je me suis pris dans une réflexion sur : quels cinéastes français ont émergé depuis 10 ans avec le mélange d’œuvres remarquables et de carrière impressionnante ? les cinéastes qui seront des poids lourds dans 10 ans. et je ne doute pas que j’en oublie mais je n’ai réussi à trouver que julia ducourneau (sachant que je trouve
titane complètement raté mais enfin je ne peux pas nier que c’est son truc et que c’est fait avec panache et qu’elle a 1000 trucs en elle).
alors il faudrait un livre entier pour analyser les raisons (peut-être que l’obsession – dont on est heureusement revenus – à faire réaliser des films par des acteurs n’était pas très porteur sur le moyen terme… ?) mais un phénomène parallèle c’est la frontière toujours plus poreuse entre télévision et cinéma. c’est fort logique vu nos modes de financement, et en vérité ça ne concerne pas que le cinéma ‘commercial’. alors que les comédies m6/snd/tf1 soit des téléfilms de luxe c’est entendu, mais c’est aussi vrai pour les films pour boomers produit par le service public, et un sous phénomène intéressant c’est les passages entre télé et cinéma des réalisateurs. auparavant c’était un enterrement d’aller à la télé (sauf les pubs hein), aujourd’hui on va se faire des sous en réalisant quelques épisodes, en se mettant bien avec les chaines ou les plateformes avant de refaire un film produit par ces mêmes gens.
et pour émerger, les séries sont aussi devenues une carte de visite avant de réaliser son premier long.
je dis ça pour 2 raisons. la première, c’est que si c’est évident que les financements dépendent de télé et que, de fait, elles vont choisir des projets qui pourront être diffusés donc ça aseptise tout, dans le fond et dans la forme. mais ce qui est intéressant c’est que si ça me semble acquis depuis longtemps que les diverses commissions ont un effet délétère sur la créativité et la prise de risque des réalisateurs, j’en viens à me demander si ces passages télé-ciné, si ce besoin de se mettre bien pour pouvoir réaliser 3 épisodes par ci par là n’encourage pas aussi les réalisateurs à viser un style quasiment neutre, industriel, et qu’au final un réal qui va développer un style vraiment fort sera perçu comme incompatible avec le s01e04 de
les enfants vont bien.
et la deuxième raison, c’est que j’ai repéré simon bouisson depuis quelques temps, avec ses réalisations de
stalk et de
3615 monique (il n’a fait que la première saison, la deuxième était réalisée par guillaume renusson qui a ensuite réalisé son premier long produit par… ocs). 3615 j’étais fan de sa réalisation, du casting, de la direction artistique, des couleurs, du talent pour transcender ses 18 balles de budget. et j’avais fait un topic pour dire tout le bien que je pensais de
stalk. bref je guettais drone avec impatience (qui-gon peut témoigner de mon sms il y a 9 mois pour lui demander s’il l’avait lu !), d’autant que 4,8m de budget produit par studio canal, france tv, disney + c’est propre, avec ce pitch simple basique efficace : « une fille se fait suivre et observer par un drone ».
au final, ça sort donc dans une indifférence générale, une presse qui n’a manifestement pas aimé mais qui n’ose pas dire du mal, une catastrophe commerciale et c’est donc complétement raté, pour ne pas dire nul.
je ne vais pas commencer par le début (c’est mega chiant) mais par le point qui m’a totalement désemparé : la platitude formelle du truc. le générique de début est top, il y a quelques idées de son super, les vues de drones sont toujours efficaces, j'adore l'affiche, mais sinon c’est filmé de manière hyper plate, vraiment le filmage industriel de toute la production française depuis 10 ans. la photo est plus sombre (trop d’ailleurs, j’ai cru qu’ils bidouillaient le projecteur de l’ugc odéon pour faire des économies) mais sinon c’est totalement denué de personnalité, d’œil, rien. alors je veux bien croire que ses mises en scènes précédentes étaient des cosplay (et le cosplay thriller américain de
stalk était tout à fait réussi, celui-là s’est manifestement vendu sur cette réputation donc… ?) mais c’est désarmant. ça ne s’arrête pas au filmage, puisque là où il avait réussi, dans
stalk encore, à faire un chouette casting pour créer des jeunes-français-crédibles-dans-un-movie-verse-inspiré-du-cinéma-américain, là on est dans les personnages des auteureries cncisantes, c’est-à-dire qu’ils font la gueule, il n’y a aucune interaction vivante ou réaliste, les dialogues ne sont ni cools ni justes. alors je lisais l’interview des producteurs de
eat the night sur le flop monstrueux de ce dernier (20k, soit toujours plus que ce celui-ci fera), et ils disaient que « le public des jeunes cinéphiles est très difficile à atteindre » mais sérieusement de qui parlent-ils ? ils imaginent juste qu’ils existent des réservoirs de gens de 20 ans aux gouts alignés sur les membres des commissions cnc ? parce que non. dans la vraie vie, un film comme ça pour marcher il faut qu’il attire des gens de 15 à 35 ans. et il y a toutes les stats du monde pour dire que ce sont massivement les garçons qui vont au cinéma d’une part, et pour des films de genre de l’autre. alors vraiment qu’on m’explique pourquoi des garçons de 15 à 35 ans iraient voir un film dont l’héroine est vaguement moche (désolé, je suis sûr qu’elle a un public, je parle comme un producteur des années 90 mais enfin à un moment donné voilà quoi), qui fait la gueule tout du long, dont le personnage n’a aucune sorte de personnalité et n’évoque aucun sentiment humain ou générationnel et n’est qu’une projection de thématiques intellectuelles, celles-ci par ailleurs sur la masculinité toxique et le male gaze, un véritable aimant à jeunes hommes désirant se délester de quelques euros en échange de 2 heures au cinoche.
