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MessagePosté: 03 Mar 2021, 20:21 
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Napoléon n'était pas français non plus cela dit. Apparemment il le parlait très mal avec un accent à couper au couteau, mais je ne me souviens plus où j'ai lu ça pour la dernière fois (par ailleurs les accents devaient être folkloriques à l'époque). Un film complètement naturaliste, en mode reconstitution historique qui se voudrait fidèle - tout en restant bien sûr de l'ordre du fantasme - aurait des aspects fantastiques. Sinon un film sur Pascal Paoli serait pas mal aussi dont l'histoire ne s'est pas croisée avec celle de Bonaparte même s'ils étaient plus ou moins contemporains.


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MessagePosté: 03 Mar 2021, 20:25 
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Castorp a écrit:
oeil-de-lynx a écrit:
Ce que je comprends pas, c'est que chaque nouvelle de ce genre est accompagnée d'au moins 95% de commentaires atterrés. Franchement, où sont les gens qui soutiennent ces pratiques?
Sur Twitter. Lus par des journalistes qui s'y identifient et font gonfler le truc.
L'article du Monde évoque principalement des tribunes publiées dans la presse.
Ca n'invalide pas ce que tu dis, sur la porosité entre twitter et les journalistes: y a un article pour toi dans le Diplo du mois: "Un journalisme de guerres culturelles". Tu devrais le lire: tu deviendrais islamo-gauchiste et tu trouverais le film 12.


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MessagePosté: 03 Mar 2021, 20:41 
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Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Monsieur N. (ça reste honnête
Jaquou le Croquant (pas ouf mais respectable

Non plus.[/quote]Non mais d'accord que c'est pas bon et que ça ne peut pas se cacher derrière l'excuse financière mais c'est pas non plus honteux dans la mesure où ça bloquerait d'autres productions de ce type.
C'est pas Vidocq quoi (qu'a pas empêché un Empereur de Paris).

Que les relatives réussites cinéma dans le domaine historique français commencent à sentir la naphtaline (genre Cyrano de Rappeneau) expliquent en parti un blocage français sur des films historiques, vu que des cinéastes s'inspirent forcément plus du cinéma, mais rapporté au potentiel de tarés, on est quand même plus à un niveau de blocage culturel.

Qu'est-ce qui empêche un Yojimbo entre Anglais et Français durant la Guerre de Cent Ans ? Pas le pognon quand des Italiens pouvaienteen faire un western en Espagne dans les années 60.
Et quand on voit l'importance du cape et d'épée (au sens large) dans la BD francophone, j'ai du mal à croire qu'il n'y ait pas de public non plus.
Ça vient d'un vide culturel des acteurs de l'industrie cinéma française. U' Besson en son temps s'est senti obligé d'aller chercher une figure comme Jeanne d'Arc alors que ça aurait été plus simple (et moins imbuvable) de faire un Flesh+Blood français.
Sauf que Jeanne d'Arc, c'est une marque quoi (bon, allez, à la décharge du gros Luc, c'était un de ces cinéastes aux femmes fortes... mais même là-dessus, des femmes bad ass médiévales, yen a des tas).
bmntmp a écrit:
Napoléon n'était pas français non plus cela dit. Apparemment il le parlait très mal avec un accent à couper au couteau, mais je ne me souviens plus où j'ai lu ça pour la dernière fois (par ailleurs les accents devaient être folkloriques à l'époque). Un film complètement naturaliste, en mode reconstitution historique qui se voudrait fidèle - tout en restant bien sûr de l'ordre du fantasme - aurait des aspects fantastiques. Sinon un film sur Pascal Paoli serait pas mal aussi dont l'histoire ne s'est pas croisée avec celle de Bonaparte même s'ils étaient plus ou moins contemporains.
Avoir un accent à couper au couteau n'empêche pas de bien maîtriser une langue.
On jonglait tellement entre langue et dialecte que je doute qu'un général corse soit capable d'un. Coup d'état en France sans être clair dans ses propos.

