Qui-Gon Jinn a écrit:
Ça faisait plusieurs mois que je voulais créer un topic pour parler d'affaires judiciaires et j'ai été plusieurs fois tenté (notamment récemment sur l'affaire Jacqueline Sauvage), d'autant plus qu'on a ce bon Billy Budd dans le coin pour apporter son expertise.
Aujourd'hui, je me lance à cause de l'affaire Polanski.
On a pas mal parlé de ça sur les réseaux sociaux mais j'ai franchement hésité à me mouiller car sur Twitter c'est juste pas possible (essayer de tenir un propos nuancé sur un truc aussi complexe en 140 caractères devant des inconnus au jugement hyper tranché, très peu pour moi), et même sur Facebook je trouve ça pas idéal. Il y a toujours un mec qui te connaît pas qui va venir déformer tes propos ou autre donc j'ai préféré m'abstenir.
Courage zéro.
Citation:
Je relance donc le sujet ici car, à tout vous dire, j'ai été assez chagriné par l'hallali qui a suivi l'annonce de sa présidence (désormais annulée) des Césars. Tout ce que ça soulève par rapport à la "prescription" (oui, je sais que c'est pas exactement le bon terme, là) et le droit à l'oubli (là aussi, c'est pas tout à fait ad hoc car il n'a pas purgé de vraie peine) est quand même tendu.
Bah non, étant donné que tu démontes toi-même tes "arguments".
Citation:
Ca soulève plein de questions: Combien de temps doit-on "payer" sa faute ?
Encore faudrait-il qu'il l'ait payé. On peut entrer dans les détails de la première condamnation et de l'acharnement du procureur de l'époque mais le mec a tout de même fui la justice.
Citation:
Sa fuite masque-t-elle une fuite de sa responsabilité ?
Il a surtout pas envie d'aller en taule, je dirais. Il a pas envie que cette affaire, qui n'est évoquée que sporadiquement aujourd'hui, prenne soudain une encore plus grosse médiatisation s'il acceptait un procès.
Citation:
Quid de la justice américaine ?
Tu veux dire, est-elle réellement juste ou injuste? Là c'est un autre débat.
Citation:
Et l'avis de la victime dans tout ça ? Et le fait qu'il l'a indemnisée ?
Ça ne compte pas. Ni la victime ni l'indemnisation ne se substituent à la justice.
La victime fait ce qu'elle a à faire pour procéder à sa guérison, au travail sur elle-même. Si elle veut lui pardonner, ça ne le regarde qu'elle. Mais c'est pas Judge Dredd.
Citation:
En plus, on a beaucoup caricaturé l'affaire, dans les deux sens: entre ses vieux potes qui disent "Circulez y a rien à voir" et les jeunes qui semblent découvrir l'affaire (où étaient-ils lorsqu'il gagnait la Palme d'Or ou qu'il présidait Cannes ? Ou même y a 2 ans lorsqu'il montrait LA VENUS A LA FOURRURE ?)
C'est pas parce qu'on a laissé faire qu'on doit continuer à laisser faire.
Citation:
et ont un jugement encore plus intransigeant que la victime elle-même, c'était assez chaud.
Le problème c'est que cela ne concerne pas uniquement Samantha Geimer, cela concerne toutes les victimes de viol (voire même toutes les victimes potentielles de viol). C'est une chose de faire la part des choses entre l'oeuvre et l'homme mais pousser le vice jusqu'à le foutre président d'une cérémonie médiatisée, c'est accentuer la normalisation ou plutôt la minimisation de son acte. Dans un monde où il est encore difficile de réussir à faire condamner un violeur, parce que la parole de la victime n'est pas suffisamment prise au sérieux, parce qu'on est encore dans une société patriarcale où l'homme (blanc cis hétéro
) est privilégié, qui plus est quand il s'agit de célébrités, un système, une industrie, un peuple qui continue à "cautionner" de la sorte n'aide pas à faire progresser les choses. Et cette attitude néfaste se retrouve partout, dans l'Académie des César qui ferme les yeux jusque dans les articles qui n'évoquent presque jamais le mot "viol" ou "mineure".