Lu deux critiques, ça va être la même chose que ses deux précédents, plein de bons trucs parasités par un scénar de merde.
Vu et c'est exactement ça pour moi. Ça s’écroule dans la deuxième moitié où les thèmes et les ambitions peinent à s'incarner à l’écran, et le film s’étire en purée numérique confuse et déjà vue (il y a des "hommages" trop voyants qui te sortent du film d'ailleurs ...). C'est dommage parce qu’il y a de très bonnes idées à la base, de beaux plans par moments. Il y avait grave matière à faire un film moins bavard qui reposerait plus sur le langage cinématographique
quel gâchis de ne jamais voir ce que le directeur de la photo filme là, y'avait un délire à la Blow Up/Out à portée de main qui aurait pu être génial, et qui aurait permit de mieux boucler la boucle avec le chevalier de Muybridge ...
, mais Peele ne sait pas terminer ses films. Meilleur que Us (les films de soucoupes volantes ça a plus de gueule quand même) mais moins bon que Get Out (le concept marchait mieux et tenait plus la longueur, ou alors c'était la découverte de Peele qui faisait que ca fonctionnait mieux?).
Pris dans sa totalité c'est loin d’être aussi bien que Signs, faut pas déconner. J'ai même préféré The Vast of Night en fait je pense, même si c'est certainement plus une histoire de goût et que c'est débatable.
Film Freak a écrit:
Mais ce que je lis partout concernant le rapport au cinéma et au spectacle me chauffe de ouf. Ma came.
Ouais c'est cool ça d'ailleurs, mais c'est aussi inabouti malheureusement (cf les passages que je cite en spoiler plus haut).
Inscription: 04 Juil 2005, 15:21 Messages: 22991 Localisation: Paris
J’ai trouvé complètement con. Quelques plans sympas meme si le tout est emballé avec beaucoup de facilités y compris au niveau mise en scène et montage, là où pourtant je partais assez confiant. 1/6
_________________ Que lire cet hiver ? Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander) La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)
Inscription: 04 Juil 2005, 15:21 Messages: 22991 Localisation: Paris
Oh je me doute bien qu'on aura droit à la condescendance de ceux qui ont "compris le film".
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Inscription: 04 Juil 2005, 15:21 Messages: 22991 Localisation: Paris
Je mets en hide pour ceux qui ne veulent vraiment rien savoir, même si c'est dit très rapidement dans le film :
Je n'ai pas compris l'intérêt de cette histoire de singe.
_________________ Que lire cet hiver ? Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander) La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)
Peele se prend pour Kubrick et nous livre sa version de 2001. Pas étonnant que le film débute par une sitcom où un chimpanzé, qui devient incontrôlable à chaque fois que le mot jungle est prononcé (qui ne supporte donc pas qu'on lui rappelle qu'il a été extrait de son habitat naturel pour le seul plaisir des humains), fait un carnage sur un plateau de tournage. Comme chez Kubrick, ça n'est pas forcément la tribu qui fait preuve de plus d'intelligence (la capacité à créer des outils) qui est la mieux armée pour survivre. Au-delà de toute capacité intellectuelle, il est aussi question de la force brute et sauvage de la nature. C'est dans Nope, au-delà des questionnements sur notre rapport aux images et à la technologie, ce qui me semble être l'élément moteur principal. Reste à savoir si tout est aussi maîtrisé et pertinent que chez Kubrick, j'avoue que c'est encore un peu confus dans ma tête (mais j'aurais tout de même tendance à répondre, au moins partiellement, non).
