Bah moi j'ai plutôt trouvé ça bien. J'attendais un gros ratage embarrassant, d'où peut-être ma bonne surprise, mais sans exploser le plafond je trouve que c'est un film qui se teint bien. Tout à l'écran est gentiment kitsch et laid (même si le trip autour de la planète Jupiter est séduisant), mais la facticité ambiante semble presque assumée (jusqu'à ce maquillage film porno des acteurs), au sens où a l'impression d'une volonté de BD géante, où tout est un peu stylisé, où les couleurs pètent dans tous les sens... Ce côté carton-pâte et breloques, auquel je goûte pas forcément, était déjà là dans leur dernier film sans que ça gêne réellement. En gros : les goûts sont discutables, mais ils savent au moins où ils vont, c'est pas de la bouillie.
C'est d'ailleurs ça qui m'a le plus frappé, au milieu d'une série de blockbuster récents caractérisés par le débordement, le trop plein, la saturation jusqu'à l'illisible : c'est pas de la bouillie. C'est pas indigeste, les scènes d'action, sans être toutes géniales, sont lisibles et plutôt précises, le tout-numérique assumé n'est pas dégoulinant, la ligne est claire, et le scénario est plutôt développé, si on perce le vernis de dialogues parfois neuneus (j'entends par là que le script n'est pas simplement occupé à ressasser deux trois thématiques phares à coups de punchlines, mais qu'il développe une narration plutôt ample et sans cesse redémarrée, façon sérial - c'est là qu'il faut chercher je crois l'impression de monde infini, pas dans la direction artistique -, avec ce découpage inhabituel en trois temps pour les trois enfants qui m'a bien accroché). Il y a pas mal de choses alléchantes qui courent sous la surface du film : le spectre de l'inceste, le malaise sur ce qui fait l'identité d'une personne, les contes dont a parlé Freak... J'aurais aimé que le film les exploite plus en profondeur (que soit vraiment travaillée, par exemple, la fascination de cette figure de grande absente qu'est la mère), mais c'est quand même agréable, cette sensation de romanesque en puissance.
Le problème est que, que ce soit par la distance du kitsch (qui évite que ce monde, fabriqué pour lui-même dans une pure logique de direction artistique, puisse faire sens), ou encore par le jeu désastreux des acteurs-poupées désincarnés (à part Eddie Reydmane, qui m'a pour ma part agréablement surpris, dont le jeu raconte quelque chose), on reste à distance. Je trouve de manière générale les Wachowski moins présents qu'à l'habitude : leur mise en scène narre moins, elle donne moins lisiblement des attaques (des manières précises de lire et de comprendre les scènes), et le désinvestissement ronflant du final est un peu à l'image de ce que je ressens sur tout le film
J'aurais franchement pas demandé grand chose pour m'émouvoir de l'histoire d'amour mignonne, je trouve le postulat assez touchant, et j'aurais été prêt à avaler pour ça les couleuvres de l'imagerie naïve (le final, là encore), mais là c'est trop archétypal, trop désinvesti et trop décoratif, pour que je puisse participe à la fête.
Enfin voilà, tout ça pour dire : c'est moins "foiré" que juste "moins ambitieux que les précédents", et je trouve que c'est un cinéma, jusque dans ses aspects désuets (le serial, la sincérité, le premier degré) beaucoup plus sympathique et enthousiasmant que beaucoup des blockbusters contemporains.
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