J'ai apprécié l'atmosphère visuelle du film (au point d'en rêver la nuit suivante, ajoutant une dimension space opera)), très proche d'Annette de Carax dans lequel jouait déjà Driver. La dynamique du couple qu'il forme avec Nathalie Emmanuel, et surtout la suspiscion du meurtre de sa précédente épouse (noyée et autant fuie que traquée dans les deux films) est aussi très proche de celle du film de Carax. Peut-être est-ce un reflet de la tentation des cinéastes de cette égénration d'oppsoer à la vague MeToo une vision faustienne, démiurgique, à la fois collectivement rédemptrice et individuelle pour le sens, de la femme et de l'amour ?
Le progressisme social correspond alors à une forme de honte et de conscience torturante de la faute dans le chef du démiurge génial.
Le propos du film est en effet intéressant mais daté (pas pour rien que le film exhibe longuement uns Citroën DS). J'ai lu récemment le livre que Bruno Latour a consacré au projet foiré de Matra pour un people mover énergétiquement écologique mais trop coûteux en terme d'infrastructure et d'occupation de l'espace (Aramis), et on est ici dans le même univers : à la fois techniquement positiviste et optimiste, mais taraudé par la conscience tragique du risque d'échec. Ce qui actuellement est perçu comme une urgence écologique est perçu était dans les années 70-80 comme un surdimensionnement rétrospectif par rapport aux besoins, l'erreur dans un cas est placée dans l'horizon d'un futur ingérable , dans l'autre cas d'une idée dont le caractère viciée et tout à la fois originaire et indémontrable. Mais alors dans cette distribution la conscience de le mort se sépare de ce qui relève de la foi et du doute (Latour est doté d'un versant théologique un peu douteux, comme le film en fait).
Singulièrement, un des rares traits identifiables des visions futuristes de l'architecte dans le film est l'existence de
people movers à capsule issus des années 70, de tapis roulant liquides, soit justement le même type de technologie déjà obsolète en 1990 que dissèque Latour. Le flux ne concerne pas encore les données (c'est un monde sans téléphone portable), mais toujours les personnes.
Et le caractère à la fois tragique, souffrant et surnaturellement puissant du personnage de l'architecte le met finalement à l'abri de la contrainte de devoir composer, passer des compromis et négocier (or comme le remarque Latour, une idée qui n'est pas altérée, qui reste intacte n'est pas non plus socialement investie, et risque fort d'échouer - c'est l'usage qui révèle alors les vices techniques qui n'ont pas été anticipés).
Il est d'ailleurs littéralement sauvé par son client (le banquier qui par fatigue, deient juste et tue les cyniques).
C'est un univers où la conversion politique est le privilège des puissants, avec une représentation ambigue du peuple, forcément vu à travers le prisme du risque populiste. On sent tout à la fois une critique mais aussi une exploitation de l'atmosphère visuelle de l'assaut trumpien sur le Capitole, que Coppola a réintégré dans un projet existant, comme si cétait là laconfirmation, purement idéale, d'une vision, plutôt qu'une crainte.
Le film sépare aussi l'univers de l'historicité et celui de la faute, en faisant du mal quelque-chose de plus "rapide", de plus temporel, que la finitude ontologique elle-même. Le problème du bien et du mal est ici soluble, au contraire de la question portant sur le fait de savoir si l'homme est tout puissant ou bien au contraire jouet de la nature : le personnage de Driver à la fois doute de ses compétences techniques, et est morament taraudés par le deuil de sa femme, mais cela relèvent de deux mises à l'épreuve différentes, qui ont chacune leur cycle, et structurent deux films parallèle (les visions et hallucination appartiennent à l'univers de la faute individuelle, et le visible à l'inverse est complètement identifié au politique et à la masse colelctive).
Et c'est bien parce que la culpabilité morale est résolue dans le cours du récit, ne l'achève pas que l'architecte peut se consacréer pleinement à son oeuvre technique, qui conclut le film. (le personnage du maire libère l'architecte et lui demandant pardon comme on se dénonce, avec une lettre qui n'est jamais ouverte - non pas un fait mais, puisqu'elle est cellée, jamais lue, une
valeur à la fois artificielle et inédite - il faut l'imitation voire la fiction d'un crime pour libérer la praxis) .
Tout cela est super intéressant. Reste que le film a un côté poétique si on est gentil, narrativement mal branlé si on est méchant (la starlette au centre du film pendant 20 minutes, puis complètement abandonnée ensuite - je ne suis même plus certain qu' il s'agit bien de la maîtrisse de Driver dans la scène qui se tient dans leur appartement). Driver mourrant (scène qui renvoie à l'assassinat de Lennon, à Z de Costa-Gravas aussi), tué par un enfant (superbe idée), puis éborgné, transformé en cyborg floral, puis complèement cicatrisé comme si rien ne s'était passé, J'avais par moment la sensation, souvenir de première adolescence, de prendre en cours de route un épisode des Feux de l'Amour en cours de route, essyant de deviner si ce que je vois est l'intrigue annexe ou une digression.
L'expressionisme fonctionne comme une parenthèse, le tragique lui-même comme ce qui est à la fois montré et abandonné, ce que le film essaie et croit pouvoir expulser. Et de fait, sa cité sociale utopique, réparatrice et post-politique, le mec la chie littéralement (avec son matériel brun flexible et indestructible mais un peu honteux qui lui vait le Prix nobel), le film ne nous raconte que ce processus (belle idée
).