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MessagePosté: 29 Juil 2011, 00:11 
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Rope en VO.

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Brandon Shaw et Philip Morgan, deux étudiants New Yorkais, assassinent un de leurs camarades dans leur appartement, pour le frisson de l'expérience. Le dissimulant dans un coffre qui servira de buffet, ils invitent à une petite soirée les parents du mort, sa fiancée, et un de leurs anciens professeur...


A force de voir des extraits du film, j'avais limite fini par m'en faire une idée définitive, celle d'une prouesse technique un peu creuse. Il y a de ça, visiblement, lors de longues scènes dialoguées où Hithcock pédale : le duo - le psycho / le nerveux - n'est pas défini avec la plus grande finesse du monde (ce à quoi il faut ajouter le jeu crispant de Farley Granger), et il manque clairement quelque chose à toute l'ouverture pour faire décoller le récit (la possibilité d'un contre-champ qui brise l'impression de sagement observer le spectacle, sans doute - c'est parlant tant le premier contre-champ sur Stewart, l'un des seuls cut, secoue le film et démarre réellement l'histoire). La soirée, plus ou moins bien gérée, pas forcément très apte à faire circuler une tension liée au coffre lorsqu'elle butine dans tous les coins (notamment autour de l'histoire d'amour annexe, même si elle offre un petit passage touchant), ne sert vraiment qu'à poser une résistance au personnage du professeur, unique et salvateur moteur narratif qui fait enfin fonctionner l'ensemble.

C'est marrant de voir que la première caractéristique de ce plan-séquence, c'est d'être invisble - en tant que plan-séquence, je veux dire : la prouesse passe presque inaperçue. C'est surprenant après plusieurs décennie en ayant fait l'outil premier et spectaculaire de la virtuosité de nombreux cinéastes maniéristes, mais cette discrétion est en fait limite plus impressionnante. Au-delà du temps réel, son premier effet est surtout de donner un côté "coulé" à la soirée, de faire advenir la tension dans une vraie progression, ramenant le flot de paroles à une musicalité révélatrice du degré de stress (par les superpositions, l'arrivée d'une musique, les nombreux a-côtés, puis surtout ce super passage au piano et métronome, qui affiche et assume clairement l'idée). J'ai aimé ce côté glissant, la façon dont la nuit (et ce qui va avec elle : la fatigue, le côté gueule de bois, la lumière de plus en plus expressive...) tombe progressivement sur cette histoire. Ce n'est cependant qu'en arrivant sur ses deux dernières bobines, les meilleures, que la façon dont Hithcock utilise le plan séquence se révèle plus clairement : c'est en fait un découpage habituel (des plans fixes, à chaque étapes, que le mouvement d'appareil ne fait que lier, substituant le travelling au cut). On pourrait dire que la valeur d'un telle utilisation du plan-séquence est stérile, si l'enchaînement de plus en plus rapide des inserts ne venait stresser cette coulée continue : exactement comme le métronome, qui excite le doux air de piano.

Ainsi, malgré le basique un peu embarrassant des diatribes pro ou anti-surhomme, auquel le final ne réchappe pas, je trouve très belle toute cette fin, cette montée de tension, jusqu'à cette échappée exténuée par la fenêtre ouverte - ouvrant enfin, aérant enfin, comme si on libérait soudain toute cette énergie contenue. Le film a beau rester mineur, assez vide par pas mal d'endroits, cette montée en puissance contient tout ce qu'on peut trouver délicieux chez Hithcock.


Dernière édition par Tom le 29 Juil 2011, 00:55, édité 1 fois.

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MessagePosté: 29 Juil 2011, 00:43 
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Tu as parfaitement cerné le film, à mon sens. J'ai regardé ce film il y a 15 ans pour la prouesse, et j'ai oublié le plan-séquence passé quelques minutes. D'abord agacé par le duo, puis conforté par le maintien d'un découpage malgré tout, puis par la montée finale d'une tension bien rendue. Le film fonctionne malgré nombre défauts, et je pense que le plan-séquence est à ranger du côté des qualités.

Au delà de la thématique du surhomme, j'aime l'idée du mentor qui prend ses disciples à contre-pied. J'aime tout l'aspect libre-arbitre de l'un et sur-interprétation des autres. Dès que le sujet de l'élitisme survient dans ma vie, je repense instantanément à ce film, preuve que le scénario, didactique, a tout de même de l'intérêt et une certaine originalité. Pour moi, il est à ranger sur la même étagère que 12 hommes en colère, autre huit-clos tout aussi didactique et idéaliste (en moins poignant, certainement).