Sinon, sur Paoli, une heure de cours dans tous les lycées sur lui est déjà difficilement imaginable, alors un film... (mais il est de plus en plus souvent sujet à des essais)


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MessagePosté: 03 Mar 2021, 21:13 
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Yep, il arrive à dix ans à Paris en fait https://www.napoleon.org/histoire-des-2 ... n-enfance/

Juste amusant d'imaginer son français avec un accent corse de l'époque et émaillé d'italianismes.


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MessagePosté: 03 Mar 2021, 22:13 
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Sir Flashball
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latique a écrit:
Castorp a écrit:
oeil-de-lynx a écrit:
Ce que je comprends pas, c'est que chaque nouvelle de ce genre est accompagnée d'au moins 95% de commentaires atterrés. Franchement, où sont les gens qui soutiennent ces pratiques?
Sur Twitter. Lus par des journalistes qui s'y identifient et font gonfler le truc.
L'article du Monde évoque principalement des tribunes publiées dans la presse.
Ca n'invalide pas ce que tu dis, sur la porosité entre twitter et les journalistes: y a un article pour toi dans le Diplo du mois: "Un journalisme de guerres culturelles". Tu devrais le lire: tu deviendrais islamo-gauchiste et tu trouverais le film 12.


Si tu as un lien...

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MessagePosté: 03 Mar 2021, 22:31 
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bmntmp a écrit:
Napoléon n'était pas français non plus cela dit. Apparemment il le parlait très mal avec un accent à couper au couteau, mais je ne me souviens plus où j'ai lu ça pour la dernière fois.


C’est assez flagrant dans sa dernière interview.

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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MessagePosté: 03 Mar 2021, 22:37 
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Mais il me semble que peu de films historiques français (j’inclus dedans les films à costumes) ont marché ces vingt ou trente dernières années. Un film comme Le Bossu, en 97, c’est seulement 2,4 millions d’entrées. C’est bien, et sûrement suffisant avec les droits TV/vidéo, mais ça reste sur le fil du rasoir et n’incite pas à la prise de risques.
D’ailleurs, je crois qu’on peut étendre ça à la majorité des gros budgets français de ces 30 dernières années. Combien de Reine Margot (ou Monsieur N) déficitaires pour un Germinal qui dépasse (à peine) son objectif.

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MessagePosté: 03 Mar 2021, 23:19 
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Cosmo a écrit:
bmntmp a écrit:
Napoléon n'était pas français non plus cela dit. Apparemment il le parlait très mal avec un accent à couper au couteau, mais je ne me souviens plus où j'ai lu ça pour la dernière fois.


C’est assez flagrant dans sa dernière interview.


Les mémorialistes n'ont pas manqué d'évoquer cet aspect du personnage, mais ce qui est intéressant à noter, c'est qu'ils l'évoquaient en termes vagues, c'était sans importance, anecdotique à l'époque, l'accent, plus varié, passait sans doute plus inaperçu.
On sait également que toute interview retranscrite à l'écrit est invariablement reformulée. L'apparition de l'interview - fin du dix-neuvième - comme format correspond d'ailleurs à une standardisation du français sur le territoire. Il est amusant de noter que son apparition ait été aussi tardive, même si elle découle logiquement de l'apparition des médias de masse.


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MessagePosté: 03 Mar 2021, 23:57 
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Castorp a écrit:
Si tu as un lien...

