Merci, Matthew.
Merci de confirmer que j'avais eu raison de croire en toi lorsqu'en 2004, à l'époque où une sortie dans les salles françaises n'était même pas encore prévue, j'avais téléchargé ton premier long métrage en tant que réalisateur, Layer Cake, et avais cru déceler un semblant de patte dans ta mise en scène. On aurait pas pu parler de style personnel mais il y avait clairement une touche qui distinguait ton film de gangsters britanniques du tout-venant et qui transcendait le scénario destiné à Guy Ritchie, que tu t'étais contenté de produire jusqu'alors. Que ce soit le choix d'aller chercher Lisa Gerrard pour prêter ses mélodies à un genre où on l'aurait jamais imaginé ou bien la froideur et la violence que tu n'hésitais pas à saupoudrer d'un peu d'humour, pour le flegme british, y avait un truc. Ce truc que je n'ai pas vraiment retrouvé sur tes deux films suivants, Stardust et surtout Kick-Ass...et que j'aurai aimé te voir appliquer à X-Men 3 que tu devais initialement mettre en scène.
Il y a un an, en sortant de Kick-Ass, j'écrivais ceci :
"Disons que j'aurai bien voulu voir Vaughn faire le Layer Cake du film de super-héros et qu'il a plutôt fait le Stardust du film de super-héros."C'était sans doute l'aspect du film où résidait ma principale déception et je ne pouvais l'imputer au film lui-même, qui n'avait pas cette vocation. Il y a un terme anglophone qui n'a pas de réel équivalent français :
earnest. De tête, je l'aurai traduit par un amalgame de "sincère", "intègre" et "premier degré". Internet le traduit par "sérieux", "sincère", "ferme", "fervent" mais aussi "cher" et "pénétré". C'est cette qualité qui me manquait dans Kick-Ass. Même Stardust était plus
earnest. Bien qu'il s'agisse d'un conte de fées conscient de soi, Vaughn semblait davantage y croire, là où Kick-Ass me paraît plus détaché. Du coup, lorsque Kick-Ass devenait soudainement sérieux, comme par exemple lorsqu'il se faisait violent, ça manquait à mon goût de
gravitas. Je n'y croyais pas.
J'y crois dans X-Men : First Class.
J'y crois parce que Matthew Vaughn y croit.
Après le rendez-vous manqué de 2006 (dans lequel il a néanmoins joué un grand rôle, le scénario finalement tourné par Brett Ratner ayant été écrit à partir de son traitement), Vaughn s'attelle enfin à la saga, qui marque également le retour de l'enfant prodige, Bryan Singer (dont le spectre flottait également au-dessus du film de Ratner, qui singeait sa mise en scène et bouclait les intrigues laissées en suspens par les deux précédents chapitres).
Ensemble, ils ont tout compris. Et non seulement ils ont tout compris, mais en plus ils ont des couilles.
Comme en témoigne la toute première séquence, X-Men : First Class est un habile retour aux sources qui respecte ses prédécesseurs tout en sachant s'en démarquer. Une chose est sûre, avec cette intro qui donne le ton, on retrouve le sérieux et la classe qui caractérisent les deux films de Singer.
En 2000, il n'y avait rien. Il y avait Blade. Et de lointaines adaptations plus ou moins datées. Avant toute formule, Singer a fait sa tambouille. Il a ouvert une porte que le Spider-Man de David Koepp a franchi en imposant un modèle que TOUTES les autres adaptations ont suivi alors. Malgré quelques variations, la structure de Daredevil, Hulk, Fantastic Four, The Punisher, Iron Man, etc., c'est peu ou prou toujours la même. Et le ton aussi, plus ou moins similaire à la légèreté du film de Sam Raimi (y a qu'Ang Lee qui s'en démarque un peu).
En 2003, Bryan, lui, il continue sur sa lancée. Il reste dans son délire pseudo-politique de factions mutantes malcolmxo-martinlutherkingienne qui s'affrontent avec au milieu l'avenir des humains et la manière dont le monde sera façonnée, à quelle image et par qui et selon quoi. C'est du lourd. Ca pèse. A part Christopher Nolan - qui pousse le vice encore plus loin - y a pas vraiment d'autres metteurs en scène qui ont appréhendés le genre de cette manière, avec ce sérieux-là, avec ce
gravitas.
C'est sans doute pour ça que cette série, avec les Batman de Nolan, est si chère à mes yeux et demeure celle que je porte dans mon coeur au top du genre. Je ne vais pas nier mon affection particulière et subjective pour cette licence mais ici, je pense qu'il s'agit d'une vraie réussite. J'aime X-Men 3 malgré ses défauts, mais j'adore X-Men : First Class pour ses qualités.
Et elles sont fort nombreuses.
Vaughn & Singer et Cie auraient pu se contenter de raconter l'amitié et la séparation d'Erik Lensherr et Charles Xavier mais l'univers qu'ils tissent va bien au-delà des simples préoccupations d'une préquelle.