Le nœud gordien du film est bien évidemment cette opposition entre OJ et cet être tapis dans les nuages qui tient à la fois de la méduse à falbalas et de la Camera Obscura. Lorsque la bête se déploie totalement j'avoue être resté assez circonspect, par contre j'aime sa bouche en forme d'objectif photographique carré qui se déploie comme un flash, et les séquences où elle ingurgite tout ce quelle aspire par son objectif long et étroit sont probablement ce que j'ai préféré d'elle, il y a un côté grotesque et naïf - on a l'impression d'être dans ces structures gonflables géantes pour enfant - totalement assumé et assez jouissif. La gorgone (on va l'appeler comme ça, et la référence ne me semble pas mauvaise, parce qu'il est tout autant présomptueux de vouloir la regarder dans les yeux) personnifie l'état sauvage ultime de la nature, incontrôlable et dévastateur. A l'opposé OJ est par essence le démiurge humain, qui par sa fonction (dresseur de chevaux) a vocation à la contrôler. Entre eux, une humanité mercantile assujettie à la technologie. C'est là où Peele déroule son discours vis-à-vis de notre rapport aux images, où on a aussi l'impression qu'il règle ses comptes avec une certaine industrie cinématographique, qui fait des films au mètre sans se soucier de la qualité de ce qui est saisi. C'est tout le sujet du fameux plan impossible, que la sauvagerie de la Gorgone rend impossible à capter avec des caméras modernes, et qui ne sera finalement possible qu'en revenant à l'essence du cinématographe, en se débarrassant de toutes technicités et en retrouvant la pureté originel du médium. Et c'est aussi ce qui est la plus grande faiblesse du film de mon point de vue, la nécessité qu'il a éprouvé à résoudre l'opposition entre humanité et animalité, comme si l'un devait nécessairement prendre le contrôle sur l'autre, d'autant plus quand c'est le premier qui l'emporte (à rebours de tout ce que nous sommes en train de vivre actuellement).
flatclem a écrit:
Meilleur que Us (les films de soucoupes volantes ça a plus de gueule quand même) mais moins bon que Get Out (le concept marchait mieux et tenait plus la longueur, ou alors c'était la découverte de Peele qui faisait que ca fonctionnait mieux?).
Meilleur que Us peut-être, bien que je les trouve d'un niveau relativement comparable. Le problème c'est que Us prend son ampleur sur la longueur, j'avais été particulièrement marqué par sa dernière partie, quand Nope ma donné l'impression inverse, il se rabougrit et finit un peu en eau de boudin (je n'aime vraiment pas la fin). Get Out est clairement au-dessus des deux, ce qui me laisse à penser que la qualité du cinéma de Peele est inversement proportionnel à la complexité de ses scénarios. Je lui souhaite de se re-simplifier à l'avenir, avoir une ligne claire n'est pas nécessairement synonyme de moins d'ambition.
Aussi parce qu'à force de complexité on finit nécessairement par se prendre à un moment les pieds dans ses propres ficelles scénaristiques. Le monstre est apparemment tapit dans son nuage depuis 6 mois, date à laquelle il a digéré son dernier repas (et tuer le père d'OJ d'une pièce dans l’œil qui est venue se loger dans le cerveau. L'argent qui tue, Peele se prend aussi pour Bresson ?). Vu le caractère insatiable de sa voracité qui le fait sortir chaque jour pour se nourrir, pourquoi est-il donc resté inactif pendant 6 mois ?
flatclem a écrit:
Il y avait grave matière à faire un film moins bavard qui reposerait plus sur le langage cinématographique
quel gâchis de ne jamais voir ce que le directeur de la photo filme là, y'avait un délire à la Blow Up/Out à portée de main qui aurait pu être génial, et qui aurait permit de mieux boucler la boucle avec le chevalier de Muybridge ...
Le film est déjà très riche (trop à mon gout), et surtout la boucle est déjà bouclée par les ultimes photos prises par Em. Le sujet n'est de toute manière pas compatible avec un traitement à la Blow Up/Out, Peele ne questionne pas la nature des images, ce qu'elles cachent ou recèlent, mais notre propre rapport à l'image, notre boulimie à tout enregistrer tout, tout le temps et n'importe comment quitte à se faire soi-même absorber et digérer par ce médium. C'est en retournant à son origine - le dispositif de captation forain -, en retrouvant une certaine pureté ou une certaine innocence qu'Em est finalement capable de prendre
Je mets en hide pour ceux qui ne veulent vraiment rien savoir, même si c'est dit très rapidement dans le film :
Je n'ai pas compris l'intérêt de cette histoire de singe.
En fait je trouve que l'on comprends assez facilement l'intention originale, comme l'explique très bien Lohmann, mais c'est tellement mal raccordé au reste, c'est posé là comme ca sans réel effort d'intégration dans la trame principale, que ca annule tout son potentiel. D'ailleurs le film est plus ou moins decoupé en chapitres non? Je ne me souviens plus très bien. Ca fait un peu aveu de faiblesse déguisé en gimmick de film d'auteur.