Non, je pensais qu'il serait sur le site.
En gros, Halimi et Rimbert développent ceci:
Citation:
Plutôt que ses vieux lecteurs qui considèrent encore le journal comme une entité éditoriale à part entière, le NYTimes s'emploie à séduire des "communautés" qui reçoivent sur les réseaux sociaux les liens d'articles isolés, détachés du reste de l'édition du jour, mais correspondant étroitement à leurs attentes.
...
Du consensus sédatif au dissensus lucratif, le virage épouse opportunément le fonctionnement des réseaux sociaux. Hier propre à Facebook et à Twitter, le modèle de la chambre d'écho qui renvoie inlassablement aux utilisateurs ce qu'ils veulent lire et entendre s'étend aux médias traditionnels, à cette différence près que les lecteurs paient cash pour recevoir les informations qui les caressent dans le sens du poil. D'autant plus persuadés que Twitter arbitre la vie publique qu'ils y passent aux-mêmes une partie significative de leurs temps, les journalistes confondent volontiers l'activisme politique alimenté par qq centaines de "twittos" blanchis sous le clavier, avec les attentes de leurs centaines de milliers d'abonnés.
...
Les rafales de tweets qui charpentent les polémiques en ligne influencent-elles vraiment la prodution d'information? Dans une large mesure, explique une enquête en cours de publication ["Social media and newsroom production decisions", Social Science Research Network]. Partant d'une série de plusieurs milliers d'événements lancés sur les réseaux sociaux, et repris sur les médias traditionnels, les chercheurs établissent que la popularité d'un sujet apparu sur Twitter détermine la couverture que lui consacre la presse: "Une augmentation de 1% du nombre de tweets correspond à une augmentation de 8.9% du nombre d'articles"
...
Issus de plus en plus exclusivement de la bourgeoisie cultivée (...) les gens de presse oublient que Twitter lui-même attire une clientèle plus diplômée, aisée, urbaine, jeune et de gauche que la population au milieu de laquelle elle vit. Et que la fenêtre est elle-même distordue, puisque les 10% de "twittos" les plus prolixes produisent 80% des tweets.

Et c'est comme ça qu'on se retrouve ce soir avec un article sur la traduction en néérlandais d'un livre de poésie en première page du Monde en ligne...


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MessagePosté: 04 Mar 2021, 08:52 
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Merci. Ca rejoint ce que je pensais de Twitter, en effet !

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MessagePosté: 04 Mar 2021, 08:59 
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Cosmo a écrit:
Mais il me semble que peu de films historiques français (j’inclus dedans les films à costumes) ont marché ces vingt ou trente dernières années. Un film comme Le Bossu, en 97, c’est seulement 2,4 millions d’entrées. C’est bien, et sûrement suffisant avec les droits TV/vidéo, mais ça reste sur le fil du rasoir et n’incite pas à la prise de risques.
D’ailleurs, je crois qu’on peut étendre ça à la majorité des gros budgets français de ces 30 dernières années. Combien de Reine Margot (ou Monsieur N) déficitaires pour un Germinal qui dépasse (à peine) son objectif.
Ya vraiment une rupture vers cette époque où on produit un Le Bossu (remake pas ouf). Qui arrive 2-3 ans après La Fille de d'Artagnan qui un bon film et surtout, le postulat de départ est génial, en développant par un pas de côté un truc tellement "patrimoine culturel" (et rétrospectivement, voir aujourd'hui la vague féministe badass de films d'action hollywoodien, ça démontre en plus comment une démarche fondée sur le "patrimoine" peut être en avance sur son temps, même si un Blanche a du faire mal, et un Monsieur N aussi, mais là, le problème est peut-être d'avoir filé les clefs à des gars qui sont pas des réals pour commencer et conclure que ya pas de public pour ce genre de films).
En cumulant "Film à costumes", on avait bien minimum u'e grosse prod française par an.
Que les risques aient largement rralenti la quantité de fresques, OK, mais ça n'explique pas qu'on ait pas eu plus de films à costumes dans un cadre resserré de la part de la génération qui se frottait "aux genres" ya 20 ans.
Ya eu que le Pacte des Loups qui donne l'impression finale d'être 10 petits films à costumes en un (actionner, thriller, fantastique, moeurs... ) comme si Gans avait senti que c'était l'occasion ou jamais (et il avait raison, en général et pour lui en particulier).

Ou alors ça n'a jamaisété possible dans la mesure où ya peut être jamais eu un savoir-faire industriel français en terme de décors,costumes pour imaginer produire pour pas trop cher en recyclant avec un turn-over suffisamment régulier (voir des coprods européennes) et que depuis les origines, ça n'a existé que pour Marais, Belmondo, Dzpardieu et Auteuil

Ya aussi eu l'époque Josée Dayan avec ses grosses prods télé qui puaient pourtant le cheap qu'a dû foutre la merde là-dedans côté investisseurs.


