Forum de FilmDeCulte

Un discret employé de Mairie tombe fou amoureux d'une fille riche dont le carosse l'a renversé. Sa quête pour revoir cette jeune femme socialement innaccessible va lui faire précipiter sa famille dans le malheur.


C'est un bon Murnau, dans sa veine la plus réaliste, bien que l'intérêt du film tienne justement dans sa capacité à faire planer un parfum fantastique léger (le titre est en effet métaphorique, aucun fantôme là-dedans), et ce quand bien même il n'y a rien d'irréel à l'écran (d'ailleurs, les quelques très rares effets plus oniriques s'insèrent très mal). La ville endormie sous sa grisaille, le héros droppy au regard hébété, l'amante qui semble toute droite sortie des Contes de la lune vague, les quelques flashs-tableaux fugaces apparaissant du flou, des décor qui glissent doucement vers l'abstrait... tout ça fait que l'ensemble, même si assez tangible pour ne pas être reçu comme du fantastique, n'a donc jamais complètement les pieds sur terre.

La fibre expressionniste, laissée à l'état de flirt, se marie plutôt bien aux codes du mélo muet ici exploités à plein tube, bien que Murnau se tienne à distance du pathos maousse qui s'importe habituellement avec. La pauvreté extrême des bas-fonds épouse donc une certaine vision noire de la ville maudite, de façon assez subtile pour que ce rapport ne soit jamais lourd... Par contre, ca me saoule un peu de voir débarquer chez Murnau tout ce que le mélo muet a de plus sec et casse-couille - les escroqueries forcément foireuses, les personnages pris dans une spirale de culpabilité... Ça donne lieu a plusieurs séquences assez pesantes et scolaires, d'autant plus dommageables qu'elles bouffent le vrai sujet du film (l'obsession du visage aimé, piste sévèrement délaissée) - même si, face à ces péripéties, Murnau sait en général dévier le regard vers la dimension humaine qui borde cette histoire, notamment vers la famille qui part en morceaux : quand il peint les relations entre le frère et sa sœur, entre la mère et la voisine, le film est très touchant, et c'est là que réside sa première poésie (l'image de la mère qui se dégrade au fur et à mesure du récit : le conte comme toujours chez Murnau n'est pas loin). Ça tient aussi à la manière dont il offre aux personnages la conscience fugace que tout cela ne peut que mal finir, ainsi qu'une possibilité d'échappatoire plus apaisé.

A noter que, même si ca reste un film assez simple et secondaire, une petite séquence ("journée d'ivresse"), pépite de montage, vaut réellement le déplacement. Après, dans la vision, je trouve que ça a paradoxalement plutôt tendance à nuire au film, tant ça contraste avec l'harmonie du reste.