Lohmann a écrit:
flatclem a écrit:
Meilleur que Us (les films de soucoupes volantes ça a plus de gueule quand même) mais moins bon que Get Out (le concept marchait mieux et tenait plus la longueur, ou alors c'était la découverte de Peele qui faisait que ca fonctionnait mieux?).
Meilleur que Us peut-être, bien que je les trouve d'un niveau relativement comparable. Le problème c'est que Us prend son ampleur sur la longueur, j'avais été particulièrement marqué par sa dernière partie, quand Nope ma donné l'impression inverse, il se rabougrit et finit un peu en eau de boudin (je n'aime vraiment pas la fin). Get Out est clairement au-dessus des deux, ce qui me laisse à penser que la qualité du cinéma de Peele est inversement proportionnel à la complexité de ses scénarios. Je lui souhaite de se re-simplifier à l'avenir, avoir une ligne claire n'est pas nécessairement synonyme de moins d'ambition.
Aussi parce qu'à force de complexité on finit nécessairement par se prendre à un moment les pieds dans ses propres ficelles scénaristiques. Le monstre est apparemment tapit dans son nuage depuis 6 mois, date à laquelle il a digéré son dernier repas (et tuer le père d'OJ d'une pièce dans l’œil qui est venue se loger dans le cerveau. L'argent qui tue, Peele se prend aussi pour Bresson ?). Vu le caractère insatiable de sa voracité qui le fait sortir chaque jour pour se nourrir, pourquoi est-il donc resté inactif pendant 6 mois ?
Très juste. Après moi c'est la première moitié de Us que j'aimais bien. Je préfère les jeux d'ombres et de mirroir de thriller concept que les fantaisies visuelles de la deuxième moitié. Le même problème se reproduit dans Nope (et dans Get Out dans une certaine mesure je trouve), même si ca fait mouche visuellement ici à quelques moments.
Lohmann a écrit:
flatclem a écrit:
Il y avait grave matière à faire un film moins bavard qui reposerait plus sur le langage cinématographique
quel gâchis de ne jamais voir ce que le directeur de la photo filme là, y'avait un délire à la Blow Up/Out à portée de main qui aurait pu être génial, et qui aurait permit de mieux boucler la boucle avec le chevalier de Muybridge ...
Le film est déjà très riche (trop à mon gout), et surtout la boucle est déjà bouclée par les ultimes photos prises par Em.
Sur le papier peut être, mais c'est un peu nase en image. Je trouve qu'on aurait pu se passer de ce "méchanisme" vu que l'idée de la caméra manivelle était là et me paraissait meilleure. Scrutiner et être obsédé par les images, les enregistrements sonores, etc .. est un élément central du genre, c'est pour ca que je comparait à Blow Up/Out (Rencontre ..., Signs et même The Vast of the Night). Là on nous tease avec cette idée (les photos de Muybridge, les caméras de surveillance) mais c'est laissé sur le bas côté au profit d'une orgie visuelle pas très satisfaisante et facile.
Je trouve que le film aurait gagné à rester plus petit et à se concentrer sur son mystère plutôt que d'essayer "d'en donner au public pour son argent"
Sur le dernier point je ne peux qu’être d’accord, il y a facilement 50% de choses en trop dans le film, qui font toutes sens mais qui au final perdent le spectateur inutilement. Si on voulait faire la liste des références que Peele convoque on aurait pas assez de la nuit pour les lister… la plus cocasse c’est tout de même Crocodile Dundee avec le gimmick sur le regard pour apprivoiser la bête sauvage.
Inscription: 25 Nov 2005, 00:46 Messages: 87087 Localisation: Fortress of Précarité
Lohmann a écrit:
Aussi parce qu'à force de complexité on finit nécessairement par se prendre à un moment les pieds dans ses propres ficelles scénaristiques. Le monstre est apparemment tapit dans son nuage depuis 6 mois, date à laquelle il a digéré son dernier repas (et tuer le père d'OJ d'une pièce dans l’œil qui est venue se loger dans le cerveau. L'argent qui tue, Peele se prend aussi pour Bresson ?). Vu le caractère insatiable de sa voracité qui le fait sortir chaque jour pour se nourrir, pourquoi est-il donc resté inactif pendant 6 mois ?
Il n'est pas resté inactif, il est nourri par Jupe (le tenancier-animateur du parc) qui lui file les chevaux achetés à OJ. C'est pourquoi il masque sa réaction quand, au début du film, OJ évoque la possibilité de les racheter. On le comprend quand on voit le spectacle Star Lasso Experience qui part malheureusement en couille (comme le tournage de la sitcom avec Gordy le chimpanzé, Jupe n'ayant pas appris la leçon sur l'imprévisibilité des bêtes) parce que Lucky le cheval est récalcitrant (comme dans la deuxième scène du film). Il refuse de sortir de sa cage de verre alors l'alien s'énerve et vient bouffer tout le monde alors que jusque là, Jupe était, comme il le marmonne au début du spectacle "the chosen one" et que ses spectacles où il pensait avoir apprivoisé l'alien se passaient sans souci. A la limite, la question qu'on pourrait poser pour chercher des noises au film est plutôt "6 mois que personne ne s'interroge sur la qualité des effets spéciaux du spectacle Star Lasso Experience? " mais quand tu vois le nombre réduit de spectateurs et l'interdiction de téléphones portables...
Lohmann a écrit:
Sur le dernier point je ne peux qu’être d’accord, il y a facilement 50% de choses en trop dans le film, qui font toutes sens mais qui au final perdent le spectateur inutilement. Si on voulait faire la liste des références que Peele convoque on aurait pas assez de la nuit pour les lister… la plus cocasse c’est tout de même Crocodile Dundee avec le gimmick sur le regard pour apprivoiser la bête sauvage.
C'est pas une référence à Crocodile Dundee mais aux Aventuriers de l'Arche perdue. Dans le climax du film, les nazis s'isolent dans une vannée désertique pour ouvrir l'Arche. Indy intime à Marion de ne surtout pas regarder, de manière à témoigner de l'humilité face au divin. Belloq et les nazis n'ont évidemment pas cette humilité et ils finissent tous tués. Il y a d'ailleurs plusieurs caméras qui filment l'événement et ce sont les premières à être visées par les éclairs qui émanent soudainement de l'Arche (et les cameramen avec). Nope parle d'addiction au spectacle, de notre incapacité à ne pas regarder, que le spectacle soit merveilleux ou horrifique, d'où la nécessité de détourner le regard. La référence la plus incongrue, c'est l'hommage à Akira, mais c'est juste un clin d’œil visuel (quoique, j'ai aucun souvenir du film donc peut-être un lien existe-t-il).
flatclem a écrit:
Vu et c'est exactement ça pour moi. Ça s’écroule dans la deuxième moitié où les thèmes et les ambitions peinent à s'incarner à l’écran
C'est pourtant là qu'elles s'incarnent le plus!
L'alien qui passe de simili-soucoupe volante à créature mi-toile de ciné, mi-camera obscura, manifestation du spectacle qu'il ne faut pas regarder parce qu'il détruit tout et qu'il faut se réapproprier...
Citation:
C'est dommage parce qu’il y a de très bonnes idées à la base, de beaux plans par moments. Il y avait grave matière à faire un film moins bavard qui reposerait plus sur le langage cinématographique
quel gâchis de ne jamais voir ce que le directeur de la photo filme là, y'avait un délire à la Blow Up/Out à portée de main qui aurait pu être génial, et qui aurait permit de mieux boucler la boucle avec le chevalier de Muybridge ...
, mais Peele ne sait pas terminer ses films.
