Forum de FilmDeCulte

On croit rêver : un cas d'espèce d'adaptation ratée où les choix, les libertés prises avec le matériau original sont systématiquement à côté de la plaque.

Mais d'abord, retour sur l'auteur du roman d'origine, Iain Levison, un cas d'aberration du milieu éditorial comme il en existe peu. Après avoir publié quelques livres aux Etats-Unis, il trouve un lectorat en France. Son éditeur français, Liana Levi rachète les droits internationaux de son oeuvre, depuis ses romans sont publiées en traduction française, parfois bâclée (ainsi dans Arrêtez-vous là, on "plane comme un cerf volant"), et quelques autres langues mais jamais dans la langue originale. Un comble. J'imagine bien Levison, américain né en Ecosse, apprécier le "fuck you" que ça représente vis-à-vis de son pays d'origine, d'autant que ses romans sont adaptés les uns à la suite des autres en France et doivent lui fournir amplement de quoi vivre. C'est quand même dommage, non seulement qu'on puisse pas lire ces livres dans le texte mais qu'il se prive d'une part considérable de lectorat potentiel. D'autant que les livres sont très bons et les adaptations, si j'en juge par celle-ci, nulles à chier.

Tout ça remet également une remarque lue chez Lourcelles récemment au sujet de Série Noire, qui paraît à la vision de ce film d'une pertinence extrême : le cinéma policier français se fourvoie en voulant adapter des oeuvres américaines plutôt que de creuser sa veine propre. Mais là, le scénario ne suit même pas le livre de Levison, qui est pourtant prêt à être filmé. Le héros est hirsute alors que dans le livre il vient de se raser pour la première fois en disant et a enfilé un costard pour le braquage. Le professeur d'université queutard devient un professeur de lycée qui vit dans une espèce de maison de nouveau riche, il a cinquante-six ans (l'âge de José Garcia) au lieu de 35, l'agente célibataire du FBI devient une fliquette de province affublée d'une fille. Quand le braqueur et le professeur se rencontrent, plutôt qu'une scène de tension rentrée et sans violence, où le premier apparaît soudainement à la lumière, on le voit l'un se précipiter sur l'autre. En fait plutôt qu'à un criminel endurci, à l'intelligence supérieure à la moyenne, on a un type venu jouer un remake de Boudu sauvé des eaux. Le comble, c'est qu'il y a plus d'élements de folklore américain, avec équipe de baseball du lycée et pom-pom girls, que dans le livre. Passons sur la difficulté inhérente à toute adaptation, de retranscrire à l'écran des notations psychologiques, ce que le film n'essaie pas de faire, c'est trop compliqué, et qui fait dire au journaliste, limité de toute façon de Télérama, "sans surprise, le scénario délaisse les pistes intéressantes, qui feraient de l’intrus une manifestation de la mauvaise conscience de l’hôte, un double – il porte ses vêtements –, voire un coach de vie – il le pousse à se présenter à la présidence du club de base-ball local" très loin de ce qui fait le sel du roman, mais on dirait que le choix de la trahison systématique a été fait. Dans le livre, l'article du professeur à la fin ne se fait pas accepter, c'est presque sans importance, ici, il se fait accepter et ça fait office d'épiphanie cynique finale.
Scandaleux.

Ouille. Je l'avais lu en 2019 et j'avais été loin d'être convaincu.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste