Ruǎn líng yù (
阮玲玉) en VO.
Je l'ai aussi croisé sur le net en tant que Cent
re Stage (?).
Les dernières années de la vie de Ruan Lingyu, star absolue du cinéma chinois suicidée à 25 ans, mêlées aux archives, interviews et scènes de tournages de l'équipe qui, en 1992, tente de reconstituer les évènements.Je suis couci-couça (j'ai pas vraiment idée de l'importance ou non qu'on concède au film, au passage, c'est peut-être considéré comme fondamental ou complètement anodin - j'en sais rien, j'ai vu ça par hasard). Il faut y aller mollo parce que le film est plutôt sobre dans ce qui constitue à mon sens ses qualités (à commencer par sa douceur et sa pudeur), or cette sobriété pourrait rapidement passer pour de l'académisme, par ailleurs pas toujours évité.
Réflexe révélateur de la conscience de ce danger, la forme typique du biopic est sciemment détournée, et ce de manière trop lourde (les dispositifs en allers-retours de premier de la classe avec "le tournage dans le tournage", dont le surlignage final finit par gaver, hormis un beau dernier plan). Or ce dispositif cache un geste général plus riche, visant à rendre floues les frontières entre les différents mondes : la vie de l'actrice, les films qu'elle tourne, le film qu'on tourne sur elle qui tourne. Au-delà des scènes appuyées qui en jouent très visiblement, cela se fait plus discrètement et souterrainement par une série de choix simples : l'arrière-plan constant du studio qui ressemble lui-même à un décor de cinéma, le naturel avec lequel les scènes tournées s'insèrent dans la continuité avant de révéler leur nature, la lumière très maniérée (sélective, nocturne) associée à une direction d'acteur plutôt naturaliste (et impressionnante, ils sont tous excellents).
Puisqu'il explique une partie des évènements à travers ses inserts récents, le biopic peut surtout se permettre d'avancer par fragments, pas forcément focalisés sur les évènements primordiaux, et ça aère beaucoup le genre : pas de tribut maniaque à rendre à l'enchaînement des faits, le réal appuie sur ce qui l'intéresse, du moins dans la première moitié de son film. L'effet, d'abord assez saisissant, donne dans les meilleurs scènes l'impression de capturer quelques séquences directement volées à la nuit du passé. Pas de passage obligé par l'enfance, d'exhaustivité obligée, de radiographie psychologique (autrement que dans les discussions entre Kwan et ses comédiens)... Le film gagne aussi à élargir son portrait sans se focaliser maladivement sur son héroïne, notamment en dessinant le rapport qu'elle entretient avec ses réalisateurs (Sun Yu, Cai Chusheng, Fei Mu) agissant tous comme d'ambigus anges-gardiens (c'est particulièrement joli pour Fei Mu, esquissé humaniste en quelques traits). Le plus réussi du film est ainsi sans conteste ce qui touche au monde du cinéma et aux tournages muets, reconstitutions simples et fascinantes (elles ont toutes quelque chose de fantomatique, comme extirpées d'un temps fermé à double-tour, ce que renforce le fait que la plupart des films au tournage rejoué ont aujourd'hui disparu).
Ça aide beaucoup l'ensemble, car l'académisme fui n'est pas toujours évité : la deuxième partie, d'avantage sur rails, plus proche du déroulé des faits alors que le suicide approche (et moins mêlé aux images récentes), s'enfonce souvent dans un confort mou au pathétisme facile.