Lohmann a écrit:
Le film est déjà très riche (trop à mon gout), et surtout la boucle est déjà bouclée par les ultimes photos prises par Em. Le sujet n'est de toute manière pas compatible avec un traitement à la Blow Up/Out, Peele ne questionne pas la nature des images, ce qu'elles cachent ou recèlent, mais notre propre rapport à l'image, notre boulimie à tout enregistrer tout, tout le temps et n'importe comment quitte à se faire soi-même absorber et digérer par ce médium. C'est en retournant à son origine - le dispositif de captation forain -, en retrouvant une certaine pureté ou une certaine innocence qu'Em est finalement capable de prendre
Je dirais même plus
qu'il fallait la mort justement du chasseur blanc (le chef op), perdu par sa gourmandise (il a déjà le plan parfait mais "la lumière va être ouf là, je vais sur la colline"), parce que c'est aux descendants de la "première star de cinéma", un noir anonymisé par l'Histoire, de reprendre leur place au sein de l'Histoire de l'image en capturant (l'image) de la bête, c'est le point final logique. Et c'est pas pour rien qu'OJ réapparaît immobile, dans un cadre (le portail "Out Yonder" du parc), et progressivement dans la fumée (comme un des polaroïds du puits qui se développent lentement).
Citation:
Meilleur que Us (les films de soucoupes volantes ça a plus de gueule quand même) mais moins bon que Get Out (le concept marchait mieux et tenait plus la longueur, ou alors c'était la découverte de Peele qui faisait que ca fonctionnait mieux?).
Pris dans sa totalité c'est loin d’être aussi bien que Signs, faut pas déconner. J'ai même préféré The Vast of Night en fait je pense, même si c'est certainement plus une histoire de goût et que c'est débatable.
Lohmann a écrit:
Meilleur que Us peut-être, bien que je les trouve d'un niveau relativement comparable. Le problème c'est que Us prend son ampleur sur la longueur, j'avais été particulièrement marqué par sa dernière partie, quand Nope ma donné l'impression inverse, il se rabougrit et finit un peu en eau de boudin (je n'aime vraiment pas la fin). Get Out est clairement au-dessus des deux, ce qui me laisse à penser que la qualité du cinéma de Peele est inversement proportionnel à la complexité de ses scénarios. Je lui souhaite de se re-simplifier à l'avenir, avoir une ligne claire n'est pas nécessairement synonyme de moins d'ambition.
Pour moi, c'est meilleur que tout ça. J'avais aimé Get Out, très bon épisode long de La Quatrième dimension, sans en être fou et j'avais été déçu par Us, intéressant mais moins maîtrisé. Signs, j'aime beaucoup mais le prêchi-prêcha final désamorce quelque peu le discours sur la peur et ça me laisse un peu un mauvais goût dans la bouche in fine. The Vast of Night, c'est pas mal mais loin de brasser autant de choses que tous les exemples susmentionnés. Nope est meilleur que Super 8 aussi, qui a sans doute moins bonne presse que les autres mais qui est plus proche du film de Pelle que ne l'est Signs, tant pour les multi-références à Spielberg que pour le rapport à l'image (dans le Abrams déjà, les cinéastes en herbe capturaient une image de l'extra-terrestre et ce n'est que par le truchement de l'image cinématographique que le fantastique devenait réalité à leurs yeux).
L'autre film auquel j'ai pensé, c'est...Inglourious Basterds. Enfin, de manière plus générale, à la carrière récente de Tarantino où les protagonistes sont issus du milieu du cinéma (dans Basterds, un ancien critique devient soldat, un soldat devient acteur, une actrice est agent double ; dans Death Proof, une actrice, une maquilleuse et deux cascadeuses se battent contre un cascadeur ; dans Once Upon a Time in Hollywood...bref). Dans Nope, Jordan Peele refait Les Dents de la mer en inversant mer et ciel, substituant les petits fanions aux barils, son Brody est un tandem de frère et sœur dresseurs de chevaux pour le cinéma, son Hooper bosse dans un magasin de fournitures électroniques et son Quint est un chef opérateur.
J'adore cette galerie de personnages et j'ai kiffé les acteurs qui les jouent. Le talent de Daniel Kaluuya n'est plus à prouver et il est parfait en vieux cow-boy moderne et mutique mais Keke Palmer et son énergie folle et Brandon Perea et son comique gestuel sont de vraies révélations. Quant à Michael Wincott, quel plaisir de revoir (et de réentendre surtout!) le méchant des années 90, surtout dans un rôle de gentil.
flatclem a écrit:
Film Freak a écrit:
Mais ce que je lis partout concernant le rapport au cinéma et au spectacle me chauffe de ouf. Ma came.
