Gerry a écrit:
skip mccoy a écrit:
le contraire de L'étranger, même si les deux livres sont résolument athée.
Ca fait un moment que je veux me le farcir celui-là.
Ca vaut quoi?
(et pas de "c'est génial parce que c'est le contraire de l'étranger, niark niark")
alors c'est intéressant que tu poses la question parce que son manque de diffusion pour les raisons que l'on sait entretient autour de ce bouquin un culte exacerbé. Il était donc grand temps que skip mccoy rétablisse la vérité.
Non,
Les deux étendards n'est pas l'immense chef d'oeuvre injustement méconnu de la littérature française. A mon avis, il y a des défauts de construction trop graves pour le considérer comme tel. Pendant les 1300 pages, il y a trop de dialogues dialectiques (comme tu le sais sans doute, ça raconte l'affrontement amical entre un athée et un futur jésuite amoureux de la même fille) dont certains sont quelque peu redondants les uns par rapport aux autres et pas assez de progression dramatique. Il y a aussi au début un côté "
Temps retrouvé pour les nuls", avec l'explicitation un peu trop littérale de la théorie proustienne comme quoi la création littéraire est nécessaire pour faire survivre des sentiments nécessairement éphémères. J'ai également eu du mal à m'identifier à un héros hyper-romantique (au sens épris d'absolu, pas au sens Barbara Cartland hein) or l'identification c'est important ici car
Les deux étendards est un livre anachronique, un héritier de la grande tradition romanesque du XIXème siècle.
MAIS :
1. sans tomber dans un post-modernisme fumeux, le roman n'est pas dénué d'une certaine ironie quant au mysticisme et aux nombreuses dissertations théologiques de ses héros.
2. c'est un livre dans lequel son auteur a mis tout son coeur et ça se ressent.
Malgré la longueur exagérée du bouquin, je ne me suis jamais ennuyé à le lire. C'est écrit avec un style tantôt vif, tranchant, remarquablement elliptique, tantôt lyrique et passionné, jamais pesant. La variété des narrateurs permet à Rebatet la variété du style. Comme
A la recherche du temps perdu,
Les deux étendards ne manque d'ailleurs pas d'humour.
Après la lecture, de nombreux passages restent gravés dans ma mémoire. Que ce soit l'éblouissement ressenti par le héros devant les étudiantes du quartier latin à la fin du printemps, la poursuite à travers les bas-fonds lyonnais d'une superbe bourgeoise de 15 ans qui s'avère prostituée corrompue par sa préceptrice ou encore l'expédition à travers les Balkans d'une grande soeur compréhensive pour aller récupérer deux amants en fuite, le brillant écrivain s'en est donné à coeur joie et quiconque aime les belles lettres ne saurait résister à la puissance d'évocation de ces nombreux morceaux de bravoure littéraires. Certaines mauvaises langues affirment que c'est l'abstinence forcée (le roman a été écrit en prison) qui aurait stimulé sa verve érotique...
Sans oublier les très nombreuses notations sur l'art: ce brave Lulu était un fin critique et, à travers les jugements péremptoires de son hussard de héros, il nous gratifie de digressions bien senties sur Wagner, Stravinsky, les surréalistes...
Enfin, un conseil si tu décides de t'y mettre: ne lis surtout pas le quatrième de converture.