Forum de FilmDeCulte

Heeey bah c'est pas pour casser l'ambiance hein, mais j'ai beaucoup aimé !



Au décès de son père, qui l'a laissée à ses grands parents lorsqu'elle était petite, Naomi Kawase cherche à comprendre pourquoi elle a été abandonnée.


C'est vrai que le film a une réputation mineure, comme un simple trait d'union entre Dans ses bras et Naissance et Maternité (ce qu'il est aussi, effectivement), mais je ne le trouve absolument pas plus faible que les deux mastodontes qui l'entourent, au contraire. C'est sans doute son film le plus dense, le plus compact, qui ne prend pas son temps : ca se sent beaucoup dans la première partie, qui quitte très rapidement le synchronisme des interviews pour tout de suite partir rêvasser, dans ce talent immense pour faire fleurir des confrontations dialoguées toutes ces images ésotériques et opaques, sensuelles et sensorielles, à qui elle parvient toujours à donner une aura profondément intime. Ça n'a jamais été aussi fort qu'ici, dans cette ribambelle obsessionnelle de racines et de ramifications qui habite tout le film.

Et on retrouve surtout Kawase dans toute sa splendeur ambiguë, puérile mais audacieuse, doloriste mais cash, dépressive ou euphorique... Avec toujours, au centre, le malaise de la place que prend le film dans sa vie, de la complaisance exhibée et consciente de se mettre en scène, et d'agir en fonction. La séquence-bloc chez le tatoueur, comme une sorte de réponse franche (quelque chose comme "autant assumer et prendre la chose à bras le corps") à l'entêtement narcissique de la première partie, saturé de traces transformant la confrontation en petit théâtre, passe un long moment à nous montrer la moue de madame devant le tableau déraisonnable et douloureux qu'on lui annonce, hésitant très visiblement à y foncer dans l'idée que ca fera une super bonne scène. Gros pied de nez finalement de ne pas nous la montrer cette scène, de se la garder pour elle : comme souvent chez Kawase, j'ai l'impression d'un cinéma qui se retourne in extremis pour affronter sa propre monstruosité et l'observer droit dans les yeux - ça me rappelle cette scène, dans Naissance ou Maternité, où de rage, à la naissance, elle empoigne brutalement la caméra sans plus aucune pudeur pour exulter. J'aime cette rage-là, très présente dans celui-ci (superbe scène d'embrasement, d'ailleurs)... Je trouve dingue la façon dont ces films sont toujours à la limite du fossé de TOUS les poncifs du doc étudiant détestable, combien il flirtent avec ça, et combien ils en sortent au final indemnes et victorieux.