on en vient donc au deuxième point. ce scénario signé par 3 personnes, avec une consultation de gilles marchand créditée au générique de début, et qui est… désarmant. le pitch est sympathique mais enfin très rapidement 3 problèmes évidents apparaissent : 1/ si le drone se ‘contente’ de la filmer, c’est stressant et odieux mais enfin ça tourne rapidement en rond, sans menace physique c'est dur de monter en pression 2/ pourquoi elle ne le piège pas avec une barre en fer ou un fusil de paintball ou que sais-je… ? 3/ elle va donc faire une ‘enquête’ pour savoir qui est derrière mais soit c’est un remake de
stalk soit c’est un whodunit assez élusif en absence de menace physique.
et je suis donc heureux de vous annoncer qu’aucun de ces trois problèmes fondamentaux qui te viennent à l’esprit à la lecture de la phrase de pitch ne sont réglés, et ne font même pas l’objet d’une recherche de solution. effectivement le drône intervient juste régulièrement mais sans escalade de tension ni rien, donc rapidement ça devient l’équivalent d’être suivi par une famille de canards, c’est très pénible mais enfin on va pas faire un thriller là-dessus. il n’y a effectivement aucune sorte de raison pour qu’elle ne mette pas au point un petit plan pour le casser et quand elle finit par le faire à 1h40 tu te dis « ah bah voilà… ». et enfin ça se transforme effectivement rapidement en laborieux whodunit mais enfin neurasthénique vraiment.
parce que en fait, faire un thriller et raconter une histoire, il s’en fout. c’est vulgaire. c’est avec le sentiment de trahison d’un amoureux (ou electeur) trahi que je me suis rendu compte que l’exceptionnelle efficacité narrative de
stalk n’était pas sincère, c’était juste répondre à l’exercice. il répond à ici aussi l’exercice qui, au cinéma, pour une raison fort mystérieuse, semble être de filmer une note d’intention plus que de raconter une histoire. alors dans les faits il a raison, hein. c’est comme ça qu’il a eu france tv et disney + (pendant les 2 jours 3 heures 18 minutes et 44 secondes où disney luttait pour l’égalité et l’épanouissement de tous les êtres humains (mais ils vont voir le pourcentage de gens qui iront jusqu’au bout du film quand ça passera et ils seront de nouveau convaincus des bienfaits capitalisme le plus triomphant chacun pour soi et dieu pour tous)). mais ça donne un scénario que j’aurais du mal à qualifier autrement que d’aberrant. une poignée de storylines, qui n’existent que pour illustrer la thématique, qui ne sont pas intéressantes, qui sont explorés en long en large et en travers puis re en long re en large et re en travers. cette répétition est fondamentale, regarder le film donne l’impression d’être bloqué dans une boucle temporelle, les mêmes scènes de drones, de virements (au bout de la 6ème fois on a bien compris), les trucs qui n’en finissent plus avec cedric khan… et n’ayant étrangement pas pu compter sur le monteur de… 78 ans (place aux jeunes !) pour raccourcir ces délirantes 110 minutes et y insuffler vaguement du rythme, j’ai eu envie de m’arracher un doigt d’ennui.
parce que vraiment la raison d’être de tout ça ce sont : les thématiques. et pas n’importe quelle thématique, les thématiques les plus tartes à la crème de la décennie. le male gaze ! la technologie prédatrice ! la masculinité toxique ! la frontière abolie entre privé et public ! et bien sûr la fille est lesbienne (c’est d’ailleurs fait assez maladroitement on a vraiment l’impression qu’il montre une fille qui sort avec une fille parce que les mecs ils sont tous nuls ils pensent qu’à leur mettre des doigts). outre la profonde inadéquation entre le projet et cette petite réflexion (les gens qui veulent voir un thriller sur une fille poursuivie par un drone se foutent de mater une branlette sur ces sujets, les gens intéressés par une dissertation sur ces sujets n’iront pas voir un thriller sur une fille poursuivie par un drone), c’est vraiment un enfonçage de portes ouvertes, tout ça est transparent, plaqué sur l’histoire, ça ne pousse rien, titille rien à part dire la même chose que tout le monde au même moment - enfin à propos de thèmes qui passionnent 4 arrondissements parisiens et quelques quartiers de la petite ceinture quoi.
vraiment, les notes d’intention tuent le cinéma français. le design et l'architecture se sont faits pourrir par la celebration des mecs capables de pondre le plus gros bullshit explicato-théorique sur des merdes et le cinéma est en train de suivre cette voie délétère. une catastrophe.
mais enfin dans l’absolu il a raison : il développe son deuxième long sur l’ia au sein d’un prestigieuse résidence. et puis ça va flopper sa race (1600 entrées premier jour...), on est dans la seule industrie et le seul pays au monde où quelque chose peut couter 4,8 millions et en rapporter 200 000 sans que ça ne pose de problème à personne, c’est juste que je comptais vaguement sur lui pour être super et que c’est mort, et que ça va encore convaincre que les thrillers le genre etc en france c’est mort et de fait oui mais c’est juste que tous ces trucs sont nuls et à côté de la plaque.
pénible.
sinon y a stefan crepon que j'adore.