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MessagePosté: 04 Mar 2021, 09:01 
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latique a écrit:
Castorp a écrit:
Si tu as un lien...

Non, je pensais qu'il serait sur le site.
En gros, Halimi et Rimbert développent ceci:
Citation:
Plutôt que ses vieux lecteurs qui considèrent encore le journal comme une entité éditoriale à part entière, le NYTimes s'emploie à séduire des "communautés" qui reçoivent sur les réseaux sociaux les liens d'articles isolés, détachés du reste de l'édition du jour, mais correspondant étroitement à leurs attentes.
...
Du consensus sédatif au dissensus lucratif, le virage épouse opportunément le fonctionnement des réseaux sociaux. Hier propre à Facebook et à Twitter, le modèle de la chambre d'écho qui renvoie inlassablement aux utilisateurs ce qu'ils veulent lire et entendre s'étend aux médias traditionnels, à cette différence près que les lecteurs paient cash pour recevoir les informations qui les caressent dans le sens du poil. D'autant plus persuadés que Twitter arbitre la vie publique qu'ils y passent aux-mêmes une partie significative de leurs temps, les journalistes confondent volontiers l'activisme politique alimenté par qq centaines de "twittos" blanchis sous le clavier, avec les attentes de leurs centaines de milliers d'abonnés.
...
Les rafales de tweets qui charpentent les polémiques en ligne influencent-elles vraiment la prodution d'information? Dans une large mesure, explique une enquête en cours de publication ["Social media and newsroom production decisions", Social Science Research Network]. Partant d'une série de plusieurs milliers d'événements lancés sur les réseaux sociaux, et repris sur les médias traditionnels, les chercheurs établissent que la popularité d'un sujet apparu sur Twitter détermine la couverture que lui consacre la presse: "Une augmentation de 1% du nombre de tweets correspond à une augmentation de 8.9% du nombre d'articles"
...
Issus de plus en plus exclusivement de la bourgeoisie cultivée (...) les gens de presse oublient que Twitter lui-même attire une clientèle plus diplômée, aisée, urbaine, jeune et de gauche que la population au milieu de laquelle elle vit. Et que la fenêtre est elle-même distordue, puisque les 10% de "twittos" les plus prolixes produisent 80% des tweets.

Et c'est comme ça qu'on se retrouve ce soir avec un article sur la traduction en néérlandais d'un livre de poésie en première page du Monde en ligne...
Et donc à développer sur l'étape suivante : l'intégration de ce joli petit monde du net dans le monde politique institutionnel.


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MessagePosté: 04 Mar 2021, 09:25 
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Castorp a écrit:
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Vendre de la discorde plutôt qu’informer
Un journalisme de guerres culturelles

Le juste milieu ne rapporte plus. Hier assise sur la manne publicitaire, la presse modérée recherchait une audience de masse et la cajolait en simulant l’objectivité. La recette change. Désormais, les médias prospèrent en alimentant les guerres culturelles auprès de publics polarisés et mobilisés. Pour le meilleur ou pour le pire. Et sous le regard vigilant, parfois sectaire, de leur propre lectorat.
par Serge Halimi & Pierre Rimbert

Il rachète à tour de bras médias et éditeurs (Vivendi, Editis, Prisma), convoite Europe 1, taille dans les effectifs et les dépenses, encourage un journalisme de racolage destiné à l’extrême droite (CNews), fait régner la terreur dans les rédactions — et menace de poursuivre en justice Le Monde diplomatique, qui enquête sur ses activités en Afrique : s’il fallait personnifier les nuisances du capitalisme médiatique, le nom de Vincent Bolloré s’imposerait d’emblée.

