Dans le procès de l'enseignante accusée d'avoir harcelée une élève qui s'est plus tard suicidée, je suis pas là pour juger car j'ai pas toutes les infos, mais j'ai lu l'interview de la prof dans Le Parisien. Sans vouloir tomber dans la communication de crise à l'américaine à base d'empathie et de mots pesés au trébuchet, si elle s'est défendue à la barre comme face au journaliste, cringe...
Comment avez-vous réagi en apprenant la mort d’Evaëlle en juin 2019 ? PASCALE L. Vous avez un petit moment… de flottement. Je l’ai apprise par une collègue qui m’a envoyé un texto. J’étais choquée, comme tout le monde, je pense.
N’avez-vous pas opéré de rapprochement avec ce qu’elle avait vécu au collège Isabelle-Autissier, à Herblay-sur-Seine ? Il n’y avait pas lieu de faire un rapprochement. L’enfant était partie depuis plusieurs mois, elle était dans un autre collège.
Ses parents estiment qu’il a pu y avoir un lien entre son suicide et le harcèlement qu’elle a subi tout au long de l’année. Qu’en pensez-vous ? Que les parents en soient persuadés, c’est une chose, je n’ai pas de commentaire à faire là-dessus. En tout état de cause, je ne suis ni de près ni de loin poursuivie par la justice pour ces faits (la juge a prononcé un non-lieu sur ce volet).
Au lieu d’emporter des cahiers pour chaque matière, Evaëlle utilise un classeur unique pour alléger son cartable. Tous ses professeurs acceptent sauf vous. Ce classeur, c’est un point de départ. Il m’a permis de voir qu’elle avait un certain nombre de difficultés importantes. Certains collègues ont trouvé que ce classeur posait problème. De toute façon, il y a une liste de matériel remise en juin. Il n’y avait pas lieu qu’un enfant fasse différemment des autres.
Mais c’est un médecin qui avait préconisé l’usage de ce classeur. Non, non. On ne m’a jamais rien présenté (sur les aménagements prescrits). Je suis désolée de vous dire que je gère ma classe et ma pédagogie comme je l’entends. On a quand même une liberté d’enseignement. J’ai pensé que l’enfant était en difficulté et que ses difficultés étaient amplifiées par ce classeur toutes matières où elle était totalement perdue, la pauvre.
Des témoignages font état de commentaires visant Evaëlle de votre part à chaque cours concernant ce classeur. Non, pas particulièrement. C’est vrai que comme on se voyait à peu près cinq heures dans la semaine, il y avait forcément un moment où je demandais où on en était.
Plusieurs élèves ont confirmé que vous aviez un comportement harcelant vis-à-vis d’Evaëlle. En avez-vous eu conscience ? C’est la parole d’élèves qui a été recueillie dans des circonstances dont on peut discuter. Je n’ai pas de commentaire là-dessus.
Les parents d’Evaëlle considèrent que votre comportement a été un signal invitant les autres élèves à la harceler. Comprenez-vous pourquoi ? Non.
Aviez-vous conscience qu’Evaëlle était harcelée par des élèves ? Absolument pas. Ni consciente ni informée.
Il y a eu cette séance où vous avez invité toute la classe à l’interroger sur le harcèlement qu’elle subissait et qu’elle a décrite comme « la pire journée de sa vie ». Vous en souvenez-vous ? Je n’ai pas « invité » la classe. Il y a eu des élèves qui sortaient d’EPS et qui sont arrivés extrêmement énervés dans mon cours. Je les ai entendus échanger des insultes. Là, je me suis fâchée et j’ai dit : Ça suffit, il faut qu’on parle de ça et que ça s’arrête. C’est tout. C’est un échange qui a été fait sans qu’il y ait de parti pris de ma part.
Les questions concernaient bien Evaëlle et le harcèlement qu’elle subissait ? Non, les questions portaient sur le fait que ces élèves-là, entre eux, n’arrêtaient pas de s’insulter, de dire : C’est la faute d’Evaëlle. Ou Evaëlle disait : C’est la faute à machin.
Evaëlle n’était pas debout, face à la classe, sommée de répondre ? Non, jamais.
C’est pourtant repris dans plusieurs témoignages. Un témoignage n’est pas forcément vrai.
Après cet événement, ses parents ont refusé qu’elle retourne en cours avec vous. Comprenez-vous l’impact que ça a eu sur elle ? On a été alertés par un mail du chef d’établissement qu’elle allait changer d’établissement et ensuite qu’elle ne reviendrait plus en cours. Dans ce mail, il n’a pas été fait mention d’une forme de harcèlement. Le mot n’est même pas utilisé. Et d’ailleurs, ce n’est pas à la suite de cet incident, mais après, qu’elle s’est fait bousculer à un arrêt de bus.
D’autres élèves ont décrit au cours de cette enquête un comportement harcelant de votre part. Ils assurent que vous aviez l’habitude de vous en prendre à ceux qui étaient en difficulté, que vous aimiez les rabaisser. Est-ce le cas ? C’est la parole d’élèves.
C’est aussi la parole de parents d’élèves. Je n’ai pas plus de commentaire à faire. Je réserve mes réponses pour le tribunal.
|