latique a écrit:
Le livre m'a beaucoup plu parce qu'au fond, sa contre-enquête, c'est du Hitchcock au carré : l'idée d'un cadavre sorti de nulle part, qui existe et qui ne peut pas exister (comme dans le fameux passage des "Entretiens" sur le cadavre qui surgit au bout de la chaîne de montage).
Je vois mais je te dirais que cet Hitchcock au carré est déjà dans Hitchcock : le cadavre caché dans le buffet de
La Corde à propos et autour duquel on philosophe en mangeant des petits fours, celui de la véritable Madeleine jeté depuis le clocher de
Vertigo dans le flash-back subjectif de Judy offert seulement au spectateur, Mrs Bates dont la momie laisse une empreinte en creux dans le matelas de
Psychose quand Marion Crane est cherchée par sa sœur, l'artiste de
Mais qui a tué Harry ? qui voit le cadavre
après l'avoir peint (quelle idée géniale,
Blow Up avant
Blow Up)... A mon sens toute l'exégèse autour d'Hitchcock ne fait jamais qu'expliciter l'implicite, il est littéralement inépuisable.
As-tu vu
Sisters de De Palma ? Dans le genre hitchcockien, c'est LE film sur le sujet. Il y a une réplique qui me rend fou, et elle est faite pour ça.
Dans
Fenêtre sur cour, je pense que la malice autour du cadavre est contenue ici, un de mes plans préférés (et De Palma s'y engouffre):
Cette peinture fraîche cache-t-elle quelque chose ? Le blanc vient-il recouvrir du rouge que l'on n'aurait pas montré ? Ne dit-on pas "si les murs pouvaient parler" ?
Symboliquement il y a aussi le vide laissé dans le ventre sculpté pour représenter la faim.
Citation:
J'ai déjà oublié une partie de ses arguments: faudrait lire le livre et revoir le film crayon en main. Il s'appuie à la fois sur des invraisemblances (Thorwald, si c'est un meurtrier, se cache bien mal : il laisse ses fenêtres ouvertes quand il nettoie une valise, range sa scie, etc)
D'où la canicule pour (tenter de) justifier ça.
Citation:
et sur des témoignages (le détective rapporte la carte postale envoyée par la femme de Thorwald ; des témoins l'ont vue après la nuit du supposé meurtre...)
Là c'est plus discutable, mais c'est la fiabilité relative des témoignages (oculaires ?), et la question du double complice évidemment (habillé en noir/endeuillé).
Citation:
Tout ce qu'il dit sur le fait que Thorwald ne peut pas avoir avoué aussi vite au dénouement ne tient pas compte du fait qu'Hitchcock compresse la durée des scènes explicatives (dans les "Entretiens", par exemple, Truffaut évoque la scène à l'aéroport de North By Northwest, où le bruit de l'avion permet de couvrir le récit de Cary Grant et de faire durer 10 secondes un récit qui en réalité serait bien plus long à faire).
Oui mais ce dont Hitchcock fait l'économie à ce moment-là c'est d'une répétition de l'explication sur l'identité Kaplan.
Citation:
Mais quand Bayard soutient que Thorwald peut avoir "avoué" son meurtre par provocation, pour souligner l'énormité de ce dont on l'accuse, ce n'est pas invraisemblable je trouve.
Tout à fait, c'est une hypothèse intéressante. En quelque sorte, le film conclue son intrigue policière de manière expéditive car au fond, le meurtre n'est pas son véritable sujet, c'était encore une fois un prétexte, le plus important réside ailleurs, dans le regard même, et celui dont Lisa veut être l'objet.
Citation:
Sur le principe, oui, livre très stimulant : au lieu de pointer les "invraisemblances" du scénario comme des faiblesses, il s'en sert pour écrire un autre film dans le film.
Oui et même teintée d'ironie, sa plaidoirie pour la cause animale marque un point.