Abondamment commentée dans la presse, la brutalité du milliardaire breton ne fournit pourtant pas le meilleur indicateur du mouvement qui bouscule le paysage journalistique des années 2020. Car la force montante ne se trouve ni dans l’infographie des propriétaires (1), ni dans le Bottin des annonceurs. Elle se devine dans l’empressement des directions éditoriales à s’excuser quand un article déplaît à leurs lecteurs. Ce nouveau pilier de l’économie de la presse fut longtemps considéré comme la cinquième roue du carrosse médiatique : les abonnés. Leur influence croissante fait résonner au cœur des rédactions les clameurs et les clivages de nos sociétés. Cette irruption ne concerne pour le moment qu’une poignée de titres. Mais elle traduit un mouvement de fond.

Certes, l’appropriation privée rebat toujours les cartes du grand Monopoly de la communication. Mais elle a cessé de bouleverser un secteur depuis longtemps soumis à sa logique marchande. Et à son corset managérial : alors que les écrans dévorent toujours plus avidement le temps et les conversations, les forces qui produisent l’information se raréfient. En France, le nombre de journalistes s’effrite à un rythme modéré (— 6 % entre 2008 et 2019), mais l’effectif a chuté de près d’un quart aux États-Unis. Cette moyenne masque une disparité : les rédactions américaines ont supprimé 36 000 emplois dans la presse écrite tandis qu’elles créaient 10 000 postes dans les médias non imprimés (2).

Longtemps prophétisé, le régime d’information à deux vitesses — riche pour les riches, pauvre pour les pauvres — s’installe sous nos yeux. Il réverbère la géographie des inégalités éducatives et culturelles. Moins agile à se déployer en ligne compte tenu de l’âge et des habitudes de son lectorat, la presse locale s’appauvrit, se concentre ou, comme aux États-Unis, s’éteint : plus de 2 100 quotidiens et hebdomadaires y ont disparu depuis 2004, soit un quart du total, bien souvent remplacés par un réseau de sites partisans dont l’allure journalistique, la maquette classique et la couverture territoriale servent de paravent à la diffusion d’articles de complaisance financés par des intérêts liés aux partis politiques (3). La survie de la presse locale reposait sur la publicité et les petites annonces, deux ressources englouties par Facebook et Google, qui, eux, ne produisent pas d’informations mais pillent celles des journaux qu’ils ont préalablement privés d’annonceurs.

Proportionnel au nombre de paires d’yeux tombées sur la réclame imprimée, le prix de la publicité obéit à une tout autre règle sur Internet, où la qualité du ciblage remplace la quantité de public touché. Or, dans ce domaine, nul ne surclasse les prédateurs de la Silicon Valley. Leur concurrence force la presse généraliste à vendre ses espaces numériques à prix sacrifiés : de l’an 2000 (quand Google crée sa régie) à 2018, ses recettes publicitaires ont été divisées par trois (4). La pandémie leur porte le coup de grâce. Au deuxième trimestre 2020, la mise à l’arrêt de l’économie a sabré 20 % des revenus procurés par les annonceurs du Monde (5) — et 44 % au New York Times (6 août 2020).

Ci-gît le modèle du « double marché » inventé en 1836 par Émile de Girardin qui, d’un côté, alléchait le chaland par un faible prix de vente et, de l’autre, vendait le lectorat aux marchands souhaitant placer leur réclame. Cette économie impliquait une double dépendance : aux annonceurs quand tout allait bien ; aux actionnaires, sollicités pour remettre au pot, en période de vaches maigres. Elle connaît son âge d’or dans les années 1960 et 1970, puis, sur un mode plus frénétique, lors de la « bulle Internet » qui éclata en 2000 : dans les couloirs de Libération, un quotidien alors gavé de publicité, les dirigeants éditoriaux gloussaient qu’ils pourraient désormais se dispenser des ventes. Les journaux dits « gratuits » concrétiseront en 2002 cette stratégie de génie — avant de disparaître dans le trou noir de l’économie numérique.

