernière édition par Stark le 04 Déc 2012, 12:45, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 12:42 
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Jack Griffin a écrit:
Mr Chow a écrit:
Innocence - Ghost in the shell 2


Revu tout récemment, ça tient superbement la route....Peut être mon Oshii préféré


Idem, avec Patlabor 2 pour moi... que des suites


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 20:41 
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Messages: 9899
Localisation: Ile-de-France
Le top prétexte, "15 ans"... :)

Mais je vais le faire parce que j'adore les listes:

1- Eyes wide shut
2- Melancholia
3- Oncle Boonmee
4- Elephant
5- Volver
6- Le Cheval de Turin
7- Kill Bill: volume 1
8- Antichrist
9- Paranoid Park
10- There will be blood
11- Sleepy Hollow
12- Hadewijch
13- American Beauty
14- Mulholland Drive
15- Un conte de Noël


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 21:16 
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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Beau top. J'ai Hadewijch à voir !


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 21:28 
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Inscription: 03 Déc 2008, 01:24
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Allez c'est parti:

1. Mulholland Drive. David Lynch
2. The Tree of Life. Terrence Malick
Le Nouveau monde. Terrence Malick
Eyes Wide Shut. Stanley Kubrick
5. Inland Empire. David Lynch
6. La Vie Nouvelle. Philippe Grandrieux
7. La Ligne rouge. Terrence Malick
8. Les Harmonies Werckmeister. Béla Tarr
9. Kill Bill. Quentin Tarantino
10. Dogville. Lars Von Trier
Antichrist. Lars Von Trier
12. Mère et fils. Alexandre Sokourov
13. A.I. Intelligence Artificielle. Steven Spielberg
14. A History of Violence. David Cronenberg
15. Elephant. Gus Van Sant

Bonus: Love Exposure (Sono Sion) pas sorti en France.

Un peu monomaniaque sur le haut du classement.

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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 21:32 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
Messages: 23989
Beau top, aussi,et Love Exposure me fait de l'oeil sur l'étagère


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 Sujet du message: Re: Top 1998-2012
MessagePosté: 04 Déc 2012, 21:37 
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Inscription: 03 Déc 2008, 01:24
Messages: 3455
Karloff a écrit:
Love Exposure me fait de l'oeil sur l'étagère

Bah faut pas hésiter hein! Je pense que ça se voit très bien en plusieurs fois en plus (si c'est la durée qui te freine).

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