Nijal a écrit:
Azuma, on sait tous que le 11 Septembre est un événement majeur de ce début de siècle, mais maintenant qu'on a un peu de recul, est-ce qu'il y a un consensus des historiens pour reconnaître cet événement comme crucial (c'est-à-dire qui a véritablement "brisé" le cours de l'histoire), ou alors est-ce que c'est plutôt un événement qui a catalysé des tendances plus profondes sur le plan géopolitique?
Bref, je m'interroge sur le sens du 11 Septembre.
C'est sans doute plutôt le deuxième aspect mais cela marque aussi une rupture (rupture qui cependant est l'aboutissement d'un processus ; je sais, ça semble confus mais bon, c'est vendred...).
Le 11 septembre est un événement historique complexe car il est le produit d'un ensemble de faits et le déclencheur de choix qui existait cependant déjà (plus ou moins en germes).
Pourquoi les attentats ?
C'est l'aboutissement d'un long processus dans la montée d'un islamisme radical et violent qui prend naissance sans doute avec la révolution iranienne de 1979 et dans la frustration de l'échec de l'idée de panarabisme, chère à Nasser et dont les guerres contre Israël était le ciment. Avec les accords de camp David en 1977 et la paix israélo-égyptienne (qui coûta la vie à Sadate), les aspirations du proche et Moyen-orient s'oriente vers un courant d'affirmation religieuse, via l'exemple de l'Iran. Si la cible est l'Occident et ses valeurs (la France, par exemple, avec les attentats de 1986), les pays musulmans supportent la majeure partie des actes violents liés à cette montée de l'extrémisme religieux (l'Algérie avec la montée du FIS, etc).On peut noter subséquemment que cette "droitisation" religieuse existe aussi pour les autres religions (les années 1980, c'est Jean-Paul II et Ratzinger et le rejet plus ou moins affirmé de l'Eglise progressiste initiée lors du concile de Vatican II). Mais c'est un autre sujet (la "réaction" des années 1980 au sens politique du terme après des années 1960-1970 marqué par la volonté de liberté sociale...).
Là-dessus, le bloc communiste et l'URSS disparaissent (1989 à 1991) et le verrou que représentait le véto soviétique au conseil de sécurité de l'ONU saute (besoin de financement) ; idem pour la Chine qui s'ouvre au capitalisme et qui n'a aucun intérêt à s'opposer à la volonté américaine. On parle donc (expression de Bush père) de Nouvel ordre mondial, fondé sur une coopération EU et ONU. Cela donne la première guerre du Golfe et l'intervention en Somalie par exemple.
Cependant, le 11 septembre montre la vulnérabilité des EU face au terrorisme et surtout le rôle de cet Etat en tant que représentant de l'Occident. C'est dans cette optique qu'il faut considérer les attentats. Les EU sont visés en tant qu'Etat hégémonique (ou considéré comme tel), mais également en tant que symbole de l'Occident et de la mondialisation qui cristallise des replis identitaires.
Les conséquences ?
C'est l'idée de nouvel ordre mondial qui vole en éclat. Les EU, après avoir suscité sympathie et compassion (et donc solidarité lors de l'invasion de l'Afghanistan, cautionné à postériori par l'ONU), vont observer un éclatement de leurs alliances lors de l'invasion de l'Irak, très mal vendu par un Bush fils qui a eu le double tord d'évoquer l'idée de terrorisme (l'Irak, pour le coup, n'y avait aucune part contrairement à l'Arabie, qui elle, est officiellement l'alliée des EU mais...) et les armes de destructions massives que l'on recherche encore. La France et l'Allemagne refuse de jouer la carte de la solidarité (pas par altruisme ni compassion vis à vis des irakiens ; mais depuis les années 1980, la France et l'Allemagne sont les deux plus gros fournisseurs de l'Irak...). Seule la France compte ici car c'est en menaçant de mettre son veto au conseil de sécurité de l'ONU que la France oblige les EU a une action jugée unilatérale (et qui l'est en grande partie) alors que les EU avaient réussi à obtenir l'assentiment de l'ensemble des pays membres du Conseil de sécurité. De là la volonté américaine de se protéger quitte à reancer le programme de bouclier anti-missiles de la période Reagan, qui s'opose aux accord SALT et qui provoque la crispation de la Russie...
Donc, de 1991 à 2001, illusion de décisions, à l'échelle mondiale, multilatérales, entre l'ONU et son bras armé, les EU. Après 2001, des EU accusés d'unilatéralisme (à juste titre mais ça remonte à loin) mais par des régimes autoritaires qui rejettent les droits de l'homme et la démocratie, incarnés (mal parfois) par les EU, mais aussi par une Europe pas si unie que ça. L'Union européenne, sans diplomatie commune, sans politique extérieure concertée, est composée de pays membres de l'OTAN qui ne cesse de réduire leur budget militaire depuis des années 1980 et qui sont incapable d'offrir une alternative crédible à l'interventionnisme ponctuel des EU. Qui intervient en Europe pour faire cesser les conflits dans les Balkans ? L'OTAN, c'est-à-dire les EU...
Bon, je ne suis pas forcément très clair mais, encore une fois, nous sommes samedi soir et ce n'est pas le jour de la semaine où je suis le plus clair (comprendre : je m'alcoolise pas mal le samedi soir...).