Taipei - Tao LinC'est une claque. Ce que j'ai lu de mieux en littérature contemporaine depuis très très longtemps (j'en lis assez peu c'est sans doute aussi pour ça).
C'est le récit de la vie de Paul, écrivain new-yorkais d'origine taïwanaise. Le roman est un peu divisé en deux. La première partie c'est un remake de
Moins que Zéro. Paul a une vie oisive, se rend à des soirées, va dans des restaurants, rencontre des amis mais fait tout cela avec un détachement et une espèce de neutralité absolument glaçante. La narration à la troisième personne se contente souvent de regarder les gens et les choses avec une permanente étrangeté sans vraiment comprendre la réalité de leur comportement. Cela crée un décalage énorme où par exemple le personnage principal dit une blague mais le narrateur l'exprime avec une sorte d'incompréhension. La narrateur est comme l'inconscient du personnage principal, ou du moins un autre niveau de conscience où tout comportement social est déconstruit jusqu'à en devenir absurde et inutile. Les passages introspectifs sont du même tonneau d'ailleurs ou le personne réfléchit non pas à sa vie en tant que concept extérieur mais aux mécanismes de sa pensée comme un paramètre extérieur sans aucune émotion.
J'aime peut-être un peu moins la seconde partie "prise de drogues" mais c'est traité de la même manière. Les personnages prennent de la drogue et se lancent dans des "délires" probablement hilarant pour eux mais qui sont décrits ici avec une absence totale d'humour. Ils y sont décrits avec la même nonchalance que le reste, comme un épisode quotidien, comme un geste sans intérêt. On pense bien évidemment à Brett Easton Ellis. Il y a cette même façon de tout mettre au même niveau, de se détacher de l'émotionnel et de raconter une vie traversée par la mort. Mais c'est une version 2.0 de Ellis encore plus détachée d'une quelconque épaisseur dramatique. C'est très très fort. A lire en VO si c'est possible. J'ai du mal à imaginer une traduction correcte.
Grosse sensation de la rentrée littéraire dernière, ce roman autobiographique nous raconte le quotidien du jeune Eddy Bellegueule (c'est son vrai nom), né homosexuel dans le fin fond d'un village du nord au sein d'une famille extrêmement pauvre et portant toutes les tares possibles et imaginables de leur classe (racisme, homophobie, violence, alcoolisme etc...).
C'est un roman sur un homme qui a la rage d'être né où il est né et qui lance un énorme crachat à la gueule de ses origines, lui qui maintenant habite à Paris et étudie à l'école Normale. C'est d'ailleurs assez saisissant car le roman commence justement par un crachat. Eddy considéré comme un pédé par tous ses camarades de classe se fait cracher au visage, un gros mollard bien vert qu'il nous décrit dans les moindres détails.
J'ai vraiment beaucoup de mal avec cette posture que je trouve incroyablement complaisante et surtout qui semble exclure justement les personnages qui constituent son roman. Comme si une fois sorti de cet enfer du nord il pouvait s'exprimer sur eux comme il réaliserait un documentaire animalier. Ces gens ne sont plus des êtres humains mais sont des caricatures de prolétaires précaires avec tout ce qui va avec. Il leur réfute leur singularité, leur personnalité propre (pourtant ce sont les membres de sa famille) pour se contente de décrire comment ils représentent l'horreur de leur classe (la mère qui fume alors que le fils est asthmatique, le père qui travaille plus et passe ses journées à boire en attendant La Roue de la Fortune, les repas uniquement composés de frites et de pâtes...). Alors bien évidemment c'est une réalité, il n'invente pas. Mais dans sa haine aveugle il leur nie le reste, ne leur laisse aucun espace, les étouffe dans son regard de colère.
Le live a la qualité d'être assez fascinant psychologiquement, Eddy y parle simplement sans chercher à analyser trop son comportement, sa démarche est donc vraiment très clair, ce livre est comme un cri sur toute la souffrance qu'il a bien vécu enfant en tant qu'enfant différent (plus intelligent, attiré par d'autres choses) et surtout en tant qu'enfant homosexuel dans un milieu où c'est impossible.
Un livre qui s'adresse aux Film Freak et cie, qui valident leur "LA PROVINCE" et toutes les idées préconçues qui va avec. Moi qui ait grandi dans un village de 600 habitants en pleine campagne dans un milieu très populaire (certes moins pauvre et pas dans le nord) je ne m'y suis en tout cas jamais retrouvé. Mais au delà de ça je ne vois pas très bien ce qu'il apporte de plus, ce qu'il représente. De plus limite écrit comme un blog je trouve la qualité littéraire du truc plus que discutable. Grosse incompréhension sur le succès du bouquin et les éloges que j'ai pu lire partout.