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la prééminence de la ressource publicitaire avait transformé la vision du monde social renvoyée aux lecteurs : « La couverture du monde du travail a diminué et changé d’orientation, passant de la puissance des syndicats en tant qu’institutions aux désagréments que les grèves imposaient aux consommateurs », observe Nicholas Lemann, professeur de journalisme à l’université de Columbia (6). L’ère de la réclame avait coïncidé avec une élévation sensible du salaire, du statut et du niveau de diplôme des salariés de la presse. Elle se clôt dans un climat de précarité des producteurs d’information, de discrédit des médias, de défiance radicale entre les classes populaires et les couches intellectuelles. « Pour la toute première fois, moins de la moitié des Américains font confiance aux médias traditionnels », s’épouvante en janvier dernier une société de conseil (7). L’élection surprise de M. Donald Trump en 2016 aura dissipé aux yeux des lecteurs du New York Times le mirage d’une société de marché pacifiée par les vertus de l’éducation et de la communication. Un nouveau modèle émerge, mieux ajusté à l’anémie publicitaire et aux réalités d’une société fracturée : celui de médias hyperpartisans, de masse ou de niche, financés lorsqu’ils relèvent de l’écrit par une solide base d’abonnés.

L’abonné : « Temps futurs ! Vision sublime ! » Les médias sont hors de l’abîme… Hier jugé hors d’atteinte et hors du coup par les génies d’Internet, convaincus que l’information en ligne serait gratuite ou ne serait pas, ce souscripteur fidèle fait quinze ans plus tard l’objet de toutes les convoitises. Des chaînes payantes, plates-formes de diffusion vidéo et audio ont démontré que, à l’époque de la gratuité et du piratage généralisés, les utilisateurs restent disposés à payer un service spécifique pourvu qu’on ne le trouve pas ailleurs.

Au jeu de la conversion de l’audience gratuite en lecteurs payants, seuls les journaux les plus puissants et les plus spécialisés triomphent. Pour ceux nés à l’époque de l’imprimerie, la réussite économique passe par le sacrifice progressif du papier et de ses coûts d’impression et de distribution. Le Monde compte 360 000 abonnés numériques au début de cette année et vise le million en 2025, pour seulement 100 000 abonnés papier. De son côté, après une décennie de numérisation à marche forcée, le New York Times a plastronné : « Pour la première fois, les recettes des abonnés au numérique dépassent celles des abonnés au papier » (5 novembre 2020). À cette date, 4,7 millions de souscripteurs sur écrans rapportaient à peine plus que les 831 000 abonnés à l’édition imprimée : le salut économique impose donc un recrutement numérique tous azimuts. Dans un raccourci saisissant de notre époque, des fabricants de papier journal, comme Norske Skog, reconvertissent leurs machines afin de produire du carton d’emballage pour Amazon (8)…

« Avant Internet, le New York Times, comme tous les journaux, se contentait de servir ses maîtres publicitaires. Aujourd’hui, en l’absence d’autres formes de revenus — subventions gouvernementales, fondations à but non lucratif —, c’est le lecteur qui décide si une publication vit ou meurt, résume Ross Barkan, journaliste et militant de l’aile gauche du Parti démocrate. Et cela confère au public un pouvoir nouveau (9). » À première vue, la bascule marque un bond vers l’indépendance : les abonnés ne réclament-ils pas la meilleure information possible là où les annonceurs n’exigent qu’un temps de cerveau disponible ? Naguère perçu comme hétérogène et dépourvu de moyen de pression, le lectorat a rarement disposé d’une influence sur la ligne éditoriale. En se fixant une identité, politique (en France) ou locale (aux États-Unis), chaque publication naissante sélectionnait d’emblée une audience correspondant à sa vision du monde. De leur côté, les responsables de la presse « de qualité » se faisaient de leur clientèle l’image reflétée par le courrier des lecteurs : libérale éclairée, allergique au sectarisme, intéressée à la chose commune et à la marche du monde, ne formant son jugement qu’à partir de faits liés par des raisonnements ; la figure de l’« honnête homme », en somme, pour qui la lecture du quotidien représentait, selon la fameuse formule de Friedrich Hegel, « une sorte de prière du matin réaliste ». Le journalisme s’inventait un peuple de croyants dont il serait le dieu.

