je ne me souvenais de l'ampleur du phénomène du truc : ça avait fini à 8,6m d'entrées (après une première semaine à 780 !), 11,5m pour sa première diffusion télé, la nomination à l'oscar du film étranger (je me souvenais bien de beyoncé baragouinant "vois sur ton chemin" en plus ou moins phonétique pendant la cérémonie en revanche). moi je pense que je l'avais vu à l'époque par acquis de conscience face au phénomène mais que je m'en battais royalement les steaks, du coup absolument aucun souvenir. je me souviens d'un discours ambiant sur la france réac et rance avec qui triomphait, tout ça.
du coup j'ai profité de la reprise (dans la salle 10 des halles ! correctement remplie !) restaurée en 4k (!) pour le revoir. ça tombait aussi bien, j'y avais pensé il y a 10 jours en voyant
le cercle des poetes disparus, et effectivement le lien est évident. dans les deux cas on replonge dans le passé, avec une nostalgie inoffensive pour le pittoresque de l'époque, dans une école avec les anciennes méthodes - quête d'excellence, discipline, tout ça. et dans les deux cas c'est l'irruption de l'art qui bouleverse les choses. la différence est intéressante : dans
le cercle, c'est l'esprit de liberté provoqué part l'art qui casse l'excès de discipline et permet de s'émanciper et de casser un cadre trop corseté, et dans
les choristes c'est l'art qui apporte un cadre à même de canaliser des petits canailloux. la scène finale est clairement la même.
c'est bien cet élément qui m'a d'abord fait penser que fait du film l'emblème de la france réac ou quoi était un peu stupide : le film joue évidemment sur le charme de la france de l'époque (tout en ne faisant pas l'impasse sur la réalité de la période avec les orphelins, etc), mais dans l'absolu jugnot incarne une pédagogie basée sur la confiance, le respect, une forme même de complicité en opposition avec celle de la pure autorité et des sanctions aveugles portée par berléand. il fait le pari de l'art et de la culture pour sauver des gamins. il y a toute une storyline pour dire que l'injustice est un moteur fondamental du desordre et qu'un être humain n'est vraiment perdu pour la société que lorsque la société renonce définitivement à lui. je ne dis pas que tout ça est un hymne gauchiste, mais en faire le contraire c'est passer à côté et probablement ne pas comprendre le phénomène que ça a été, parce qu'en réalité c'est un succès super positif pour la société, franchouillard à n'en plus pouvoir, en faisant le lien entre les choses à retenir du passé et les valeurs contemporaines, extrêmement fédérateur, avec cette mise en valeur de l'art.
(bon là dessus, ça se passe dans un pensionnat pour jeunes délinquants et gamins à problèmes donc littéralement la même chose qu'attal a inauguré avant hier dans la vidéo catastrophique qui a beaucoup tourné et on dira pudiquement qu'on a quand même sacrément changé d'époque quoi)
et le film fonctionne du tonnerre là dedans, c'est vraiment une petite bulle parfaitement calibrée, faite avec sérieux et application fier de ce qu'il est sans utiliser l'excuse 'populaire' pour faire un truc débile mais sans viser autre chose non plus. l'absence de conflit clair est merveilleusement reposante, on est à la frontière de la chronique mais avec des mini arcs narratifs intelligents, qui ne font pas qu'occuper mais racontent efficacement l'évolution des choses. j'adore me plonger dans le passé au cinéma donc c'était super, le casting est parfait (mention spéciale aux gamins, il y a evidemment je smash jean baptiste maunier mais tous les gamins sont merveilleusement choisis, mignons quand il faut mais pas que, il a su choisir des gamins durs, un peu vilains ou quoi et ils sont tous très justes et attachants). les moyens ont été mis (5,5m pour un premier film, ça sert d'être le neveu du producteur !) et ça paye, tout est beau propre et soigné - seul l'étalonnage exagérément sépia est un peu dégueu mais je ne sais pas si c'était une faute de la restauration.
dans l'histoire des grands films français phénomènes y a des trucs parfois farfelus (
intouchables je crois que je comprendrai jamais) mais celui-là est quand même très propre, sur un créneau qui aurait sûrement mérité d'être plus creusé.
et sinon, la cassage de gueule absolu de la carrière de barratier est assez spectaculaire : il n'a littéralement plus jamais fait un film ayant véritablement marché ou vaguement marquant. son follow up
faubourg 36 avait couté 6 fois plus (30 millions !!!!) pour faire 1,3m d'entrées, puis l'un des deux piteux remakes de
la guerre des boutons, puis des trucs n'ayant pas fait bip - avec un fiasco particulier pour son dernier
comme par magie avec jugnot et kev adams qui a fait 200k.
donc c'est vraiment le film de sa vie et c'est un très propre film de sa vie dont il peut être fier.