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MessagePosté: 29 Juil 2011, 00:49 
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J'imagine en plus qu'en 1948, trois ans après la guerre qui avait apporté des applications très concrètes à certaines théories élégantes, ça devait gentiment picoter et déranger. Je suis plus gêné que toi par le didactisme je crois (le fait qu'on me fasse passer pour l'élite un trio aux réflexions assez plan-plan, genre la philo pour les nuls), mais par contre je suis d'accord que tout le bénéfice en rejaillit sur Stewart, qui est un joli perso, vraiment d'abord caractérisé par le fait d'être vieillissant - fatigué de tout ça, en fait : d'être de la génération d'avant, entre deux chaises, qui voit les dégâts... Il est moins cynique que déprimé par ce que l'entoure. Définitivement, à tous points de vue, le film repose sur ses épaules.

J'avais lu que Bergman, malgré ses dénégations, avait été vachement inspiré par celui-ci (et les Amants du Capricorne), que j'ai pas vu. Cette théorie me rend curieux, je suis pas sûr de vraiment voir comment pour l'instant.


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MessagePosté: 29 Juil 2011, 01:04 
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Tom a écrit:
le fait qu'on me fasse passer pour l'élite un trio aux réflexions assez plan-plan, genre la philo pour les nuls.


Ça l'est bien davantage que le meurtre, si on part de ce principe de crédibilité... le fait qu'il faille le recontextualiser à la période d'après-guerre est une donnée primordiale pour ne pas trouver ces personnages baignés dans la naphtaline. Le film ne marche pas à coup sûr, c'est son plus gros défaut, il est loin d'être imparable pour un thriller, du moins autant que le seront les Hitchcock suivants. Mais j'ai beaucoup de tendresse pour cette fable des bons sentiments.

C'est un peu le pendant cinématographique de la filmo d'Hitchcock au topic d'elmomo "êtes vous un connard possiblement prétentieux ?", ce film. Avant un certain âge, ça peut impressioner. Trop tard, c'est juste moralisateur et manichéen en diable. J'ai eu la chance de le voir très tôt...

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MessagePosté: 29 Juil 2011, 01:26 
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Z a écrit:
C'est un peu le pendant cinématographique de la filmo d'Hitchcock au topic d'elmomo "êtes vous un connard possiblement prétentieux ?", ce film.

Lol !

En y réfléchissant, je trouve ça assez marrant la façon dont ça peut rentrer en résonance avec le cinéma d'Hithcock lui-même - tout le côté "on va les faire manger sur le coffre, on va empaqueter les livres avec la ficelle", toute cette jouissance sadique, c'est exactement ce qui définit son cinéma. Bon de là à dire que c'est de l'introspection profonde, y a un pas, mais ça apporte un petit plus.


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MessagePosté: 29 Juil 2011, 08:34 
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J'avais été surpris par les deux ou trois contre-champs, alors qu'on nous vantait tant un film d'un seul plan. C'est... Pas mal (et c'est il me semble l'un de ses films les plus réjouissant). Mais je préfère Les Amants du Capricorne où il utilise bien mieux le procédé.

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Citation:
trois ans après la guerre qui avait apporté des applications très concrètes à certaines théories élégantes


:?:
Surhomme = nazisme?

Sinon j'aime beaucoup ce film. Je pense qu'on surestime la volonté de Hitchcock a vouloir en faire un exercice de style, et seulement un exercice de style. Pour moi, et ça n'a rien d'original (mais alors pourquoi toutes les histoires du cinéma le passent-elles sous silence?) il veut théâtraliser son film, et faire un parallèle entre la virtuosité du meurtre et sa propre virtuosité d'artiste. L'une est terrifiante, l'autre acceptable. Ou se situe la différence, la sublimation? C'est une question fondamentale et personnelle à Hitchcock.


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MessagePosté: 29 Juil 2011, 19:23 
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Baptiste a écrit:
Sinon j'aime beaucoup ce film. Je pense qu'on surestime la volonté de Hitchcock a vouloir en faire un exercice de style, et seulement un exercice de style.


Lui considère ça comme un truc, une erreur "pardonnable" mais idiote qui consistait à adapter la technique à la pièce...

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MessagePosté: 29 Juil 2011, 19:52 
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Oui, j'avais appris sa propre vision des choses. Mais en même temps à l'écouter, il n'a rien fait d'autres que des petits films à suspense...


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MessagePosté: 29 Juil 2011, 21:40 
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Je précise qu'à mon sens, la vision qu'a après coup un réalisateur sur son oeuvre n'a pas forcément d'importance (srutout dans le cas de certains cinéastes bien trop modestes), je disais juste ça à titre indicatif.

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