Z a écrit:
Oui, au fond c'est ce qui me dérange le plus dans cette forme d'analyse. C'est une forme de censure, ou plutôt d'auto-censure. C'en est même très banal. Le cinéma s'écrit avec un langage cinématographique, or comme pour tout langage, certains mots dérangent et prêtent à discorde. Des mouvements de caméra pour des mots, des compositions de cadre pour des tournures de phrases... Et il y aurait des mots vertueux, d'autres moins, certains qu'il ne faut pas associer à d'autres, plusieurs qu'il faut savoir placer au bon endroit au bon moment, en fonction de son interlocuteur, en fonction de son rang sociétaire. Beaucoup de mots ont un double sens, voire des homonymes... et il y en aurait à ne pas utiliser, d'autres à préférer. C'est épuisant, et ça ne m'intéresse pas beaucoup. Je trouve que c'est une façon de plus de brouiller l'intérêt majeur, la question du fond (l'intention d'un cinéaste, l'échange avec le spectateur, l'émotion de ce dernier), sous des réflexions qui ne déboucheront jamais que sur un éternel désaccord. La virtuosité d'un cinéaste est à rapprocher de l'éloquence d'un orateur : il n'est pas nécessaire de bien filmer pour transmettre une émotion, celle qui est souhaitée ou ressentie, partagée. Il y a quelque chose qui passe, qui est perméable aux barrières du langage, dans la pureté d'une intention ou la sincérité d'une pensée. Certes, l'on se fait mieux comprendre lorsque l'on maîtrise le langage. Mais plus on le maîtrise plus on sait user des double-sens, signifier sans être explicite, et même parler sans ne rien dire... Ce pourquoi certains films frappés d'un classicisme béant envoient plus d'impact qu'une oeuvre virtuose brassant une émotion empruntée. Il y a des exemples et des contre-exemples pour chaque cas de figure, et c'est important de le remarquer. Le style est important, mais pas essentiel. Il le devient pourtant dès que certains styles sont catégorisés comme inférieurs, grossiers, ordinaires, voire interdits, de mauvais goût, immoraux. Ce que je ressens en lisant Tetsuo, c'est un peu comme si l'on demandait aux écrivains pour évoquer la 2nd guerre mondiale, de n'utiliser que le passé simple, parce que c'est ce qui est bien - ou de ne pas utiliser le présent, parce que c'est un moyen trop mainstream, ou trop facile, ou trop [etc]. Ou demander aux peintres de ne mettre en images les scènes de guerre qu'avec la technique du pastel, parce que c'est ce qui est bien - ou de ne pas utiliser les autres techniques parce que ceci ou cela. Je crois que ces réflexions sont utiles, nécessaires, que c'est un passage obligé face à un art jeune, encore très inexploré, en constante évolution et soumis plus que tout autre art aux avancées technologiques. Je crois également que ces réflexions disparaîtront, s'évaporeront au fil du temps, comme pour l'écriture ou la peinture. On en est encore à discutailler sur ce qu'il est permis de faire, malséant, alors que l'on ne se pose plus ces questions partout ailleurs. C'est en tous cas mon point de vue.
Je ne vois pas en quoi ça serait une forme de censure. Si nous sommes d'accord pour dire toi et moi que le cinéma est un langage (dans le sens où c'est une forme d'expression, même si je n'adhère pas à l'idée d'une "grammaire cinématographique"), je pense que tu peux comprendre qu'un discours peut relever d'un certains racisme, d'une idéologie rance, d'un égocentrisme, d'un manque de sincérité ou de la connerie tout simplement. Ca nous interpelle, nous choque ou nous révolte. Quoiqu'il en soit nous réagissons à ça. Moi je fais pareil devant un film. Si ce qu'il y a derrière ne me plait pas, bah forcément je risque pas l'apprécier. C'est logique. Il n'y a ni censure, ni grille de lecture ni quoique que ce soit. Il y a juste moi avec ma sensibilté et le film avec ce que j'y vois.
Et si ce débat a encore lieu aujourd'hui, c'est le signe que le cinéma est toujours un art bien vivant, tant mieux quelque part...
Z a écrit:
Je ne comprends pas. Spielberg est un cinéaste d'Hollywood, il est donc noyé dans ce cinéma là, use de la grammaire cinématographique propre à celui-ci, est même enfermé dans ses codes... il serait donc parfaitement interchangeable avec un autre cinéaste d'Hollywood ? La notion d'individu n'existe pas dans cette vision des choses, si ? Il faut être De Palma, Carpenter, Scorsese, Malick ou Kubrick pour s'en affranchir, soit les quelques cinéastes que tu auras pris la peine d'adouber, fort gracieusement d'ailleurs... les autres, eux, réalisent éternellement les mêmes films, bricolent les mêmes plans, fabriquent les mêmes produits...
C'est l'impression que j'ai en tout cas. Une bonne partie des films hollywoodiens que je vois me semblent issus d'un même moule (il n'y a qu'a voir comment ils sont cadrés). Je ne nie pas la notion d'individu, mais elle me semble tout de même bien noyée dans le formatage. Quelque part c'est pour ça qu'un film comme
Iron Man fonctionne. Mais c'est aussi pour ça que c'est plus chaotique dès qu'il s'agit de visions plus personnelles.
Evidement, je serais de mauvaise fois si j'affirmais que tout ces réalisateurs étaient totalement interchangeables, et qu'ils réaliseraient tous
exactement le même film. Mais j'ai le sentiment que les variations ne seraient pas si profondes que ça, et qu'on aurait quelque chose de globalement assez proche.
Sinon tu ne peux pas m'en vouloir d'aimer si peu de cinéastes hollywoodiens (il y en a quand même un peu plus que ceux que je cite). Je n'adoube personne. J'aime De Palma et Carpenter mais pas Mann et Fincher, qu'y puis-je ? C'est ma sensibilité et elle est ce qu'elle est...
Z a écrit:
Citation:
Alors que quand Clint Eastwood ou Spielberg dépensent des millions de dollars pour la reproduir (la guerre) dans le même but pour un résultat beaucoup moins percutant (même si plus spectaculaire), je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a un problème quelque part...
Pourquoi les attaquer sur leur budget ? L'argent est là pour traiter l'image, les décors, les costumes, les figurants, d'un point de vue réaliste. Des éléments ajoutés à d'autres, des milliers (parfois invisibilisés) qui au final ont un coût, celui de la réalité historique, de la reconstitution détaillée (ou dans le cas de la trilogie
LOTR, basé sur des écrits fantastiques, de la méticulosité du détail malgré tout).
Je ne les attaque pas sur le budget, je dis qu'un autre, avec cent mille fois moins de moyens et sans être obligé de reproduir la guerre arrive au même impact. Moi ça me touche donc plus.
Quand Coppola recréer la guerre du Vietnam dans
Apocalypse Now, il en fait avant tout un spectacle fascinant (pour lui comme pour nous) qui s'assume comme tel,
malgré "l'horreur". Ca me semble plus juste.
Z a écrit:
Je veux bien que le pouvoir d'évocation soit plus puissant que la bête mise en image, mais regarde le débarquement du Jour le plus long et celui de Ryan, et tu admettras j'espère que le second n'est pas seulement plus réaliste ou actuel, il est aussi plus évocateur...
En quoi est-il évocateur ? Tout y est montré, y'a plus rien à évoquer. J'admet à la rigueur qu'il est plus impressionant, virtuose et moins anondin. Après...
Z a écrit:
Citation:
Le cinéma c'est quand même plus riche et varié que ça.
Ecoute, pas à te lire en tous cas.
Je dois donc mal m'exprimer...