Damn, j'avais grandement apprécié Leto et il est probable que ce soit une exception dans la filmo de Serebrennikov grâce à son sujet en or. La fièvre de Petrov n'a pas tant d'intérêt, ni de rapport avec ce que j'ai pu voir d'Aleksei German. On s'attend en lisant certains avis à des plans-séquences parcimonieux - en nombre - à la Béla Tarr, Loznitsa ou German, tout ça pour se rendre compte que Serebrennikov se rêve en démiurge qui fait dans le réalisme magique facile dont les images renvoient finalement à celles d'un clippeur immature sans grand talent. On est en fait à mi-chemin entre le film-cerveau sentencieux à la Charlie Kaufman et les rodomontades d'un Léos Carax. Cela commence mal déjà avec une image blafarde et glauque dont l'aspect cliché, outrancier et non dénué d'académisme renvoie à Jeunet ou au My Joy de Loznitsa ou encore au cinéma de Kornél Mundruczó, le film commence par un enchevêtrement de conversations de bistrot, qui se suit sans déplaisir, mais où le côté m'as-tu-vu sent à la fois son ridicule d'happening organisé à la va-vite, façon biennale de Venise, et souffre d'un singulier manque d'incarnation, qui va aller en s'accentuant, au gré d'une narration un peu gigogne où ce qui se passe à l'écran, et l'intérêt, se font de plus en plus insubstantiels. Au nihilisme du début succède la description d'une relation père-fils trop facilement supposée gagner l'émotion. Un petit détour par un couple édénique, adepte du naturisme en appartement, rappelant Le Dernier Homme de Ferreri, entrecoupé d'un film de super-héros féminin avec une mère, redresseure de tort dont les pupilles changent au moment où elle se découvre des talents d'artiste martiale et de vigilante. A la fin, on a droit à un pastiche de film soviétique des années 60, très manifestement inspiré de July Rain de Marlen Khutsiev mais qui n'apporte rien et se contente de mettre en rapport l'impasse d'une jeune soviet à l'époque avec celle de l'époque actuelle ? Je remets la scène du film que j'avais évoquée dans l'avis que je lui avais consacré :
La jeune fille du dernier flashback ne peut s'empêcher de dénuder du regard les hommes qu'elle voit. Merveilleux...
ça finit avec un dernier plan à la Mauvais Sang russe sur une chanson de rap dont on se dit qu'elle est meilleure que le film.
Des notes d'humour sont amusantes mais c'est médiocre et tellement volatil. Je confirme qu'au bout d'une heure on s'ennuie mais pas trop ferme.
ça finit avec un dernier plan à la Mauvais Sang russe sur une chanson de rap dont on se dit qu'elle est meilleure que le film.
Usage du rap qu'il faut replacer dans le contexte russe où cette musique est très largement censurée ou interdite par le gvt (comme en Chine). C'est un détail dans un film qui, d'une façon générale, cultive son doigt d'honneur à l'image positive du pays que le discours officiel et gouvernemental promeut, voire impose (là encore, c'est grosso-modo la même chose qu'en Chine). Cela n'en fait pas nécessairement un très bon film pour autant, je te l'accorde...
J'étais justement assez sensible à l'histoire du réalisateur, au rapport pérestroïka et époque actuelle pour Leto mais parce que je trouvais le film réussi. Là il fait le même coup, mais le film se passe quand... dans les années 2000. And back. Alors oui, c'est le début des années poutine, surtout le commencement de la fin des dix années qui ont sans doute été horribles pour beaucoup de russes après la fin de l'URSS. Cela ne se ressent pas. Les critiques ici vont voir que l'enfant a une gameboy ancienne mais croire que ça décrit la Russie d'aujourd'hui et comment leur donner tort. Cela étant, je ne sais pas de quand date le morceau à la fin, mais il rend le film anachronique, il résume de manière synthétique ce que le film avait du mal à exprimer. Sinon le rap est peut-être censuré en Russie, je veux bien que tu me donnes des articles sur la question, mais avec internet, j'ai du mal à croire que ce soit le cas. (et les éditions des syrtes, qui a publié le livre dont le film est l'adaptation n'a pas la réputation d'être dans une ligne particulièrement gauchiste par ailleurs).
Ouais le rap largement censuré en Russie je ne sais pas d’où ça vient, si c’est le cas j’ai connu la censure russe bien plus efficace vu comment j’en entendais partout. Sinon les décennies précédentes me semblent avoir été plus dures en Russie, les années 80 avec leurs pénuries alimentaires ou la période Eltsine avec l’explosion du banditisme et les rivalités entre factions rivales.
Il y a eu une liberté en Russie dans les années 90 qu’on ne retrouvera sans doute jamais.
Je ne l’ai pas vécu hein, je ne fais que rapporter ce que ma femme m’en a dit. Elle vivait à Rostov à l’époque, le même ville dont vient Serebrennikov, qui n’a jamais eu la meilleure des réputations en Russie.
Sinon les années 90 ce sont aussi celles où l’espérance de vie a brutalement baissée en Russie non, pour de multiples raisons (Tchétchènie, Mafia et surtout alcoolisme), c’est tout de même loin d’être la décennie idéale.
Qu'il y ait censure ne signifie pas que le rap n'existe pas de façon hardcore et underground ou officielle et aseptisée. Un article sur le sujet datant de 2018 retrouvé vite fait via moteur de recherche : https://www.ouest-france.fr/europe/russ ... nt-6101200 . C'est tjs la même histoire : ça donne une mauvaise image du pays, c'est vulgaire, ça parle mal, en bref c'est bon ni pour les jeunes du pays ni pour le softpower international...
@bnmtmp : où ai-je parlé d'un film qui serait "gauchiste" ?!
Qu'il y ait censure ne signifie pas que le rap n'existe pas de façon hardcore et underground ou officielle et aseptisée. Un article sur le sujet datant de 2018 retrouvé vite fait via moteur de recherche : https://www.ouest-france.fr/europe/russ ... nt-6101200 . C'est tjs la même histoire : ça donne une mauvaise image du pays, c'est vulgaire, ça parle mal, en bref c'est bon ni pour les jeunes du pays ni pour le softpower international...
@bnmtmp : où ai-je parlé d'un film qui serait "gauchiste" ?!
Ok c’est récent, je n’y suis pas allé depuis 2016 ou 2017.
En même temps, c’est plus le genre d’infos que tu es susceptible d’apprendre dans la presse française que lors d’une visite à la belle-famille à Rostov sur le don.
Je vois plus le rap final comme une sorte de soutien et d'hommage aux artistes qui essuient comme lui actuellement la censure ou au moins des pressions, mais l'"énergie négative" du film me paraît plus issue du punk que du rap...
Sinon Alexander Rastorguev, également originaire de Rostov et documentariste, journaliste s'est fait assassiner avec deux collaborateurs il y a trois ans en Afrique alors qu'ils faisaient un documentaire sur la Wagner. Je le découvre à l'instant. Enquête fouillée ici https://dossier.center/car-en/
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