Ce mirage s’est dissipé. Toute source de financement comporte un risque d’influence éditoriale, et le modèle de l’abonnement ne fait pas exception. Les années 1990 et 2000 avaient été marquées par une discordance entre la polarisation sociale croissante des populations et l’homogénéité relative des médias dominants. Les parts de marché, estimaient les comptables de la presse, se gagnent au centre, comme les élections. De l’ère Brexit-Trump, l’élite du journalisme aura retenu cette leçon : l’exacerbation des divisions politiques — et surtout culturelles — alimente l’audience, mobilise les lecteurs et génère du profit. « Les entreprises cherchaient auparavant à attirer un public le plus large possible ; elles s’emploient désormais à capter et à retenir de multiples fractions de lectorat, a résumé le journaliste américain Matt Taibbi. Fondamentalement, cela signifie que la presse, qui commercialisait naguère une vision de la réalité supposée acceptable aux yeux d’un large éventail, vend à présent de la division (10) » (lire « Comment Donald Trump et les médias ont ravagé la vie publique »). Plutôt que ses « vieux » lecteurs, qui considèrent encore le journal comme une entité éditoriale à part entière, le New York Times s’emploie à séduire des « communautés » qui reçoivent sur les réseaux sociaux les liens d’articles isolés, détachés du reste de l’édition du jour, mais correspondant étroitement à leurs attentes. Sur chacun des sujets qui les mobilisent, ces petits groupes accueilleront tout faux pas par une tempête de tweets indignés.

Du consensus sédatif au dissensus lucratif, le virage épouse opportunément le fonctionnement des réseaux sociaux. Hier propre à Facebook et à Twitter, le modèle de la chambre d’écho qui renvoie inlassablement aux utilisateurs ce qu’ils veulent lire et entendre s’étend désormais aux médias traditionnels, à cette différence que les lecteurs paient cash pour recevoir les informations qui les caressent dans le sens du poil. D’autant plus persuadés que Twitter arbitre la vie publique qu’ils y passent eux-mêmes une partie significative de leur temps d’éveil, les journalistes confondent volontiers l’activisme polémique alimenté au quotidien par quelques centaines de « twittos » blanchis sous le clavier avec les attentes de leurs centaines de milliers d’abonnés. Échaudés par quelques orages d’indignation numérique, bien des dirigeants éditoriaux évitent de prendre à rebrousse-poil les militants du clic. « Le journalisme en ligne financé par les lecteurs favorise un contenu éditorial plus idéologique : des articles qui réaffirment ce que pense déjà son public, plutôt que de le contredire, écrit Lemann. Ainsi fonctionnent les chaînes d’information câblées (11). »

Selon une enquête réalisée fin 2019 par le Pew Reseach Center, 93 % des personnes qui utilisent Fox News comme source principale d’information politique se déclarent républicaines. Symétriquement, 95 % de celles qui choisissent MSNBC se disent démocrates ; tout comme, dans la presse écrite, 91 % des lecteurs du New York Times (12). Divisés de part et d’autre d’une barricade culturelle, deux publics enfermés dans leurs chambres d’écho respectives arment leurs convictions, les répercutent en ligne et, au moindre écart, somment leurs médias favoris de rectifier le tir ou de purger les déviants.

Mais les rafales de tweets qui charpentent les polémiques en ligne influencent-elles vraiment la production d’information ? Dans une large mesure, explique une enquête en cours de publication (13). Partant d’une série de plusieurs milliers d’« événements » lancés sur les réseaux sociaux et repris dans les médias traditionnels, les chercheurs établissent que la popularité d’un sujet apparu sur Twitter — mesurée au nombre de tweets, de retweets et de citations qu’il génère — détermine la couverture que lui consacre la presse : « Une augmentation de 1 % du nombre de tweets correspond à une augmentation de 8,9 % du nombre d’articles. » Et le phénomène est encore plus prononcé dans les journaux où les rédacteurs s’activent le plus ardemment sur la messagerie en 280 signes.

