Forum de FilmDeCulte

Une maternité au cœur de la forêt près d'Okazaki au Japon. Les femmes viennent là de tout le pays loin du tumulte et de la tension des villes modernes. Le Docteur Yoshimura âgé de 78 ans y pratique un accompagnement naturel à l'accouchement depuis des décennies. Autour de la question de la vie, un portrait en creux de la condition des femmes japonaises d'aujourd'hui se dessine.

C'est une chance de voir ce film en salles plus de deux ans après sa production (il avait été présenté à San Sebastian en 2010). Réalisé avant Hanezu (dont je garde un souvenir effroyable d'ennui il faut bien le dire) ce petit documentaire est pourtant très beau. Se concentrant sur ces femmes qui veulent accoucher naturellement Kawase ne fait pas un film de société, ne les questionne pas sur leurs choix, ne confronte à aucun moment médecine moderne et accouchement naturel, ne parle jamais d'argent ou de logistique. Elle s'intéresse uniquement à l'expérience des femmes, à leurs vies et à la vie qu'elles s'apprêtent à donner. On peut les voir épanouies, faisant les exercices physiques préconisés par le Dr. Yoshimura et convaincue du bien fondé de leur désir d'un accouchement sans assistance. Et ce que le film rend très beau ce sont les accouchements eux-mêmes. C'est toujours émouvant d'assister à ça mais là ça l'est d'autant plus qu'effectivement on est sur un tatami, qu'il n'y a strictement aucun appareil médical et que toute la famille est autour de la femme pour la soutenir. Alors quand on voit les enfants pleurer l'arrivée de leur frère ou sœur c'est quand même irrésistible. Et puis il y a dans ces naissances quelque chose de douloureusement beau. Quand une femme nous explique que son mari l'a abandonné, l'accouchement extrêmement intense (à base de hurlements et de sanglots terribles) est très émouvant. Kawase à base de petites touches très délicate parvient à nous faire comprendre ce lien très fort de l'homme à la terre. Il suffit d'un montage entre une femme qui dit se sentir soutenue par une présence invisible et des plans de feuilles et d'insectes pour tout comprendre, tout déchiffrer. Tout le film est là dans ce lien évanescent et insaisissable qui lie les hommes à la terre, qui fait que tout n'est qu'un. Et tout cela se fait dans cette tranquilité magnifique typiquement japonaise. Une fois de plus je suis épaté de voir à quel point le cinéma très auteurisant de Kawase rejoint le grand cinéma populaire japonais, car cette année il me semble qu'Ame & Yuki ne disait pas autre chose et le faisait avec cette même paradoxale sagesse pleine d'humilité.

Cependant vers la fin du film on commence cependant à voir les craquelures dans ce beau petit monde. Entre les sages-femmes qui se plaignent d'un patron tyrannique et égocentrique et ledit patron, ce vieil homme qui semble très seul, qui a une famille visiblement totalement brisée tout n'est pas rose, loin de là.

Dommage que ça s’éparpille un petit peu, notamment sur la fin où elle essaie de dessiner en filigrane un portrait du sensei Yoshimura qui m'intéresse moins et qui semble un peu moins réussi mais elle parvient à capter de purs moments de grâce et à offrir cette espèce de paix intérieure entre l'homme et la nature qui régule son existence. Et rien que ça c'est quand même très beau.

4/6

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CroqAnimement votre

Moi qui fais plutôt partie du clan des adorateurs de Kawase, ça m'a bien barbé. Je ne la reconnais pas dans cette forme proche du reportage à témoignages, au montage très paresseux, sans aucun décrochage touché par la grâce comme habituellement, où des nanas enceintes de huit mois vont couper du bois en rase campagne avant d'accoucher à la fraîche en souffrant le martyre (trois naissances live dans le film) tout en s'efforçant de se convaincre qu'"ouhlala que je suis heureuse", sous l'emprise d'un genre de gourou new age qui vient pérorer ses leçons de sagesse. Que ceux qui voient du voyeurisme malsain chez Herzog n'aillent pas louer aux aurores la pseudo-douceur de Genpin.
2/6