Je vais mettre des éléments, des scènes précises, en balises hide, mais je vais parler des thématiques du film donc si vous estimez que c'est potentiellement spoiler, lisez pas. Il y a de cela maintenant plusieurs mois, j'avais vu passer une news rapportant le commentaire d'une personne qui travaillait sur le film :
"Vous vous rappelez la scène de la forêt dans L'Empire contre-attaque? Tout le film est comme ça."De toutes les données relatives à ce huitième épisode de la saga (et neuvième film, en comptant
Rogue One), c'était probablement l'information qui m'intriguait le plus. J'étais déjà excité à par l'embauche de Rian Johnson, vu son profil. À l'annonce du rachat de Lucasfilm par Disney, quand on établissait des listes de réalisateurs potentiels pour l'Épisode VII, j'avais délibérément écarté Johnson parce que sa carrière ne semblait pas le destiner à un tel projet. D'ailleurs, contrairement à J.J. Abrams, Gareth Edwards, Lord & Miller, Colin Trevorrow et même Josh Trank, c'était le seul à ne jamais avoir réalisé un film pour plus de 30 millions de dollars.
Et contrairement à tous les autres, c'est le seul qui aura écrit son épisode en solo et qui ne se sera pas clashé avec Kathleen Kennedy.
Comme je l'ai maintes fois répété, je suis très curieux de l'inévitable livre qui sortira, peut-être dans une vingtaine d'années, sur les coulisses du nouveau Lucasfilm. C'est quand même dingue qu'en laissant le gars tranquille, elle a fini si satisfaite du résultat qu'elle lui a carrément confié les clés du royaume. Les Derniers Jedi n'étaient pas sorti que la firme annonçait déjà une nouvelle trilogie, avec de nouveaux personnages et un nouveau coin de la galaxie - ce qui avait été "refusé" aux spin-offs jusqu'à présent - entièrement dirigé par Rian Johnson. Ce ne sera certainement pas
"A Star Wars Story" de plus.
Rogue One était conçu comme un
one-off mais si
Solo marche, il aura sûrement des suites. Il deviendra de facto une trilogie, mais la manière d'annoncer celle de Johnson, en plus des sous-entendus selon lesquels l'Épisode IX sera le dernier de la saga Skywalker, portent à croire qu'il s'agira de la nouvelle "saga principale" si je puis dire.
Mais donc
Star Wars par Johnson, ça ressemble à quoi?
Bon, contrairement à ce que l'on a pu lire dans certains des tweets suivant la première américaine, ça ressemble à un
Star Wars.
Faut pas se mentir non plus, que ce soit dans les mécaniques de certaines trames, dans les inévitables parallèles avec la trilogie originale, ou tout simplement dans la charte visuelle, on est face à un
Star Wars.
Après, malgré le voyage d'une jeune novice pour retrouver un vieux maître dans un endroit désert afin d'être entraîné et en dépit de toutes ces mains tendues et ces allégeances à confirmer pour passer d'un côté ou d'un autre, on est loin de l'aspect
remake du
Réveil de la Force. Les échos sont inéluctables,
"it rhymes, it's like poetry" disait George Lucas au sujet de sa prélogie, mais l'intelligence de Johnson est de suivre dans les pas de ses prédécesseurs tout en déjouant certaines attentes, à être à la fois familier et surprenant. On dirait que je schématise ce qu'est tout simplement censé être une suite mais ce serait sous-estimer la proposition audacieuse de
Star Wars : Les Derniers Jedi, Johnson utilisant les bases posées par Abrams pour mieux développer sa thématique de déni de la fatalité et son propos sur la fin du vieux monde.
J'aime les couilles de ce film. Ce film a de très belles couilles.
Je vais répondre tout de suite à la question que tout le monde se pose : les porgs sont très bien dans le film.
Le marketing, le merchandising et les réseaux sociaux étaient sur le point de les faire passer de mignon à Minions mais le dosage dans l'oeuvre en soi est nickel. À ce titre, toutes les marques d'humour, même les rares qui friiiiisent l'humour désamorçant à la Marvel, font mouche.
Depuis
L'Empire contre-attaque, il existe une règle tacite selon laquelle tous les deuxièmes épisodes se doivent d'être plus sombres. Disons qu'il s'agit plus largement d'une caractéristique des deuxièmes actes, où les enjeux se doivent d'accroître et la situation de devenir de plus en plus désespérée afin que le dernier acte puisse accomplir sa catharsis.
Mais Johnson ne s'impose rien.
Par exemple, il ne s'impose pas de garder la mise en scène ou l'esthétique d'Abrams.
Le Réveil de la Force faisait preuve d'une énergie propre à Abrams, la même qui propulsait
M:i:III et
Star Trek, et le rythme des
Derniers Jedi est très différent. De son propre aveu, le credo d'Abrams sur son film, c'était
"Is this delightful?". L'objectif de Johnson n'est clairement pas que tout soit toujours réjouissant tout le temps. À part
Brick, qui n'est pas forcément le plus
user friendly, les films de Johnson ont toujours su être accessible tout en ne se pliant pas au cahier des charges le plus évident. La césure à mi-parcours de
Looper est assez parlante par exemple.
Les Derniers Jedi ne déroge pas à la règle. C'est sans doute ce que Johnson a fait de plus
mainstream mais il émane tout de même du film une certaine personnalité, notamment dans ce choix esthétique d'accorder une importance particulière à la couleur rouge. Je ne sais pas s'il existe une couleur à la symbolique plus évidente mais l'usage qu'en fait Johnson est redoutablement efficace et pertinent. Que ce soit dans l'antre de Snoke - autrement plus incarné cette fois-ci, plus menaçant, plus tangible - d'un rouge vif à exciter un taureau, terriblement oppressante, dans le costume de sa garde prétorienne, extension physique mais muette du lieu et du Supreme Leader, ou dans le minerai qui infuse chaque parcelle de la planète Crait, créant des nuées de poussière rouge au milieu d'un désert blanc, l'imagerie est tantôt psychédélique, tantôt surréaliste.
Visions, flashbacks, inserts, Johnson se permet tout dans son montage. Il ne respecte aucune règle à part quelques transitions en volets. C'est vraiment un film libéré de tout carcan implicite.
Après, sur 2h30, il aurait gagné à être un peu mieux équilibré. Avec ce bon vieil éclatement narratif, l'écriture se fait inégale. Dans l'ensemble, les scènes qui suivent la Résistance sont moins intéressantes. Le récit donne la part du lion aux "Force sensitives" : Rey, Luke, Kylo Ren et Leia. Dès qu'on suit les autres, c'est clairement en deçà.
Souffrant sans doutes de coupes, la trame de Finn et Rose paraît fonctionnelle même si le décor du casino de Canto Bight, trop peu montré, a le double mérite de changer des sempiternelles cantinas mais aussi de montrer l'opulence décadente des privilégiés à détruire. Son dénouement surprend quelque peu également. L'arc de Finn
est bon mais un peu rapide. Il en va de même pour Poe
Le personnage de Rose est attachant, ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'une fille asiatique un peu bouboule (trois catégories que l'on voit rarement), mais n'existe presque que pour servir l'arc de Finn, au même titre que DJ, surjoué par un Benicio del Toro surcasté (surtout s'il revient pas dans le IX). Néanmoins, les parcours de Finn (et Rose) et Poe s'inscrivent néanmoins dans cette ode au combat pour un nouveau monde que compose Johnson.
L'autre jour, j'ai vu passer ce tweet :