Ouais c'est cool ça d'ailleurs, mais c'est aussi inabouti malheureusement (cf les passages que je cite en spoiler plus haut).
Et donc j'ai trouvé ça tout bonnement mortel.
Lohmann a écrit:
Peele se prend pour Kubrick et nous livre sa version de 2001. Pas étonnant que le film débute par une sitcom où un chimpanzé, qui devient incontrôlable à chaque fois que le mot jungle est prononcé (qui ne supporte donc pas qu'on lui rappelle qu'il a été extrait de son habitat naturel pour le seul plaisir des humains), fait un carnage sur un plateau de tournage.
Alors attention, ça c'est la version du sketch du Saturday Night Live inspiré par la tragédie, on voit dans un flashback que le chimpanzé pète un câble à cause d'un ballon qui pète. Ça m'a rappelé une anecdote que m'avait raconté Z sur son chat. Un jour, Z est assis à son bureau et, en bougeant sa chaise, cette dernière émet un grincement aigu qui a subitement et inexplicablement causé au chat de passer en mode SAUVAGE, braqué en arrière, la gueule ouverte, à cracher, comme s'il allait attaquer. Il n'a visiblement pas eu d'autres choix que d'appeler un véto/des secours pour qu'ils viennent embarquer l'animal qui a dû être piqué. Toutefois, oui, c'est évidemment le sous-texte impliqué par ce sketch qu'imagine Peele.
Citation:
Comme chez Kubrick, ça n'est pas forcément la tribu qui fait preuve de plus d'intelligence (la capacité à créer des outils) qui est la mieux armée pour survivre. Au-delà de toute capacité intellectuelle, il est aussi question de la force brute et sauvage de la nature. C'est dans Nope, au-delà des questionnements sur notre rapport aux images et à la technologie, ce qui me semble être l'élément moteur principal. Reste à savoir si tout est aussi maîtrisé et pertinent que chez Kubrick, j'avoue que c'est encore un peu confus dans ma tête (mais j'aurais tout de même tendance à répondre, au moins partiellement, non).
Il est toujours question d'exploitation dans les films de l'auteur. Exploitation d'une "race" par une autre dans Get Out, exploitation d'une "classe" par une autre dans Us, et là c'est l'exploitation d'une espèce par une autre qui est dénoncée. Il n'y a même plus de métaphore comme dans ses deux premiers longs d'ailleurs, l'exploitation de Gordy le chimpanzé n'a rien de métaphorique, elle existe telle quelle dans notre monde. L'incident survenu dans le spectacle de Siegfried & Roy est même cité dans le texte (deux magiciens de Las Vegas célèbres pour leurs performances avec des tigres blancs de 1967 à 2003 quand un des tigres attaqua Roy durant un spectacle).
D'ailleurs, tu as tout dit ici :
Citation:
Le nœud gordien du film est bien évidemment cette opposition entre OJ et cet être tapis dans les nuages qui tient à la fois de la méduse à falbalas et de la Camera Obscura. Lorsque la bête se déploie totalement j'avoue être resté assez circonspect, par contre j'aime sa bouche en forme d'objectif photographique carré qui se déploie comme un flash, et les séquences où elle ingurgite tout ce quelle aspire par son objectif long et étroit sont probablement ce que j'ai préféré d'elle, il y a un côté grotesque et naïf - on a l'impression d'être dans ces structures gonflables géantes pour enfant - totalement assumé et assez jouissif. La gorgone (on va l'appeler comme ça, et la référence ne me semble pas mauvaise, parce qu'il est tout autant présomptueux de vouloir la regarder dans les yeux) personnifie l'état sauvage ultime de la nature, incontrôlable et dévastateur. A l'opposé OJ est par essence le démiurge humain, qui par sa fonction (dresseur de chevaux) a vocation à la contrôler. Entre eux, une humanité mercantile assujettie à la technologie. C'est là où Peele déroule son discours vis-à-vis de notre rapport aux images, où on a aussi l'impression qu'il règle ses comptes avec une certaine industrie cinématographique, qui fait des films au mètre sans se soucier de la qualité de ce qui est saisi. C'est tout le sujet du fameux plan impossible, que la sauvagerie de la Gorgone rend impossible à capter avec des caméras modernes, et qui ne sera finalement possible qu'en revenant à l'essence du cinématographe, en se débarrassant de toutes technicités et en retrouvant la pureté originel du médium.
