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MessagePosté: 14 Nov 2022, 16:20 
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Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français.

Je me serais bien contenté d'un Art Core a tout dit, mais comme le cuistre n'a pas jugé bon d'ouvrir le topic...

Bien chauffé par les retours laudateurs sur Twitter, mais d'un autre côté j'étais tout de même un peu méfiant, d'une parce que sur ce média on s'y enflamme trop régulièrement, et de deux parce que je n'ai pas été particulièrement convaincu par ses deux précédents (il faut voir son dernier, des vieux en costumes d'époque en train de lutiner la gourgandine dans des chaises à porteurs au crépuscule, malaise garanti de la première à la dernière minute). Et j'ai effectivement mis un peu de temps pour rentrer dans celui-ci, sa photo diaphane à la Berlin Alexanderplatz, ses dialogues un peu vaseux et ses acteurs approximatifs, son rythme indolent... mais bizarrement l'édifice prend peu à peu forme, autour de quelques saillies comiques (l'improbable histoire du diplomate portugais), de personnages hors-normes (Shanna Pahoa Mahagafanau évidemment, qui joue comme une casserole mais à la présence unique), de lieux indéfinissables (cette improbable boîte où des tahitiens bodybuildés se promène en slip). Et puis survient une séquence (la compétition de surf à Teahupoo) qui fait basculer le film dans une autre dimension.

L'origine de la menace se fait plus concrète, le film a une vraie pertinence quant à son questionnement politique (au-delà même de toute attente avec le conflit en Ukraine), mélange de risque nucléaire, de post-colonialisme, du statut de la France (pas bien glorieux si l'on s'en tient aux pouvoirs supposés du Haut-Commissaire, au courant de rien, moqué par les puissances étrangères sur place), que Serra va dérouler en terrain connu, celui d'un monde crépusculaire quelques minutes avant sa fin, mais sur une tonalité décalée, non pas mortifères comme pouvaient l'être ceux de La Mort de Louis XIV ou La Liberté, mais ensoleillé, souriant, affable... Faux thriller (il cite ceux des années 70 comme influence, j'y ai plus vu celle des films d'anticipation de Godard style Alphaville ou de ceux de Biette - Howard Vernon aurait été ici comme un poisson dans l'eau), vrai paradis vicié.

Tout cela culmine dans un dernier tiers hallucinatoire, extra-sensorielle, quasi lynchien (la scène finale dans la boîte, et cet improbable Amiral que je n'ai eu de cesse de voir comme une réincarnation de The Man from Another Place de Twin Peaks). Économie de dialogue (je ne saurais dire s'ils en prononcent encore quelque uns, dans tous les cas sporadiques), profusion d'image, de son... Je tenais jusqu'à présent EO pour l'expérience cinématographique de l'année à ne pas manquer, Pacifiction est bien au-delà, plus homogène, plus riche. Malgré cela je n'ose vraiment le recommander, j'ai pleinement conscience de sa bizarrerie, je doute que ça plaise à un large publique, mais bordel que c'était fort... hâte de voir le prochain Serra du coup, même si je me demande s'il sera capable de faire aussi bien. Et place gardée tout en haut des top de fin d'année.

5/6

Sinon je recommande la lecture de son entretien sur Chaos ou celui de son chef op/monteur sur Critikat. Serra qui me donnait l'impression d'être un dandy branleur m'y est apparu sous un tout autre jour. Et son film évite d'ailleurs les écueils dans lesquels bien d'autres sombrent aisément. Malgré le nombre des références queer que l'on pourrait y trouver, on est jamais face à un maniérisme à la Mandico par exemple, elles sont parfaitement intégrées à l'ensemble, participe du sentiment de décalage sans être excluante.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 16:26 
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Est-ce vrai que Magimel regarde des trains passer pendant 25 minutes ? Si oui, j'y vais.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 16:27 
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Déjà-vu a écrit:
Est-ce vrai que Magimel regarde des trains passer pendant 25 minutes ? Si oui, j'y vais.

Non, il n'y a pas de train dans le film. Par contre il cherche longuement à voir quelque chose avec des jumelles.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 16:32 
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Déception. Je crains la plantation française de Redux mais sur toute la durée de Redux, ton avis sur les deux derniers Serra et l'avoir cru "dandy branleur" me rassure néanmoins.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 16:35 
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Déjà-vu a écrit:
Déception. Je crains la plantation française de Redux mais sur toute la durée de Redux, ton avis sur les deux derniers Serra et l'avoir cru "dandy branleur" me rassure néanmoins.

C'est du pur slow cinéma, atmosphérique, sensoriel.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 17:09 
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Je n'aurais pas l'occasion de le revoir je pense alors merci Lohmann d'avoir ouvert le bal. Vu à Cannes dans ce genre de projection où tu vas parce que tu es sur place et que le film est en compétition mais Serra c'est pour moi un certain cinéma poseur extrême. Je n'avais vu que Honor de Cavalleria (l'enfer) et La mort de Louix XIV (une bonne surprise, un film assez unique même si limité). Là un film de 2h45 je partais pas DU TOUT confiant. Et pourtant j'ai été totalement sous le charme. Je parle de charme et c'est presque au sens premier du terme, le film travaille quelque chose de fondamentalement hypnotique. Son ambiance d'abord, cette langueur insulaire évidemment (mais jamais dans une imagerie attendue), ce travail sur des morceaux de bravoure (les danses, les scènes de night clubs) contrebalancé par ces longues discussions où la fascination change brutalement de sujet. Soudain celui qui est hypnotique c'est Magimel lui-même. Rarement un travail sur l'improvisation ne m'avait paru aussi pertinent et enthousiasmant. Magimel y excelle et son personnage que, contrairement à ce que j'ai pu lire sur sa duplicité, je trouve étonnement bonhomme et sympathique est un plaisir sans cesse renouvelé à voir se débattre dans des discussions où il ne maîtrise rien et répète à l'envie sa volonté de bien faire. Cette manière de parfois chercher ses mots, de rebondir sur des détails, de répéter des morceaux de phrases, typiques de l'improvisation te maintient en alerte parce que l'artiste en question est génial. J'adore la scène de la danse où il vient donner des conseils, il se fait soudain metteur en scène mais toujours à l'écoute des autres, en essayant un peu comme il le fait durant tout le film de ménager la chèvre et le chou.

