Qui-Gon Jinn a écrit:
Sur un sujet facile mais sympa (une nuit à l'hosto un soir de manif de Gilets Jaunes), Catherine Corsini pond un film des plus bancals dont la présence en compétition à Cannes ne s'explique tout simplement pas à mes yeux.
C'est pourtant un des meilleurs films français de l'année.
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Le problème, c'est que c'est un faux film choral totalement déséquilibré: ça donne un peu l'impression de vouloir croquer une galerie de portraits autour de l'hôpital public, et en même temps le personnage de bourgeoise shootée au Tramadol joué par Bruni-Tedeschi et le Gilet Jaune campé par Pio Marmaï prennent toute la place. On a l'impression d'un film schizophrène, qui alterne entre cinéma-vérité autour des infirmières, avec des rôles tertiaires bien joué (avec pas mal de non-professionnels), et de l'autre des scènes de comédie hystérique avec concours de hurlements entre les deux acteurs-stars.
Au chrono, je suis sûr que l'aide-soignante a autant de temps de présence à l'écran que les deux autres protagonistes, c'est juste qu'elle n'a pas réellement d'arc, à dessein.
Derrière son contexte social, ou plutôt devant, il y a une fiction assumée. Ça m'a fait penser à du Sorkin dans sa manière de revisiter le réel avec des artifices de cinéma, ou plutôt de théâtre : unité de temps, unité de lieu, une scène (l'hosto) où vont se croiser différents destins qui ne se seraient jamais croisés. Avant même les excès les plus poussifs (même si sans doute authentiques) du dernier tiers
, on n'est pas dans du cinéma vérité, c'est juste un vernis (bienvenu parce qu'il ancre la fiction dans la réalité).
Et si Bruni-Tedeschi et Marmaï prennent toute la place, c'est parce qu'il y a une démonstration délibérée : une nuit, les deux mondes s'entrechoquent, bourgeoisie et prolétariat, se confrontent, avec effectivement beaucoup d'humour, surprenant, et les gros traits qui vont avec, mais cela est au service du propos, sans appel.
Dans tout ça, le personnage d'Aissatou Diallo Sagna ne peut évidemment être qu'une "figurante", impuissante, prise en otage...
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L'autre problème, c'est le positionnement politique du film, hyper basique et bien-pensant. L'hôpital public est en déshérence, "Nous les soignants on est avec vous (les Gilets Jaunes)", les méchants flics tapent comme des sourds
Qu'y a-t-il de bien-pensant à donner un constat? Des vidéos comme celle que le pote de Marmaï filme, on en a vu plein. Des témoignages comme l'autre manifestante tabassée, on en a entendu combien? Le film ne fait que se faire l'écho de cette réalité.
Citation:
- et puis le personnage de Pio Marmaï a beau être en colère, on précise bien qu'il n'a pas voté Le Pen hein, faut pas déconner...
Cette réplique est davantage là pour montrer les préjugés du perso de Bruni-Tedeschi (comme le cerne bien celui de Marina Foïs). Ceux qui prennent cher dans le film, c'est pas tant les flics que les gens...du même milieu social que Catherine Corsini (la bourgeoise n'est pas artiste pour rien).
Citation:
Pourtant le film fait mine de chercher un certain équilibre, mais ça rend le truc encore pire: après 1h30 de gentils soignants assiégés par des méchants flics Robocop, avec de temps en temps la petite caution "nuance" style "Regardez ce médecin il est sec" ou "Oh, le Gilet Jaune est un peu agressif quand même...", on a droit au renversement avec une séquence grotesque de gentil flic totalement surligné, avec speech-message ("On est à bout... On n'a pas été relevés depuis 12 heures... Y a des collègues blessés"). Naze et sur-écrit.
Oui ça c'est un peu fake.
Mais sinon, j'ai trouvé ça remarquablement écrit, dans la caractérisation parfois mal-aimable et le rythme, et dans ce que ça raconte donc,
des aisés et leurs petits problèmes et des autres qui essaient de survivre.
De Corsini, je n'avais vu que l'infâme
La Répétition mais là respect. Pour les comédien.n.es également.