Car les journalistes ont trouvé dans ce réseau social souvent narcissique, péremptoire et moutonnier un monde qui leur ressemble. « Twitter est une fenêtre sur l’actualité du monde, c’est pourquoi certains des comptes les plus actifs appartiennent à des journalistes », claironne une page consacrée aux « bonnes pratiques » du groupe fondé par M. Jack Dorsey (14). C’est la définition même de l’effet Larsen : les journalistes les plus bouillonnants sur un réseau social où piaffent nombre de leurs collègues répercutent dans leurs colonnes l’écho de cet environnement électronique. Issus de plus en plus exclusivement de la bourgeoisie cultivée, au point que plus de la moitié des rédacteurs du New York Times et du Wall Street Journal sortent des universités d’élites américaines (15), les gens de presse oublient que Twitter lui-même attire une clientèle plus diplômée, aisée, urbaine, jeune et de gauche que la population au milieu de laquelle elle vit. Et que la « fenêtre » est elle-même distordue, puisque les 10 % de « twittos » les plus prolixes produisent 80 % des tweets (16). « Il faut souligner que les utilisateurs de Twitter ne sont pas représentatifs de la population générale des lecteurs de presse », insistent les auteurs de l’enquête précitée.

Mais il est si doux et, pour un temps, si payant de prendre son reflet pour le miroir du monde…

Serge Halimi & Pierre Rimbert

(1) Lire « Médias français : qui possède quoi ? ».
(2) Elizabeth Grieco, « 10 charts about America’s newsrooms », Pew Research Center, 28 avril 2020, http://www.pewresearch.org
(3) The New York Times, 19 octobre 2020.
(4) Séries longues de la presse éditeur de 1985 à 2018 — presse d’information générale et politique française, nationale et locale, ministère de la culture, http://www.culture.gouv.fr
(5) La Lettre A, 30 juillet 2020.
(6) Nicholas Lemann, « Can journalism be saved ? », The New York Review of Books, 27 février 2020.
(7) http://www.axios.com, 21 janvier 2021.
(8) L’Usine nouvelle, Antony, 17 juin 2020 ; Les Affaires, Québec, 30 juin 2018.
(9) Ross Barkan, « The gray zone lady », The Baffler, mars-avril 2020, https://thebaffler.com
(10) Matt Taibbi, « The post-objectivity era », TK News, substack.com, 19 septembre 2020.
(11) Nicholas Lemann, « Can journalism be saved ? », op. cit.
(12) Elizabeth Grieco, « Americans’ main sources for political news vary by party and age », Pew Research Center, 1er avril 2020.
(13) Julia Cagé, Nicolas Hervé et Béatrice Mazoyer, « Social media and newsroom production decisions », Social Science Research Network, 20 octobre 2020 (prépublication).
(14) Jennifer Hollett, « How journalists can best engage with their audience », Twitter.
(15) Proportion plus élevée au sein de la Chambre des représentants, du Sénat, des juges fédéraux ou… des patrons du Fortune 500. Cf. Zaid Jilani, « Graduates of elite universities dominate the New York Times and Wall Street Journal, study finds », The Intercept, 6 mai 2018, https://theintercept.com
(16) Stefan Wojcik et Adam Hughes, « Sizing up Twitter users », Pew Research Center, 24 avril 2019.

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MessagePosté: 04 Mar 2021, 09:56 
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Sir Flashball
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Merci !

Excellente conclusion :
Mais il est si doux et, pour un temps, si payant de prendre son reflet pour le miroir du monde…

Dommage, encore une fois, que cet article par des journalistes français parle à 95% du temps des Etats-Unis, le nombril du monde.

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MessagePosté: 04 Mar 2021, 09:58 
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Inscription: 30 Déc 2015, 16:00
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Castorp a écrit:
Dommage, encore une fois, que cet article par des journalistes français parle à 95% du temps des Etats-Unis, le nombril du monde.

C'est Le Monde Diplomatique, pas le Le Parisien, ils n'ont jamais eu pour vocation de ne parler que de la France (et c'est tant mieux).


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