Contrairement à X-Men 3, rien ne paraît précipité ici. Le récit prend bien son temps pour faire vivre les principaux personnages. Evidemment, certains sont à peine esquissés, mais il s'agit principalement d'hommes de main (Riptide) ou de seconds couteaux symboliques (Angel). Il n'y a pas un personnage principal qui pâtisse du temps consacré aux autres comme l'était ce pauvre Cyclops dans la trilogie originale. Chacun a sa place : Banshee et Havok servent de
comic relief et font la part belle à Mystique et Beast qui ont leur petit arc assez touchant (et qui vient enrichir l'univers crée par les 3 autres, surtout le 3). Mais évidemment, la part du lion va à Erik et Xavier.
Trahir pour mieux servir.
J'aime assez le traitement de Charles Xavier ici, qui n'est pas le Professeur X, mais encore un petit malin, qui prend conscience petit à petit de l'importance de son rôle, de leurs rôles, eux les mutants, dans ce monde où leur existence est révélée peu à peu. Son évolution est plus subtile que celle d'Erik...même si celle-ci est forcément plus séduisante.
C'est la deuxième fois en deux ans, après Inception, qu'un cinéaste anglais semble exorciser son besoin de réaliser un James Bond en infusant des caractéristiques du célèbre agent dans son blockbuster au travers de son protagoniste. Ainsi mon pote Michael Fassbender incarne-t-il un Magneto des plus BADASS dans un premier acte qui doit autant à 007 qu'à Munich. Dans sa colère, le protagoniste est remarquablement cerné, se substituant quelque peu au Wolverine du premier film (y a une scène virtuellement identique, très probablement assumée), l'Histoire se répétant sans cesse. Mais c'est sa relation avec Xavier qui dépasse le stade du personnage juste "cool" pour former un duo dont la
bromance est vraiment "belle". Ce qui rend l'inéluctable séparation d'autant plus poignante, vécue comme une vraie trahison, un moment qui fait littéralement mal.
C'est très très fort comme idée.
X-Men : First Class, c'est ça.
L'intimité du premier chapitre, l'intelligence du second, et l'échelle du troisième.
A ce titre, l'idée de Singer d'inscrire l'intrigue dans la réalité géo-politique de l'époque est - une fois de plus après l'ouverture du premier film à Auschwitz - un coup de génie. Lier intimement l'évolution du rôle des mutants dans le monde avec l'Histoire vraie ancre le récit dans le réel tout en lui donnant un poids supplémentaire. GRAVITAAAAAAS.
Et malgré tout, Vaughn n'oublie pas d'offrir un film estival, avec ce qu'il faut par moment de légèreté Swinging Sixties (le recrutement sur de la musique pop d'époque, l'entraînement en split-screen) et de grand spectacle (les deux scènes sur mer notamment). Si vous n'y allez que pour voir de l'action, vous serez déçu. C'est mieux équilibré qu'Iron Man 2 mais c'est pas le festival de morceaux de bravoure ou de money shots. La force du film est ailleurs, notamment dans toutes les scènes où Magneto est face à un adversaire (sublime utilisation de ses pouvoirs à CHAQUE fois).
Et le reste du temps, Vaughn ne démérite pas. Cf. la transformation de Beast en vue subjective. Très bonne idée là aussi, qui nous plonge dans son calvaire, nous qui avons l'habitude de voir les transformations (même réussies) de l'extérieur (genre The Wolfman récemment par exemple).
On retrouve la sobriété, la classe, la froideur de Layer Cake, avec la petite idée qu'il faut au bon moment. Et Stardust et Kick-Ass l'ont certainement aidé pour toute scène plus épique ou plus vénère.
J'ai pas parlé du méchant, Sebastian Shaw, sorte de mix entre Magneto et William Stryker (le méchant du 2, pour ceux qui suivent pas) auquel Kevin Bacon prête ses traits de gros fourbe. Charismatique à souhait et doté d'un pouvoir qui paraît nul mais en réalité surpuissant et dont j'ai beaucoup aimé l'illustration, versant complètement dans le fantastique, voire plutôt l'horreur même.
A ses côtés, January Jones est taillée (dans le diamant *blague à la Arnotte*) pour jouer le rôle de la Reine Blanche, Emma Frost,
icy bitch parmi les
icy bitches. Elle par contre, l'illustration de son pouvoir est moins jolie. Ca doit être le seul effet (spécial) que j'aime pas trop. Elle aurait pu être davantage exploitée sans doute. Je vois déjà Noony crier au scandale. Mais finalement, le eprso a le rôle qu'il mérite dans l'Histoire. On sent pas de manque.
Non vraiment, j'ai pas de bémols...à part peut-être la musique d'Henry Jackman, bien mais très fonctionnelle (alors que les partitions de Michael Kamen, John Ottman et John Powell avaient chacune quelques thèmes mémorables).
Mais sinon, c'est la grande classe. Vaughn a troqué son chef op Ben Davis contre John Mathieson (Gladiator) et reste dans une charte chromatique cohérente avec les 3 autres et qui en même temps, avec le décor '60s, m'a rappelé les X-Men de Claremont & Byrne...la grande époque.
Que dire de plus...j'oublie sûrement quelque chose...mais bon j'y reviendrais. Obligé.
Parce qu'on a jamais fini de parler d'un 6/6.
Ah si! Une dernière chose (assez importante...enfin si on veut). Mais c'est du gros spoiler :
Ok, pression atmospherique à son comble là.