C'est sur le reste que je suis moins d'accord :
Citation:
Et c'est aussi ce qui est la plus grande faiblesse du film de mon point de vue, la nécessité qu'il a éprouvé à résoudre l'opposition entre humanité et animalité, comme si l'un devait nécessairement prendre le contrôle sur l'autre, d'autant plus quand c'est le premier qui l'emporte (à rebours de tout ce que nous sommes en train de vivre actuellement).
Je me suis initialement fait le même réflexion.
Pourquoi est-ce que ça doit finir comme Les Dents de la mer, avec la mort explosive de la bête? Spielberg lui-même a changé son fusil d'épaule en filmant les dinosaures de Jurassic Park comme des animaux et non comme des monstres. D'ailleurs, dans Jurassic Park, les dinosaures et le parc étaient déjà des allégories du spectacle et du cinéma. Spielberg exorcisait l'horrible expérience de Hook en montrant un Disneyland qui partait en couille, punissant l'hybris de l'Homme se prenant pour Dieu et pensant pouvoir maîtriser la Nature. Peele rend même hommage au film avec la scène où OJ reste enfermé dans son véhicule comme spectateur de l'attaque de la bête (comme les personnages de Jurassic Park dans leurs jeeps durant l'attaque du T-Rex). Comme dit plus haut, dans Nope, l'alien ne représente pas uniquement un animal que l'humain va chercher à exploiter mais le spectacle, le cinéma. Jupe fait l'erreur de vouloir l'exploiter comme un animal, pour le spectacle, et subit le même sort que ses co-stars de Gordy's Home (auquel il avait échappé enfant parce qu'il avait créé un lien avec l'animal), là où OJ et Emerald veulent l'exploiter pour le spectacle lui-même. Ils veulent exploiter l'image. Leur motivation paraît cupide au premier abord, et l'est sans doute, mais ce n'est pas un hasard si Peele fait d'eux les descendants du "premier acteur", un noir invisibilisé, et qu'ils ont comme objectif non pas une vidéo virale sur YouTube mais une vidéo qui passerait chez Oprah (Winfrey), sans doute la personne noire la plus populaire/puissante/parvenue. C'est un statut qu'ils désirent. En anéantissant le spectacle qui nous consomme avec l'outil photographique comme Muybridge, ils renouent avec l'héritage de leur aïeul et OJ, cavalant sur le dos de Lucky dans le désert pour fuir la bête, devient un vrai héros (de cinéma, cf. ce que je dis plus haut sur son apparition finale en mode polaroïd). D'ailleurs, son nom n'est pas un hasard non plus. Il s'appelle Otis Junior mais assume l'appellation OJ, à la surprise des blancs qui associent inévitablement ce nom à OJ Simpson, assassin. Il l'assume fièrement, comme hommage à son père sans doute mais également pour se réapproprier ce nom tout comme il se réappropriera son héritage, sa place dans l'Histoire du cinéma. C'est une exploitation dans un but, inconscient, plus "noble" (que "on va passer chez Ophrah et se faire des ronds").
Et même sans cette passionnante réflexion, Nope serait tout de même un film fantastique haletant, intense et drôle, où l'IMAX (Peele est parti chercher Hoyte Von Hoytema, chef op des derniers Nolan) sert autant le spectaculaire que l'horrifique.
Les scènes de l'alien sont évidemment en IMAX mais l'attaque de Gordy l'est aussi et l'immersion dans cette scène est autrement plus intense.
Et quelles visions d'horreur, putain.
J'ai vu passer un tweet qui déplore que, contrairement à Spielberg, Peele nous montre "l'intérieur du vaisseau". Au-delà du fait que ça n'a rien à voir, je ne suis pas prêt d'oublier ces gens en train d'être digérés, tout comme je n'oublierai pas la pluie de sang sur la maison ni l'agression, pourtant cachée, des acteurs de la sitcom par Gordy.
Pour un film sur le regard et notre avidité de spectacle, Peele sait exactement quoi montrer et quoi suggérer.
