Forum de FilmDeCulte

quelle affiche de merde

Je me rappelle encore la toute première fois que mon père m'a parlé du film.

Plus précisément, il me parlait de sa mise en scène. Il m'expliquait l'effort de Welles et Toland pour garder l'image nette à travers la grande profondeur de champ et leur astuce de filmer depuis un espace sous le plancher. Je crois que c'était l'une des premières fois, si ce n'est la première fois, que j'étais amené à réfléchir sur la façon dont les aspects techniques d'une réalisation pouvaient raconter quelque chose.

Dans la foulée, j'avais vu le film et il s'était naturellement glissé parmi mes films préférés. Mais je dois avouer que je l'admirais sans doute de façon plus froide que les autres films figurant sur cette liste et, à vrai dire, je l'avais quelque peu oublié avec le temps. Ca devait faire une vingtaine d'années que je ne l'avais pas vu et je l'ai revu hier soir pour la deuxième fois en un mois.

Je ne vais évidemment rien dire qui n'ait déjà été dit mais bon... La composition des cadres me scie toujours autant. Est-ce le passé théâtral de Welles qui l'a amené à épouser cette technique? A laisser le spectateur choisir ce sur quoi il souhaite se focaliser? La façon de garder Kane au centre du cadre tandis que les autres parlent de lui, qu'il s'agisse d'un enfant, enfermé dans son cadre dans le cadre, dont le destin se joue entre parents et banquier, ou du jeune magnat dansant dans l'insouciance et l'arrogance tandis que ses collègues jasent...

Je kiffe aussi la verticalité du 1.37 et de la direction artistique (le bureau art déco de Bernstein <3) qui écrase les personnages, les rapetisse (Kane qui s'enfonce dans la profondeur de champ insoupçonné lors de la discussion post-crash de 1929), après que les contre-plongées les aient magnifié.

Je ne me rappelais pas non plus à quel point la photo osait l'obscurité, les contre-jours, les visages com-plète-ment plongés dans la pénombre et, à l'inverse, les grosses douches de lumière. L'influence de l'expressionnisme allemand en mode bats-les-couilles. Cette façon de rendre le journaliste presque invisible, presque toujours dans le noir ou de dos, nous laissant prendre sa place.

Néanmoins, si nombre d'images et d'effets de style et de choix de mise en scène m'avaient tout de même marqués à jamais, c'est avant tout le scénario que j'ai véritablement redécouvert en le revoyant cette année. Cela est dû en partie à une déformation professionnelle à n'en pas douter mais j'ai tout de même été soufflé par toutes ces décisions audacieuses.

Le fait de commencer le film par un (relativement) long reportage sur Kane qui "spoile" toute l'histoire en un sens, désamorçant tout suspense sur son succès et ses échecs. Ça m'a rappelé l'animation moche que les pilleurs d'épaves montrent à la vieille Rose au début de Titanic et qui te montre tous les détails du naufrage mais avec les pires SFX du monde, parce que le cœur du récit ne se joue pas là. On se fiche du cours de la vie de Kane dans ce qu'elle a de plus chronologique. Citizen Kane, c'est un peu un anti-biopic.

On a beau avoir droit à une séquence située dans son enfance, elle est suivie par une ellipse D'ENCULE (le "Merry Christmas" dit par Thatcher à Kane enfant qui coupe sur "and a Happy New Year!" VINGT-CINQ ANS plus tard). J'en viens presque à regretter qu'il y ait des panoramiques filés entre chaque temporalité des discussions "petit déjeuner" du couple Kane et que Welles n'ait pas osé des cuts pour accentuer l'idée. En soi, c'est déjà assez moderne de résumer la déliquescence d'un mariage entre un montage de petits dej.

J'avais oublié que le récit de chaque intervenant de commençait pas là où s'était fini celui de l'interlocuteur précédent. Les mémoires de Thatcher vont jusqu'au krach mais quand le journaliste interroge Bernstein, on remonte plus loin, à l'achat de l'Inquirer. Et c'est comme ça tout le long. Alors c'est pas Le Prestige non plus mais j'admire l'aspect novateur (pour l'époque mais c'est encore frais aujourd'hui) de cette approche kaléïdoscopique de la vie de Kane, un "puzzle" comme le dit le journaliste à la fin, et dont la dernière pièce ne sera "trouvée" que par le spectateur.

Avec sa compilation de techniques de mise en scène et d'effets de style qui en font une sorte d'ur-film, et avec ce scénario précurseur qui trouve encore des échos politiques aujourd'hui (cf. la capture d'écran qui a beaucoup tourné sur Twitter récemment montrant les employés de l'Inquirer choisir la Une "Fraud at polls!" suite à la défaite électorale de Kane), l'intemporalité du film est plus que jamais incontestable.

Et maintenant pour rigoler, regardez ci-dessous les autres films avec Citizen dans le titre.

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Chouette texte.

A quand la rétro Welles ? Parce qu'il y a vraiment RIEN à jeter chez lui.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

On peut se passer de The Stranger

Il paraît que le scénario de Mankiewicz comprenait un grand nombre de choix de mise en scène que Welles a suivies.

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There is no such thing in life as normal

C'est son moins bon, mais c'est quand même rempli d'idées visuelles. J'ai oublié tout le reste du film, mais le superbe final me reste bien ancré en tête.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Vu récemment j'ai trouvé ça très bien, très carré, avec du style et d'excellents acteurs (notamment Edward G.Robinson). Après oui ça reste clairement mineur.

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CroqAnimement votre

Mmh, tu parles de Citizen Kane ?

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There is no such thing in life as normal

Nan, The Stranger. Il nous a fait une Karloff.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Je pense revoir Citizen Kane bientôt, ayant procédé à l'acquisition du Blu Ray, mais j'ai The West Wing à terminer.

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There is no such thing in life as normal

Oui erreur de quote je parle de The Stranger .

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CroqAnimement votre

Merci.


Ca va être plus dur parce que les autres rétro (et les films ou série en général), c'est avec madame. Et Welles la branche moins que Verhoeven ou Kim.

C'est une des raisons pour lesquelles la rétro Cronenberg stagne, elle m'a chéla avant que ça devienne bien.

Mais je veux (voir les autres Welles, surtout La Dame de Shanghai). Je n'ai vu que La Soif du mal (que j'avais trouvé bien mais qui m'avait pas soufflé non plus).

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Il est évident que je l'ai revu en préparation pour Mank. Curieux de voir le point de vue.

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A chaque fois que je revoie le film je monte un cran dans l'implication émotionnelle. La première fois j'avais trouvé ça évidemment hyper impressionnant tout en aimant moyennement le personnage. Mais en fait c'est un film très touchant, simplement la mélancolie se loge dans des moments assez brefs, Welles était visiblement un grand pudique.

Il faut rappeler que le scénario de Citizen Kane a été écrit par Herman Mankiewicz ET par Orson Welles, les deux ont gagné un oscar pour celui-ci.

C’est la célèbre journaliste Pauline Kael qui dans un article du New Yorker en 1971 a émis la thèse que le scénario aurait été intégralement écrit par Mankiewicz (https://www.newyorker.com/magazine/1971 ... ing-kane-i) .

Thèse largement contestée depuis : https://en.wikipedia.org/wiki/Raising_Kane

Que donc tu as vu entre hier et aujourd'hui si j'en crois le site de notes. Marre des privilégiés .

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CroqAnimement votre