Dans une boîte à échange de bouquins du quartier (je n'aime pas trop le concept : conséquence, il est vrai subie mais irréfééchie, d'une perte de valeur du livre), j'ai trouvé cela
J'en ai lu 60 ages d'une traite, partant de l'idée qu'il faut mieux lire peu de pages de lui que beaucoup sur lui. Première chose : il maîtrise bien les cliffhangers dans la constructions du livre (les nazis liront-ils mon bouquin
Vers l'Armée de métieret deviendrais-je un théoricien involontaire de la Blitzkrieg ? La bataille d'Abbeville va-t-elle arrêter la guerre ? Paul Reynaud va-t-il rester de gauche et maintenir Pétain à l'écart ? Le gouvernement fuira-t-il en Afrique plutôt que de suivre Laval ?)
Le style est à la fois pompeux et précis, assez stendhalien en fait. La première page est pratiquement un pastiche du début de la Recherche de Proust (mais avec le père à la place de la mère, et la province lilloise à la place de la nuit). Etonnament (ou pas), aors que le livre st intéressant pour décrire la crise politique des années 30, il n'y a pas d'analyse politique "stratégique" globale et plus sociologique, la toile de fond de la vision du monde de De Gaulle est faite d'un monde de valeurs qu'il pense constamment menacées, elles définissent une identité et une psychologique mais semblent par essence fragiles (et le fascisme est un avatar de cette fragilité éternelle). Cela confère à la personnalité de de Gaulle un aspect "christ moral dépressif" un peu nietzschéen, pas antipathique en fait, on comprend qu'il ait pu rencontrer Malraux. Il y a une sorte de manichéisme enfantin, un complexe précocement conscient de son aspect érotique, affectif et secret, qui détermine ensuite la subtiltié politique de l'adulte.
Le plus intéressant est la description fouillée (et incisive) de la psychologie es politiciens et militaires de l'époque, avec l'idée que la défaitisme est la conséquence directe de la mauvaise perception (voilée et déformée par la victoire) de ce que la première guerre avait changé militairement et politiquement. On n'est pas si loin de l'Etrange Défaite de Marc Bloch.
il y a des choses intéressantes et inattendues : une analyse critique mais subtile et sans hostilité du Font Populaire : belles pages sur Léon Blum, à qui finalement il reproche indirectement de n'avoir pas réagi militairement à la guerre d'Espagne, mais dont il comprend l'attitude, et la peur politique vis-à-vis des militaires, ainsi que par ailleurs l'idée que pour créer une armée a-même de s'opposer à l'Allemagne, il fallait une politique publique forte, l'armée professionnelle de de Gaulle est une forme de service public spécialisé (en supprimant le service militaire Chirac s'inscrivait en fait dans une vision gaulliste). Le fait aussi qu'il considère clairement que les accords de Munich aient été plus graves que le pacte Ribbentrop-Molotov, et que le second est la conséquence des premiers.
On se rend compte aussi que la Revue des Deux Monde ou le Figaro étaient déjà hyper-conservateurs sur ce type de question, et ont contribué à discréditer de Gaulle avant la guerre (en jouant l'argument nationaliste d'une tradition française à la fois déclinante et inviolable). De Gaulle utilisait aussi la presse d'opposition pour faire passer ses idées quand la majorité lui était hostile (on comprend pourquoi ila soutenu à la fois la fondation du Monde et voulu son indépendance économique - qui a pris fin il y a 15 ans). Le pouvoir d'influence fait partie de la démocratie.
En fait de Gaulle est devenu plus à gauche que la plupart des propos que l'on lit actuellement dans la presse française, ou qu'on entend sur internet, qu'ils soient issus de politiciens, de journalistes-animateurs ou des démagogues à canapé sur Youtube, ce qui est inquiétant.