
1956
Livre mythique (Jean-Yves Calvez était père jésuite et a influencé les théologies de la libération et les gauches catholiques, particulièrement en Amérique latine), que l'on présente comme monumental alors qu'il est plutôt concis. Vraiment intéressant même si l'exposé est plutôt historicisant (une approche plus théorique ou ontologisante du matérialisme de Marx serait il est vrai encore plus compromettante pour l'auteur, du coup l'extériorité du dogme catholique limite en fait le délire interprétatif et sert la pensée Marx qu'elle n'essaie pas d'opposer à lui-même) et que des exposés minutieux et précis sont suivis à chaque fin de chapîtres de réserves et restrictions beaucoup plus générales et exprimées sur un ton bref mais moralisant.
Calvez centre son point de vue sur Marx sur la notion d'aliénation et la critique de celle-ci, dont la dimension politique n'est qu'un cas particulier, dès Marx lui-même finalement. C'est pas mal mais le concept d'aliénation de l'homme, massif et originaire, trans-individuel et d'autant plus voilé et ésotérique qu'il touche (et en fait achève historiquement, la rupture de celle-ci est à la fois potentielle, historiquement située et reste une promesse messianique) une essence, ressemble beaucoup à la situation de l'homme déchu après le pêché originel, transformant en finitude ontologique une faille morale (ainsi qu'à l'humanisme issu des Lumières lorsqu'on le prend par l'autre bout, la forme inconsciente de cette finitude est directement psychologique et politique). D'où une forme de mystique du salut, implicite mais permanente, qui, déçue, peut facilement renier ses fondements progressistes et rationnels.
Sur le rapport de Marx à Hegel le livre est très bon.