Non, vraiment, j'ai trouvé ça super enthousiasmant. C'est 100% ma came. Un film aussi spielbergien et sur le cinéma ne pouvait que me parler.
Inscription: 04 Juil 2005, 15:21 Messages: 22991 Localisation: Paris
Ça n’explique pas la chaussure tenant debout toute seule.
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Ça n’explique pas la chaussure tenant debout toute seule.
C'est toujours la même référence à 2001, la chaussure en lévitation c'est le monolithe, que Jupe a récupéré et placé en pièce de maitre dans son musée sur la série Gordy's Home. Et comme le monolithe de 2001 sa présence et sa signification reste pareillement questionnable, c'est son essence même.
Aussi parce qu'à force de complexité on finit nécessairement par se prendre à un moment les pieds dans ses propres ficelles scénaristiques. Le monstre est apparemment tapit dans son nuage depuis 6 mois, date à laquelle il a digéré son dernier repas (et tuer le père d'OJ d'une pièce dans l’œil qui est venue se loger dans le cerveau. L'argent qui tue, Peele se prend aussi pour Bresson ?). Vu le caractère insatiable de sa voracité qui le fait sortir chaque jour pour se nourrir, pourquoi est-il donc resté inactif pendant 6 mois ?
Il n'est pas resté inactif, il est nourri par Jupe (le tenancier-animateur du parc) qui lui file les chevaux achetés à OJ. C'est pourquoi il masque sa réaction quand, au début du film, OJ évoque la possibilité de les racheter. On le comprend quand on voit le spectacle Star Lasso Experience qui part malheureusement en couille (comme le tournage de la sitcom avec Gordy le chimpanzé, Jupe n'ayant pas appris la leçon sur l'imprévisibilité des bêtes) parce que Lucky le cheval est récalcitrant (comme dans la deuxième scène du film). Il refuse de sortir de sa cage de verre alors l'alien s'énerve et vient bouffer tout le monde alors que jusque là, Jupe était, comme il le marmonne au début du spectacle "the chosen one" et que ses spectacles où il pensait avoir apprivoisé l'alien se passaient sans souci. A la limite, la question qu'on pourrait poser pour chercher des noises au film est plutôt "6 mois que personne ne s'interroge sur la qualité des effets spéciaux du spectacle Star Lasso Experience? " mais quand tu vois le nombre réduit de spectateurs et l'interdiction de téléphones portables...
Très juste. Je pourrai vouloir chipoter en prétextant qu'il n'a certainement pas pu acheter plus d'une centaine de chevaux à OJ, mais il n'est sûrement pas son seul fournisseur de chair fraiche. Ce qui invalide en tout cas complètement ma remarque.
Film Freak a écrit:
Lohmann a écrit:
Sur le dernier point je ne peux qu’être d’accord, il y a facilement 50% de choses en trop dans le film, qui font toutes sens mais qui au final perdent le spectateur inutilement. Si on voulait faire la liste des références que Peele convoque on aurait pas assez de la nuit pour les lister… la plus cocasse c’est tout de même Crocodile Dundee avec le gimmick sur le regard pour apprivoiser la bête sauvage.
C'est pas une référence à Crocodile Dundee mais aux Aventuriers de l'Arche perdue. Dans le climax du film, les nazis s'isolent dans une vannée désertique pour ouvrir l'Arche. Indy intime à Marion de ne surtout pas regarder, de manière à témoigner de l'humilité face au divin. Belloq et les nazis n'ont évidemment pas cette humilité et ils finissent tous tués. Il y a d'ailleurs plusieurs caméras qui filment l'événement et ce sont les premières à être visées par les éclairs qui émanent soudainement de l'Arche (et les cameramen avec). Nope parle d'addiction au spectacle, de notre incapacité à ne pas regarder, que le spectacle soit merveilleux ou horrifique, d'où la nécessité de détourner le regard.
La référence à Crocodile Dundee m'est venu avec le geste que fait OJ (les deux doigts qui vont de ses yeux à ceux de sa sœur), et vu que je n'ai aucun souvenir du Spielberg, je te crois sans soucis, nul doute que tu maitrises mieux l'univers spielbergien que moi
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