Et en effet la scène de la compétition de surf est monumentale, quelle maîtrise visuelle soudain. Serra qui n'avais jamais réalisé que des mini films avec trois acteurs se retrouve soudain au large de Tahiti à filmer des vagues gigantesques dans des plans ayant des allures de blockbuster. Incroyable. Comme toutes les scènes d'espionnage où Magimel avec ses jumelles regarde le large. Que c'est beau, que c'est évocateur. On lit beaucoup de références à Conrad et comment ne pas y penser dans cette espèce de délire colonialiste où un homme est seul perdu au milieu de la jungle (même si elle est ici métaphorique). D'ailleurs tout un code couleur avec Magimel dans son costume de lin blanc. Ce costume c'est tout un poème d'ailleurs tant il passe le film a tripoter sa veste, à fermer les boutons, les rouvrir, tirer sur les pans. J'extrapole surement mais j'y vois une espèce de cruauté de Serra qui sachant Magimel très complexé par son poids lui a pris un costume un peu serré qui le pousse à inconsciemment essayer de dissimuler ses formes. On pense aussi à Hugo Pratt et Corto Maltese, Magimel se rêvant sans doute aventurier exotique mais n'étant qu'un pauvre petit fonctionnaire malléable.

Plus le film avance et plus il se détache de sa propre réalité et s'enfonce dans une abstraction de plus en plus insaisissable. J'avais trouvé la dernière partie à la fois la plus hypnotisante mais aussi là où Serra revenait à quelque chose d'un peu trop radical dans la durée qui m'avait par moment fait décrocher. Cependant en y repensant je crois que c'est parfaitement cohérent dans le mouvement du film. Une des grandes expériences de cinéma de l'année en tout cas. C'est rare d'avoir cette sensation de découvrir réellement quelque chose, un film qui n'appartient qu'à lui-même, qui est en tout point surprenant sans non plus être dans une espèce d'ostentation et de recherche d'attention. Au contraire même le film paraît souvent dans une espèce de douceur simple, de sensualité, de lenteur, sans véritable conflit autre que la menace flottante de ces essais nucléaires. J'espère maintenant que Serra va poursuivre dans cette voix plutôt qu'en effet Liberté (dont je n'ai vu que quelques extraits qui m'ont suffit pour comprendre l'inanité du projet).

5/6

_________________
CroqAnimement votre


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 17:14 
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Ah oui la scène de la danse avec le combat de coq en parallèle, scène extraordinaire (sous influence Apocalypse Now)


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 17:23 
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Vous allez me convaincre d'y aller à la place de Armageddon Time si ça continue.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 18:17 
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Déjà-vu a écrit:
Est-ce vrai que Magimel regarde des trains passer pendant 25 minutes ? Si oui, j'y vais.
En tout cas, on peut voir le film rien que pour lui. Il invente quelque chose là: ce personnage de haut fonctionnaire à la fois omniprésent et insaisissable, et il le tient du début à la fin. Il est génial.
Art Core a écrit:
On lit beaucoup de références à Conrad
Je pensais que tu citerais "Le Rivage des Syrtes", toi qui es fan de Gracq.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 18:24 
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Ah tu l'as vu aussi ? Tu nous prépares une belle critique ?


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 18:33 
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Oh non ! Premier Serra que je vois. Rendez-vous dans 20 ans pour la critique.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 18:34 
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Oulà la référence a Gracq qui fait peur (je préfère encore un contresens sur Conrad, où l'ailleurs est en fait plus peuplé et plus précis, en acceptant la perte de l'autre, dans ses intentions et ses raisons que le bout d'Europe, flou mais collant et obsessionnel, que représente le personnage central).

_________________
Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 14 Nov 2022, 18:41, édité 1 fois.

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MessagePosté: 14 Nov 2022, 18:39 
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latique a écrit:
Oh non ! Premier Serra que je vois. Rendez-vous dans 20 ans pour la critique.

C’est dommage…


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 21:40 
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Je m’étais épargné les derniers Serra mais les dithyrambes de nos amis vrais cinéphiles m’ont convaincu d’aller le voir dès ce soir. Monumentale erreur. C’est évidemment une vaste fumisterie de 2h45 avec une photo dégueulasse (les fameux filtres de diffusion dont parlait deudtens) et des dialogues post-synchronisés avec le cul. Concrètement il se dit quoi sur la question des essais nucléaires ? Rien. Les conversations sont sans objet. Il y a bien un moment où j’ai écarquillé les yeux pendant la scène de surf, mais c’est en voyant la formation d’un rouleau, pas le talent de mise en scène.


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MessagePosté: 14 Nov 2022, 21:51 
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:lol:


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